Prologue

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« Non, pas encore » pensais-je en restant collée contre le mur froid.

Je me trouvais encore dans cette pièce. Cette pièce sombre et froide à la fois. Tous les murs étaient en béton, et une ampoule cassée pendait dangereusement au dessus de ma tête. Une table grise trônait au milieu de la pièce, avec,  des deux côtés, deux chaises qui semblaient très inconfortables. J'étais déjà venue ici. Je ne faisais que ça. Mais je suis incapable de me rappeler depuis quand.

Depuis que je suis « éteinte », je fais continuellement le même rêve, et même si j'ai essayé tous les moyens possibles, la fin reste la même ; je meurs.

Je me retrouve ensuite dans cette salle et j'ai une discussion avec une jeune femme. Elle est, comme qui dirait « brisée » à l'intérieur. Méchante, sarcastique, sardonique.

Je pris place sur la chaise la plus proche, comme à mon habitude et attendis. Finalement, elle apparut. Ses cheveux rouges étaient lâchés et tombaient en cascade sur ses épaules. Ses yeux ronds et noisettes faisaient un étrange contraste avec son rouge à lèvres noir, décorant ses lèvres pulpeuse. Sa peau était hâlée et son visage légèrement carré. Ses légères tâches de rousseurs atténuaient légèrement son côté maléfique. Malgré cette haine envers elle, je ne pouvais que la comprendre. Je ne pouvais que comprendre ses propos et acquiescer, car j'avais vécu tout cela et je la comprenais totalement ; cette femme, c'était moi.

Elle était une sorte d'Alter ego que je m'étais crée pendant ma dépression, il y a quelques années, pour tenter de mettre une barrière entre toutes mes émotions. Et surtout pour atténuer ma haine. Elle représentait ma haine, ma colère, ma rage, mon envie de vengeance, mon ressentiment envers toutes les personnes qui m'ont regardée souffrir sans lever le petit doigt. Et toutes les personnes qui m'ont pointée du doigt.

-Tu as encore perdu, lâcha-t-elle sèchement en s'affalant contre le dossier de la chaise.

-Je sais, répondis-je sans conviction en l'observant.

Les quatre premières fois, je ne pouvais même pas prononcer un mot, tellement j'étais terrifiée de la voir en face de moi. C'était irréel. J'avais également rencontré une autre partie de moi ; la partie romantique. Elle était habillée de rouge mais avait les cheveux noirs, je ne savais toujours pas pourquoi. Ces deux-là se disputaient souvent devant moi. Et je restais là, impuissante. Il m'était arrivé d'entendre les médecins discuter de mon cas, ou d'entendre la voix de mon père. Cette dernière m'avait en quelques sortes « ramenée ». Je m'étais retrouvée là, dans la chambre. Fixant mon corps endormi sur le lit d'hôpital et mon père, assis juste à côté, serrant ma main. Je le voyais faire ce geste, mais ne sentais absolument rien. J'avais tenté de lui parler plusieurs fois, mais il était incapable de m'entendre. Je ne pouvais pas sortir de ce lieu, je ne pouvais pas résoudre l'énigme de mon rêve ; j'étais coincée dans ma tête. J'avais également entendu les pleurs de ma mère, mais ces derniers n'avaient pas suffit à me ramener. Seul mon père avait cette force.

-Je ne comprends toujours pas comment tu peux être aussi stupide. Tu n'as qu'à réfléchir ! Cracha mon alter ego. 

-Puisque tu es moi, tu n'as qu'à réfléchir à ma place, répondis-je du tac au tac.

Elle haussa un sourcil, puis soupira.

Je m'avançais et posais mes coudes sur la table.

-Je veux voir mon père. Il faut que tu me ramènes.

-Ce n'est pas possible, Rose.

-Je t'en supplies ! Lui dis-je en rapprochant mes mains des siennes.

Elle eu un mouvement de recul et me regarda avec dégoût.

-Ce n'est pas moi qui décide de cela. Nous sommes dans ta tête, je ne contrôle rien, c'est comme ça.

-Alors, dans combien de temps vais-je me réveiller ? Demandais-je.

-Je ne sais même pas si tu vas te réveiller un jour. Tu le sais aussi, arrêtes de te voiler la face je sais que tu adores faire ça.

Je soupirais.

-Il semble que tu sois bel et bien coincée avec moi, lâcha-t-elle avec un petit rictus.

-Ne sois pas aussi méchante avec elle, dit une voix dans mon dos.

Je sursautais.

Mon autre alter ego fit irruption devant moi et partit se poster près de mon côté brisé.

Elle portait encore cette robe rouge. Ses longs cheveux bruns étaient remontés en une queue de cheval haute et elle était parfaitement maquillée. Elle semblait fraîche, rayonnante. J'appréciais sa présence.

-Je ne suis pas méchante, je suis réaliste, sortit mon côté brisé.

-Non, tu pourrais l'aider, la mener dans le droit chemin, répondit mon côté romantique.

-Personne ne t'as demandé ton avis, et si je le fais un jour, balances-moi dans une putain de rivière, rétorqua mon côté brisé. Je n'ai pas besoin de tes phrases toutes faites de romantique incorrigible qui me tapent sur le système. Si tu veux aimer quelqu'un, vas te créer un mec, ajouta-elle.

Mon second alter ego s'assit alors sur la table, ignorant complètement les insultes. Elle planta son regard dans le mien, après avoir saisi ma main ;

Elle, contrairement à l'autre, avait encore cette petite étincelle dans son regard. Elle ne fronçait jamais les sourcils.

-Rose, nous savons toutes les deux que tu as la force de te sortir de tout cela. Ce n'est pas du hasard si ces deux parties de toi se trouvent ici, en ce moment. Tu as la force de t'en sortir, dit-elle.

-Je sais que j'ai la force, mais je ne sais même pas par où commencer, répondis-je. Il n'y a que du noir ici. Et l'autre dit que je ne sortirais jamais.

-  « L'autre » ? S'exclama mon autre moi, indignée. Tu as raison, ignores les remarques de « la folle ». Pfff, tu étais bien plus drôle avant, ajouta-t-elle.

-Oui, parce qu'elle était toi, lui dit mon moi romantique. Tu ne vois que du noir ? Souviens toi que même les étoiles ont besoin des ténèbres pour briller, ajouta-t-elle en se tournant vers moi.

Ses paroles déclenchèrent quelque chose en moi. Même les étoiles. Cela voulait dire que je devais accepter ses deux côtés de moi, car elles étaient moi. Il fallait que je souffre pour pouvoir grandir et comprendre les choses.

Je baissais les yeux sur ses mains, ou plutôt les miennes, et vis quelque chose qui me secoua d'une force inimaginable. Le mot « Lily » était écrit sur son poignet, d'une jolie écriture. Il n'était jamais apparut avant. Je lâchais sa main d'un coup, et regardais mon propre poignet ; le tatouage y était également. Ce n'était pas juste un mot, c'était un prénom. Le prénom de ma petite sœur.

Alors d'un coup, j'eus l'impression d'exploser de l'intérieur, et balançais ma chaise contre le mur en me levant brusquement. 

-LILY ! Hurlais-je en attendant une réponse.

Tous les souvenirs me revinrent d'un coup, et ma poitrine se mit à me brûler. Comment allait-elle? Que s'était-il passé après ? Quand je rouvris les yeux, je vis un mouvement de foule. Les gens passaient devant, derrière, sur les côtés. Certains étaient blessés. D'autres hurlaient de peur. J'entendis des coups de feu et ce son me ramena à la réalité ; je les avais déjà entendu. Quelqu'un me bouscula avec force et je tombais sur le côté. Un autre coup de feu m'assourdis complètement les oreilles, et quand je rouvris les yeux ; j'étais encore à terre, mais je tenais un corps dans mes mains. Le corps sans vie de Lily. Un cri effroyable sortit de ma gorge pendant de longues secondes, et Lily disparut. Mon coeur battait à cent à l'heure et je sentais le sang battre dans mes tempes. Les gens continuaient de crier et de courir. Le bruit était insoutenable. Je regardais mes mains et vis qu'elles étaient ensanglantées, puis je fus aspirée avec force vers l'arrière.

RosesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant