Inside

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Son regard devient dur et il semble en pleine réflexion. Il attrape une  chaise et la traîne a côté du lit, avant de s'y asseoir. 

-Le mieux serait un centre de désintoxication, lâche-t-il en se penchant pour poser ses coudes sur ses cuisses.

Silence.

Mon  cerveau fait le silence complet et une alarme s'enclenche dans tout mon corps.

Je prends conscience de la bêtise que je viens de faire. Je prends conscience du mal que je me suis fait, et que j'ai infligé aux autres. Mateo ne voit plus sa grande sœur depuis des semaines et doit vraiment s'inquiéter. Ma respiration s'accélère et je repense au regard blessé de mon père en quittant la pièce.

-J'ai déjà fais un séjour dans un hôpital comme celui-ci ; et je ne veux pas y retourner, pour rien au monde, répliquais-je d'une voix sourde.

Ce séjour de plusieurs semaines m'avait traumatisée, mais aussi transformée. J'avais pris conscience que je n'étais pas la seule à souffrir ainsi. J'étais d'ailleurs censée continuer d'aller au réunion pour jeunes bipolaires, mais avait arrêté depuis longtemps.

Des flashs de l'hôpital me reviennent.

Je me souviens des longs couloirs.

Des chambres désinfectées. Des médicaments trop lourds, des infirmières pour la plupart au regard vitreux, habituées à voir toutes sortes de choses horribles et de personnes mortes de l'intérieur. Elles n'avaient plus peur de rien et n'avaient plus aucune compassion.

Je me souviens de ma rage les trois premiers jours. Je voulais absolument sortir de cet établissement, retrouver l'amant de ma mère et finir ce que j'avais commencé. Quand je suis sortie, j'ai appris que mon père avait demandé le divorce. C'est là que j'ai commencé à prendre de la drogue. A la fête du 23 septembre. C'était ma deuxième fête en tout.

Je reviens à la réalité et regarde James, les mains tremblantes.

-De toute façon, ce serait trop dangereux. Tu serais retrouvable beaucoup trop facilement. 

Je me rappelle avoir entendu la voix de Lily avant de m'écrouler au sol. Le manque apparaît d'un coup et envahit tout mon corps. Il arrive comme une ombre maléfique et tend sa main pour attraper mon coeur et le serre de toute ses forces. 

Je lutte alors pour respirer.

J'entends la chaise bouger ; en deux secondes James est à mes côtés :

-Hey, tout va bien se passer, d'accord ? Tu n'iras pas la-bas. Est ce que tu peux promettre que tu arrêteras tout ça ?

Mon corps entier me faisant souffrir à cause de la douleur, je me retiens de ne pas hurler. Mon esprit chauffe et ma vision s'assombrit.

Je sens une main se poser sur mon bras. James me regarde. Je n'arrive pas à déceler ses pensées. Mais il se veut rassurant. Le temps s'arrête et je ne sens que sa main sur mon bras.

Je secoue la tête ;

-Non, ce n'est pas possible. C'est la seule chose qui arrive à me calmer et qui m'apporte la paix.

-Et tes médicaments ? Me demande-t-il en pressant mon bras.

Je baisse les yeux et déglutis.

-Non, c'est pas la même chose.

Il soupire.

-Il faut que tu arrêtes de faire croire à tout ton entourage que tu n'as pas besoin d'aide, Rose. Tu es une épave.

Je reçois une balle dans le coeur.

-Tu a un trouble de la personnalité, de l'anxiété aiguë, du stress post traumatique. Tu repousses sans arrêt ta mère. Ces gens sont là pour t'aider. Je sais que tu veux de l'aide, mais tu penses sans doute que c'est une marque de faiblesse.

Je secoue vivement la tête mais reste silencieuse.

J'ai menti. J'aimerais que l'on m'aide. Je VEUX que l'on m'aide. Que l'on me tende la main. Je réalise maintenant que tout le monde me tend la main depuis des années, mais je les rejette comme des bons à rien. Est-ce vraiment de la solitude, si on en est la cause ?

Quand il s'apprête à partir, ma bouche s'ouvre toute seule :

-C'est toi la cause de ma crise.

Il se retourne brusquement, les sourcils froncés. Repousse ses cheveux en arrière.

-Quoi ?

-J'ai pris conscience que tu m'avais menti, l'autre fois dans la voiture. Tu m'as dis de me confier plus à mes parents et d'arrêter de les rejeter, car j'avais la chance d'en avoir. Tu m'as dis que les tiens ne voulaient plus s'occuper de toi, je lâche en un souffle en le regardant droit dans les yeux.

-Je... Je suis désolé. Je n'aurais pas dû. Je voulais arranger les choses entre toi et ta famille. Mais... Tu as simplement pensé à ça et tu es partie te droguer ?

-J'étais avec tes parents quand tu as appelé. Je ne voulais pas te parler car tu m'as abandonnée. J'ai ensuite réalisé ça. J'ai piqué une crise et j'avais envie de tout détruire autour de moi. J'ai appelé mon dealer, mais il ne voulait rien me donner. Alors ça s'est empiré et j'ai pleuré de colère avant d'aller dans la salle de bain.

Ses yeux sont fixés au sol. Il semble coupable. Abattu. Je ne l'ai jamais vu comme ça.

-Alors j'ai tout déclenché ? Demande-t-il en croisant les bras.

Je ne veux pas le blesser. Je ne veux pas le voir comme ça et je veux qu'il continue de prendre soin de moi.

Je hôche la tête lentement.

Après un silence, il s'excuse encore et m'assure qu'il fera tout pour trouver un autre système. 

Mon coeur bat à mille à l'heure dès que j'entends sa voix grave et que mon cerveau assimile sa présence à un possible dialogue.

Je le regarde quitter la pièce en prenant conscience d'une chose.

-Et merde.

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⏰ Dernière mise à jour : Feb 09, 2020 ⏰

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