On the run

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Je décide de tout ranger et met les plats sale dans le grand sac de nourriture, désormais vide. J'entends James au téléphone dans la salle de bain. Il a le temps de passer au moins trois coups de fil pendant que je suis plongée dans mes pensées. Qui aurait pu être en contact avec ces monstres ? Qui était la taupe ?

Sans réfléchir, je pensais directement à Alena. Elle m'avait en quelque sorte trahie, c'était sûr. Mais était-elle capable de faire quelque chose d'aussi horrible ? Peut-être est-ce Kim, Alex, ou même ma propre mère. Je fixe le lit d'un regard vide, n'ayant qu'une envie : me jeter sous les couvertures et y rester blottie pendant les trois prochaines années. Je n'avais absolument personne à qui parler. James semble tellement distant ; il me remarque à peine. Il me prend pour une ado rebelle et immature. J'entends la porte se fermer et lève les yeux  sur James, qui m'observe, les sourcils froncés.

-Ca va ? Me dit-il, soucieux.

-Hein ? Oui, oui. Je vais bien, je lui réponds en haussant les épaules.

Je pars mettre le sac près de la porte et fais mine de chercher dans mon sac pour ne pas avoir a capter son regard dur.

-Tu n'as pas à prétendre d'être heureuse ou d'aller bien. Pas avec moi, lâche-t-il après quelques secondes de silence.

-C'est ce que tout le monde fait, je lui réponds du tac au tac. Et toi, tu connais le bonheur ? Je lui demande sans vraiment attendre de réponse. Alors, comment tu arrives à le reconnaître ? Je n'ai jamais dis que j'étais heureuse.

Il s'avance de l'autre côté et ouvre un des tiroirs de la commode.

-Tu es un personnage bien sombre, me dit-il en le refermant.

-Merci.

Je me dirige vers le lit et le découvre d'un coup sec, pour me blottir à l'intérieur et me tourne de l'autre côté, pour fixer le papier peint à fleurs. Ce qu'a dit James était vrai. Je me rappelle « d'avant », lorsque j'étais heureuse. Avant que je commence à avoir des crises de pleurs ou de colère, avant que je passe à tabac l'amant de ma mère et avant qu'elle ne me regarde avec ce soupçon de peur dans son regard que je détestais tant. Que pourrais-je faire pour améliorer cette situation ? Avant, c'était Alena qui pensait toujours à une solution pour les problèmes qui se présentaient à moi. Que ferait Alena ? Ce fut ma dernière pensée avant que le sommeil ne me rattrape.

***

Une sensation subite de froid couvre mes pieds et mes jambes, pour finalement atteindre mon buste et me tire brusquement de mon sommeil. J'ouvre les yeux d'un coup et voit que James a tiré ma couverture. Il semble agité. Ces traits ne sont pas lisses et il ne semble pas impassible ; quelque chose se trame.

-Rose, bouges-toi ! Prépares tes affaires, il m'ordonne en rangeant ses affaires rapidement.

-Quoi ? Mais...

-Ils sont là.

Ces mots suffisent à me réveiller et je sens tout mon corps être secoué de soubresauts. Non. Ils sont là. Ils m'ont retrouvée. Je saute du lit et réunis mes affaires, pour toutes les fourrer dans mon sac à dos. Je saisis mon t-shirt et mon jean,puis profite que James soit parti dans la salle de bain pour me changer rapidement. Je regarde autour de moi pour vérifier si je n'ai rien oublié ; la pièce est en bazar. Un gros bruit de portière venant de l'exterieur attire mon attention et je me plante devant la petite fenêtre. Quand j'entre-ouvre les rideaux, j'aperçois trois hommes armés descendre d'une voiture noire. Le dernier, celui qui est volant, reste sagement à sa place et regarde aux alentours. Ma respiration se coupe. Ils se rapprochent tous à grands pas de l'entrée, quand James m'appelle. Je m'éloigne de la fenêtre et saisis mon sac après avoir mis ma veste et suis James, qui est déjà dans le couloir. Il me devance largement, en faisant de grands pas, avec son mètre quatre-vingt dix et je cours pratiquement à côté de lui. Il me tire vers une porte au bout du couloir, qui s'ouvre sur un escalier en métal, qui descend en tourbillon. Nos pas précipités font tout un raffut sur les marches et mes bottes font un bruit aigus sur le métal. Je cours jusqu'à la voiture de James après qu'il se soit assuré que la voie était libre, puis il prend le volant. Il démarre en trombe et je regarde derrière moi, soucieuse.

-Et la réceptionniste ? Je lui demande. Ils ne vont rien lui faire ?

Il laisse ma question sans réponse et mon inquiétude ne fait que doubler. Il roule très vite pendant dix bonnes minutes, en ne prenant que les petites routes, puis finit par rejoindre l'autoroute. Je ne me calme seulement lorsqu'il cesse de jeter des regards nerveux dans son rétroviseur. Mon coeur bat encore la chamade.

-Où est-ce que l'on va ?

-Je ne peux pas te le dire, il me répond du tac au tac.

Une vague de colère m'envahit et je sens la rage monter dans mon ventre. J'en ai plus qu'assez de son comportement.

-Je suis dans TA voiture, en direction de je ne sais où, et des tueurs sont à mes trousses. En plus de ça, tu ne fais que de me parler comme à une gamine. Fais un effort ! Je m'emporte en le fusillant du regard.

Il soupire, puis me jette un regard compréhensif. Croiser son regard ne me fait rien, je suis trop énervée et mes émotions sont complètement emmêlées les unes aux autres. Je ne sais même pas quoi ressentir en premier. La peur ? L'adrénaline ? La joie de n'être qu'avec lui ?

J'hésitais entre être terrifiée ou joyeuse de me retrouver en sa compagnie. Une partie de moi espérait que ce voyage durerait assez longtemps ; disons une semaine.

-Bien, tout ce que je peux te dire, c'est que nous serons arrivés dans deux heures. Je n'emprunterais que des petites routes, et tu seras complètement en sécurité là-bas, lâcha-t-il en interrompant mes pensées.

Je me sens quelque peu rassurée et finis éventuellement par me calmer. Il allume la radio après quelques instants pour mettre une station de radio qui ne passait que des musiques des années quatre-vint dix. Cette chanson ressemble à du country. Je me tourne vers lui, les sourcils froncés ; je ne suis même pas étonnée qu'il aime ce genre de musique.

Au bout de deux heures -horribles pour mes oreilles de rockeuse- il éteint enfin la radio et se mit à n'emprunter que de petites routes sinueuses. Nous arrivons enfin devant une immense maison aux volets bleu. Le porche et l'architecture me fit penser aux maisons de Louisiane. Une femme d'une cinquantaine d'années sort de la maison en se frottant les bras, sans doute surprise par le vent frais.

Je me tourne vers James, prête à le questionner sur l'identité de cette personne, quand j'aperçois un immense sourire sur son visage. J'en reste bouche bée. Qui aurait su qu'il était capable de sourire ?

La vraie question restait : pourquoi souriait-il comme ça ?

Il ouvre la portière et se dirige vers la femme, qu'il prend dans ses bras. Je fronce les sourcils et sors à mon tour. Le vent glacé fait voltiger mes cheveux et me surprend moi aussi, mais j'arrive en trombe en me plante devant eux. James s'écarte et me regarde ;

-J'ai dû trouver une solution rapidement, et cet endroit m'est venu en tête. Rose, voici Jane, ma mère.

Mon visage se défroisse automatiquement et j'en reste abasourdie. Pourquoi m'avait-il conduite jusqu'ici ? En regardant autour, je comprends un peu mieux ; c'est la véritable campagne ici. Je peux sentir le crottin de là où je suis.

Je baisse le regard sur sa main tendue et la serre en lui offrant un sourire aimable.

-Bonjour, je m'appelle Rose.

-Ho, je sais qui tu es, elle répond avec un accent américain.

RosesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant