Roses

Closest ennemies

Il faut que tu manges.

Il se plante près du lit, où je viens de m'asseoir et déballe avec soin les deux sacs. Il en sort de la nourriture chinoise et me tend un plat rempli de nouilles sautées ; dans l'autre, il y a des bouchées aux crevettes. Quand avait-il eu le temps de commander cela ? Et de le faire parvenir ici ? James rapproche le fauteuil du lit en le soulevant comme s'il ne pesait que dix grammes et s'y installe confortablement. Ses pieds ne sont qu'à quelques centimètres des miens. Il attend patiemment que je termine le premier plat en me scrutant du regard. Je lutte contre moi-même en sentant le rouge me monter aux joues. Pourquoi me fait-il autant d'effet ?

-Il faut que je te dise quelque chose.

Je relève la tête, soulagée de l'entendre dire quelque chose, mais encore soucieuse.

-Je regardais dans ton téléphone car je recherche quelqu'un. Quelqu'un qui aurait pu donner de quelconques informations au groupe qui te recherche activement en ce moment.

Je regarde autour de moi, réfléchissant. La nouvelle met du temps à monter.

-Quoi ?

Ce n'est pas ma meilleure réponse ; mais c'est tout ce qui me vient à l'esprit. Il cherchait une personne ayant donné des renseignements aux terroristes. Dans mon téléphone.

-Tu es intelligente, Rose. Je sais que cela à dû te traverser l'esprit, dit-il d'une voix ferme.

-Je... Quelqu'un que je connais serait en contact avec eux ? Je lui demande en reposant le plat sur le lit.

Il hoche la tête, sûr de lui, pendant que je déglutis. Je sens la pièce tournoyer légèrement et le vide dans ma poitrine s'intensifie. Je me sens terriblement seule tout d'un coup.

-Est-ce que c'est une hypothèse, ou un constat ? Je demande, abattue.

-C'est plutôt un constat, lâche-t-il calmement, alors que cette réponse à l'effet d'un coup de fusil en plein coeur.

-Le second frère ne t'aurait pas retrouvé sans des renseignements, continue-t-il. Quelqu'un de ton entourage doit être en relation avec eux, pas forcément de plein gré. Ils peuvent faire pression sur cette personne pour qu'elle leur communique ton emplacement exact et tes activités. C'est sans doute comme ça qu'ils t'ont retrouvé. En se servant du passage d'Alena à la télévision en premier.

-Bien sûr, je le coupe sèchement. Tout revient toujours à Alena.

Je me lève, hors de moi. Comment avait-elle pu m'abandonner ainsi et me mettre moi, et ma famille en danger ? Toute ma haine rejaillit d'un coup.

-Comment ? Comment c'est possible ?! Je m'écrie en faisant les cent pas.

-Je ne dois plus faire confiance a personne et suis coincée ici avec un flic que je connais à peine et qui a tiré sur une personne il y a à peine quelques heures ! Tout le monde m'abandonne. Et des gens me traquent.

James m'observe, toujours posé sur son fauteuil. Les bras reposant sur les accoudoirs. Il semble avoir tellement de pouvoir.

Je DOIS me débarrasser de ce stupide béguin.

Je porte mes mains à mes tempes et me met à les masser lentement en me chuchotant de me calmer. J'entends le siège grincer et James apparaît devant moi.

-Je ne suis pas n'importe quel « flic », et je suis là pour te protéger. C'est normal que tu aies du mal à digérer cette nouvelle, mais il fallait t'y attendre. J'étais persuadé que tu y avais déjà pensé et que tu te méfiais déjà de ton entourage, mais je t'ai sans doute sur estimée. Tu es encore jeune.

Chaque mot eu l'effet d'un coup de poignard et j'eus du mal à contenir mes émotions. Ma colère devint rage et je me retins de lui coller mon poing dans la figure. Puis, petit à petit, j'assimile ses mots et la tristesse se fraye un chemin à travers ma carapace. J'ai du mal à contenir mes larmes et me détourne de lui. Pourquoi a-t-il des mots si durs ? Il veut sans doute me préparer à ce qui m'attend et me faire comprendre l'importance de la situation. Mais ce n'est quand même pas une raison pour me parler comme cela. Le fait qu'il parle de mon âge me fait prendre conscience de notre grande différence d'âge pour la toute première fois. Il semble tellement sage et semble tout savoir sur la vie. Je suis minuscule à côté ; insignifiante.

-Si tu as fini de manger, nettoies tout cela. Il faut que l'on se repose pour reprendre la route. Je te laisse le lit, je dormirais par terre avec une couverture, il lâche en se dirigeant vers la salle de bain.

Je baisse mes yeux humides et remarque qu'il n'a même pas touché à ses plats.