-Essaies d'être polie, m'ordonne-t-il en s'éloignant.
Je lève les yeux au ciel.
Je toque doucement à la porte et mon coeur commence à louper des battements ; je déteste les psys.
-Entrez, fait une voix féminine.
J'ouvre la porte et découvre un bureau de taille normale, lumineux et bien rangé. Il est clair que cette pièce est tenue par une femme. Mes yeux se posent sur une femme d'une trentaine d'années, habillée d'un chemisier blanc légèrement transparent. Elle se lève et je découvre qu'elle porte un pantalon droit de la même couleur ; elle est très classe. Elle a des cheveux d'un joli roux foncé, qu'elle a relevé en chignon et des yeux marrons ronds, qui commencent a accueillir des rides.
Elle me tend la main en m'offrant un sourire aimable.
-Bienvenue Rose, je suis le docteur Vasquez, mais tu peux m'appeler par mon prénom, Claire.
Quelque chose cloche ; elle a réellement l'air d'être aimable et sympathique. Elle me fait signe de m'asseoir et je m 'exécute, encore méfiante, pendant qu'elle va fermer la porte. Elle revient derrière son bureau et place un gros paquet de mouchoirs au bord du bureau, puis sort un dossier vierge. Je lève les yeux au ciel. Elle écrit pendant quelques minutes, et j'observe son bureau. De quelle couleur l'aurais-je repeins si j'étais à sa place ? Probablement en rouge, pour rappeler à mes patients pourquoi ils sont là, et la plus grosse erreur de leur vie.
-Bien, Rose. J'ai vu que tu étais ici à la suite du fameux attentat d'octobre, à Paris... Mais tu as également un passé. Bipolarité type 2, c'est bien ça ? Fait-elle en mettant ses lunettes, les yeux rivés sur mon dossier.
-Ouais.
Elle relève la tête, surprise. Puis me sourit.
-On peut parler de ce que tu veux, d'accord ? N'importe quelle sujet qui t'intéresse, mais qui nous fera avancer toutes les deux sur ton état... Donc ?
-Je sais pas, moi, dis-je en haussant les épaules.
Je me vautre sur ma chaise en priant pour être dans mon lit.
-J'ai pris contact avec les médecins qui t'ont soigné, lors de ton séjour à l'hopital. Pourquoi avais-tu des pensées suicidaires ? Je veux dire, bien avant que tu n'ai eu ta crise.
Je failli être prise d'une secousse d'ennui. Cela m'arrive quand je m'ennuie extrêmement et que mon corps veut bouger pour aller courir un marathon, mais mon cerveau lui crie de bien se comporter.
-Parce que je pense que la vie est nulle, je lui réponds en observant sa réaction.
-Nulle ? Il y a des choses que tu regrettes ? Des choses qui ne te plaisent pas ?
-Bien sûr que oui ; dans la vie, il faut toujours que l'on se conforme. Que l'on se conforme pour tout ! Il faut avoir de bonnes notes, aller dans une bonne université pour obtenir un bon travail que l'on ne veut même pas, puis lécher le cul de son patron pour un minimum de respect de la part des autres collègues.
Je la vois noter à toute allure.
-Ensuite on fonde une famille super jeune, et on le regrette dix ans plus tard. Puis on doit s'endetter jusqu'au cou pour offrir une maison immense à notre « moitié » que l'on est même pas sûr d'aimer pour toujours. Parce que personne n'aime pour toujours. Ah, et si on a un 4x4, on est chanceux. Mais il y aura toujours un de nos gosses pour vomir dedans à la première occasion.
Je lui jette un regard et vois qu'elle m'observe, intéressée par mes propos, mais aussi très surprise.
-Ce que tu dis là est très intéressant. Mais aussi très pessimiste. Tu n'en est pas encore là, tu peux faire ce que tu veux, le monde est à toi. Que regrettes-tu ?
-Le monde est à moi ? Je répète en m'esclaffant.
Je soupire, calme à nouveau.
-Bien sûr que je regrette des choses. Je regrette de ne pas avoir pu finir ce que j'ai commencé quand j'ai battu l'amant de ma mère pratiquement à mort. Je regrette d'avoir d'abord protegé Alena plutôt que Lily. Je regrette d'avoir trompé le seul copain que j'ai eu ; mais je sais que je suis comme ma mère et je hais cette partie de moi. Je pense que je ne suis pas capable d'aimer. Pourquoi aurais-je fais cela sinon ?
-Est-ce que tu es sûre que tu voulais être avec lui ? Ou bien que tu avais des sentiments ? Le passé est le passé, tu ne peux rien changé. Il faut l'accepter et te dire que ton futur peut être merveilleux.
-Je n'avais pas de sentiments, je suis sortie avec lui car il était populaire, et super sexy. J'en avais marre d'être vierge aussi. A la longue, je voyais bien qu'il était très attaché, mais j'ai continué et je l'ai mené en bateau. Je l'ai trompé avec deux personnes différentes. Qui peut faire ce genre de choses ? Je lui demande, les larmes aux yeux.
Elle prend une grande inspiration et réfléchit quelques temps.
-Je pense que tu fais un blocage avec tes sentiments, car tu as peur d'être blessée. Ce n'est pas parce que tu es différente que personne ne va t'accepter, ou t'aimer, Rose.
Je sens les larmes couler sans un bruit. Sans savoir pourquoi, le visage de James se matérialise dans mes pensées, et son regard clair se met à me fixer.
-Que regrettes-tu de l'attentat, à part ce que tu viens de me dire ? Regrettes-tu d'avoir tiré sur l'un d'eux ?
-Hormis Lily, je ne regrette absolument rien. Pas même d'avoir tiré sur...
-Regrettes-tu de l'avoir tué ? Demande-t-elle après avoir écris longuement sur une des pages.
-Non.
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Roses
ActionRose, une étudiante addict et hargneuse est dans le coma. Elle va devoir lutter contre elle-même pour que son âme cesse de vagabonder dans l'obscurité. Tout ce dont elle se rappelle : la souffrance et des coups de feu. #1 santé mentale le 9/08/2019...