Alena

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-Les docteurs affirment que tu sortiras demain matin, dit-il en me tendant une barre de chocolat.

-Demain ? Génial ! Je fais en remontant la couverture sur moi.

Mon père était encore jeune, et très bien conservé. Il avait des cheveux bruns et une peau légerement halée qui faisait ressortir ses yeux bleu perçant, dont mon petit frère avait herité, mais pas moi. Mes yeux a moi étaient noisettes, et plein de haine. J'avais une espèce de scintillement dans les yeux quand j'étais petite, mais l'ai perdu depuis longtemps. Quelques cheveux blancs parsemaient sa chevelure et des cernes entouraient ses yeux clairs. Si on étudiait bien son visage, on pouvait facilement reconnaître ses origines grecques. Il était grand et élancé mais avait arrêté le sport depuis longtemps.

-Quand je rentrerais, j'irais chez qui ? Je lui demande en croquant sans envie dans ma barre de céréales.

-C'est comme tu veux chérie, mais je pense que ta mère s'inquiète déjà assez.

-Donc, t'es en train de me dire que tu veux que j'aille chez elle ?

Il ne répond rien et continue de me regarder, puis je pousse un soupir exagéré et pose le papier usagé avec colère sur la table de chevet.

-Très bien.

Je ne pouvais pas croire qu'il m'obligeait a aller avec elle. Comment je vais faire ? Je vais encore devoir supporter ses foutues crises de maniaque. Il remonte encore la couverture jusqu'à mes épaules et entremêle ses doigts les uns aux autres, fixant le sol. Il voulait parler de Lily. Il essayait de ne rien laisser transparaître, mais je pouvais voir la douleur dans ses yeux. La douleur d'un parent qui a perdu un enfant.

La gorge nouée, je tente d'articuler quelques mots ; il faut que je sache :

-Il s'est passe quoi, après ? Et... Pour Lily...

-L'enterrement a lieu dans deux jours, me coupa-t-il. Nous voulions attendre le plus possible pour voir si tu te réveillais.

Mon coeur s'arrête alors de battre. Alors tout était vrai. Lily est vraiment morte. Je vais assister à son enterrement. L'enterrement d'une petite fille de neuf ans. Une boule de rage commence à se créer au fond de mes entrailles et la douleur dans ma poitrine commence à me brûler.

-Pour ce qu'il s'est passé après... On a eu un appel, et on est venus ici. On a attendu aux urgences, ils t'ont réanimé mais tu es restée dans le coma. On était tous tellement inquiets, il ajoute, la voix tremblante.

Je soupire, coupable d'être la source d'autant d'inquiétude et passe mon bras par dessus la couverture pour lui saisir la main.

Quelques heures plus tard, je me réveille en sursaut, réveillée par ma chute d'une falaise. Je me redresse sur mon lit, qui grince avec mes mouvements, et remarque qu'il fait presque nuit. Tout le monde doit être déjà parti. Je me lève brusquement et manque de trébucher, puis me réfugie dans la salle de bain. Le vide n'a toujours pas quitter ma poitrine et je me contiens pour ne pas briser le miroir de mon poing serré.

 Le vide n'a toujours pas quitter ma poitrine et je me contiens pour ne pas briser le miroir de mon poing serré

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 Je me brosse les dents en me regardant haineusement dans le miroir. Mes yeux noisettes sont vitreux et vides, et mes cheveux rouges sont tout emmêlés. Ma peau hâlée, normalement dorée est toute pâle et j'ai des grosses poches grises sous les yeux. Je me brosse les dents pendant plus de cinq minutes mais je n'ai pas la force de prendre une douche. Je sais très bien que si je ferme les yeux trop longtemps je les verrais. Les corps, les armes, les flaques de sang. J'ouvre ma porte précautionneusement en grimaçant quand elle grince, puis guette les deux côtés du couloir.

Il faut que je trouve la chambre d'Alena.

-Héhé, où est-ce que tu vas, jeune fille ?

Je sursaute et me retourne brusquement. C'est Sam Brag.

-Putain de merde ! Qu'est-ce que vous faites ici ? Laissez-moi vivre ma vie.

-On m'a assigné ici. Tu ne dois pas quitter ta chambre, il dit en reposant son magazine.

Je sens mon ventre tressauter et tente de reprendre mes esprits;

-Laissez moi au moins aller en bas, fis-je d'une voix étouffée.

Son expression change et il se rapproche de moi, jusqu'à ce que j'aperçoive ses traits, adoucis par la pitié. Il pose une main sur mon épaule, et, au lieu de la dégager brutalement comme j'aurais fais en temps normal, je fonds en larmes au milieu du couloir. L'officier me prend dans ses bras et me sert fort, pendant que je me vide de toute ma souffrance.

Une minute plus tard, il se recule et me donne une pièce de deux euros; signe que je peux aller m'acheter quelque chose au distributeur. Mais je sais très bien ce que cela veux dire: il m'autorise a aller voir Alena, et je n'aurais qu'a montrer cette pièce si je me fais prendre. Je saisis lentement la pièce en l'interrogeant du regard, mais il retourne se placer en faction devant ma chambre. Je regarde autour de moi mais il n'y a personne, seulement une odeur de produits menagers qui m'arrache les narines. Je pars en courant et tente de me contenir. Je parcours deux couloirs, puis trois, puis quatre. Je commence a perdre espoir quand j'entends une émission étrangère au loin. Je me fige et tend l'oreille; c'est du russe. Je me précipite vers le bruit et ouvre la porte de la chambre sans frapper, pour y trouver Alena, en train de s'endormir, la télé et sa lampe de chevet allumée.

Je reviens sur mes pas et ferme la porte, puis m'approche de son lit.

-Ale... Alena ! Je chuchote.

Elle ouvre les yeux d'un coup et saisit la télécommande par réflèxe, puis me reconnait, et son visage s'illumine. Ses yeux s'écarquille et elle ouvre grand ses bras pour m'y accueillir. Notre étreinte est très brève, mais elle me fait beaucoup de bien.

-Il ne voulait pas me laisser te voir, sinon je serais venue bien plus tôt, lui dis-je. Je t'ai trouvé grâce a cette émission, fis-je en rigolant.

Elle s'esclaffe pendant quelques secondes, révélant une faussette du côté droit de sa bouche, puis reprend son sérieux.

-Est-ce que tu te souviens, toi ? Me dit-elle en s'asseyant.

-Je me souviens de tout. Mais je pense qu'on t'a raconté, ajoutais-je.

Elle hoche la tête et tend son bras hors de la couverture avec difficulté, et je lui prends la main amicalement.

-Ou est ce que tu es blessée ? Que t'ont dit les médecins ? Je lui demande.

-La balle m'a touchée dans les côtes, mais elle n'a pas touchée d'os et elle m'a juste traversée, et ne s'est pas logée entre. J'ai eu de la chance, et puis, j'avais un bon gardien.

Je soupire, soulagée, mais angoissée. Mon premier reflexe est de mettre la main dans ma poche pour saisir mes médicaments, mais j'oublie que je ne porte pas ma veste. Alena se lance dans un récit sans fin sur tout ce qui s'est passé. Elle a toujours été très bavarde, tout l'inverse de moi. Dans les conversations avec les autres, c'est toujours elle qui meuble mes silences et lance des phrases d'accroches, pour que je puisse rebondir avec mon humour cru. Je souris a cette pensée. Je sais que si je ne l'arrête pas, elle ne s'arrêtera jamais de parler.

Alena est une très jolie fille, mais elle n'en a pas concsience, elle est simple, et vit simplement ; c'est ce que j'adore chez elle. Elle a d'épais cheveux blond dorés qui reflètent la lumière et des yeux verts, toujours joyeux. Le jour ou elle m'avait adressé la parole,il y a quelques années, je l'avais prise pour une folle. Pourquoi me parlait-elle ? Me disais-je. Elle m'avait expliqué qu'elle était Russe et Slave, et que son prénom signifiait "light", ce qui lui va finalement très bien. Je saisis donc une chaise pour m'installer a ses côtés et nous parlons pratiquement toute la nuit.

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