Chapitre 9

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J'en reste abasourdie pendant plusieurs minutes, pendant lesquelles James et sa mère en profite pour parler d'un sujet qui m'échappe. Je ressens une drôle de sensation. Venais-je réellement de rencontrer sa mère ? Il avait du faire un choix ; et avait décidé de me confier à ses parents. Une vague d'émotions me submerge et je détourne le regard pendant quelques secondes. L'air est pur ici. Frais et vif, mais pur. Je prends une grande inspiration et observe James parler avec sa mère. Ses traits ne sont pas tirés ; mais il n'est pas impassible non plus. Il a une expression que je ne lui ai jamais vu auparavant ; il à l'air à l'aise et détendu. Jane porte une chemise bleu clair et un jean qui lui vont à la perfection. Ses cheveux blonds sont relevés en un chignon fait à la va vite et son visage est légèrement ridé. Elle a des yeux bleu azur qui vont parfaitement avec sa tenue mais font un étrange contraste avec ceux de James.

-Rose, il est temps d'aller à l'intérieur, me dit-elle en tendant la main vers la porte d'entrée.

Je regarde James, l'air interrogateur et voit qu'il me lance un regard confiant. Je suis alors sa mère à l'intérieur et découvre une entrée chaleureuse. Il y a un porte manteau sur la droite et un meuble a chaussures a gauche. Je fais quelques pas en avant et le parquet craque sous mes pas. Un immense salon ouvert par un grande arche se trouve à ma gauche, une grande table ovale se trouve également près d'une large fenêtre sur le mur de gauche. Je n'entre pas et continue dans le couloir au papier peint d'un jaune spécial, et dépasse des escaliers. A ma droite se trouve désormais une cuisine ouverte, avec un carrelage vieux et une décoration vieillot, tel que l'on pouvait en trouver dans des campagnes comme celles-là.

-Enfin ! Dit une voix rauque qui me fait sursauter.

Je me retourne et tombe sur un homme d'une soixantaine d'années, les cheveux et la barbe grisonnants. Il tient un fusil à pompe dans sa main droite et le redresse d'un geste brusque, qui provoque un « clic » sonore lorsque le fusil se remet en place. Il s'avance et va poser le fusil sur le comptoir, puis s'avance vers moi, ne sachant pas trop comment m'aborder.

-Bienvenue chez nous Rose, je suis Eric.

Je serre sa main tendue et observe qu'il a des yeux sombres comme son fils. Ils se ressemblent beaucoup.

-Je t'ai déjà dis cent mille fois de ne pas poser tes instruments de torture dans cette cuisine ! S'indigne Jane en entrant en trombe.

Elle saisit le fusil et lui met dans les mains.

-Tu es bien contente lorsque je te ramène un bon lièvre, bougonne-t-il en repartant, sans doute pour aller ranger son arme.

Jane s'affaire dans la cuisine et James apparaît devant moi, l'air de vouloir me dire quelque chose.

Je le suis alors dans l'entrée et n'attend pas qu'il commence à parler pour m'exclamer ;

-Pourquoi m'avoir amenée ici ?

-Je te l'ai dis tout à l'heure. Je disposais de très peu de temps pour réfléchir, et ce lieu...

Il marque une pause, regardant autour de lui.

-Ce lieu est tranquille, et sûr. Tu seras en sécurité.

Je me contentais de l'écouter parler, me demandant ce que cela ferait d'être sa petite amie. Vivre dans un monde ou je pourrais me réveiller à ses côtés et écouter son rire autant de fois que je le souhaite.

-Tu resteras ici quelques jours, le temps qu'on les retrouve et que tout cela se termine. Je te promets de faire tout mon possible.

-Comment ça « on » ? Tu vas me laisser seule ici ?

-Oui, il répond sèchement, l'air vexé.

-Mes parents sont des gens biens, tu t'y fera vite. Mais je dois faire mon travail.

Ma poitrine se met à me faire mal et j'ai une soudaine envie de prendre le meuble sur ma droite et de le balancer à terre. De casser tous les miroirs. Je ne veux pas être toute seule. Pourquoi veut-il me laisser ? Voyant que je ne réponds rien, il se contente de me regarder de ses yeux sombres. Une partie de moi souhaite le remercier de m'avoir une fois de plus sauvée ; mais l'autre partie hésite à lui hurler dessus pour vouloir me laisser seule.

-Bien, prends soin de toi, je reviendrais dans quelques jours. Tes affaires sont sur la table du salon.

Je hôche la tête, incapable de le remercier et le regarde partir avec une boule au ventre. Je pars ensuite dans le salon et m'assois sur une des chaises en bois foncé, après avoir sorti un crayon et demandé des feuilles à Eric, qui s'était installé devant la télé.

Je tente pendant une bonne heure d'écrire ce qui me passe par la tête, mais tout ce que j'arrive à faire, c'est dessiner des emojis et des visages mécontents, ou bien en larmes. D'un coup, je vois une goutte de sang tomber sur un de mes mots et la fixe pendant quelques secondes. Je porte ma main à mon nez par réflexe, mais découvre que mes doigts sont intacts. D'où provient ce sang ? Une autre goutte tombe sur le bas de la feuille et je saisis mon téléphone pour me regarder dans l'écran ; hormis mes cernes, tout est normal. Quand je baisse à nouveau les yeux, la page est devenue toute rouge ; imbibée de sang. Le sang se met à former une flaque et à couler a grosses gouttes des coins de la table. Je suis comme petrifiée par cette vision. Cela ne peut pas être réel. D'un coup, je revois des images de Lily dans mes bras. Des images du sang de Lily partout par terre et sur mes vêtements. Du bruit vient troubler mes pensées et je me retrouve dans ce restaurant à nouveau. Bousculée par les gens et gênée par le bruit de la foule. J'entends plusieurs coups de feu provenant d'à peine quelques mètres de moi et me lève brusquement de ma chaise, terrifiée, pour aller me coller contre la fenêtre.

-Woh, woh ! Tout va bien, s'écrit Eric en se levant, les mains levées devant lui pour me rassurer. Ce n'est que la télé, d'accord ?

Je jette un regard à l'écran et voit des uniformes militaires et un certain groupe jeter des projectiles et tirer à la mitraillette.

-Eric ! As-tu conscience de ce que tu viens de faire ?! S'exclame Jane en entrant, les mains sur les hanches.

Elle s'approche doucement de moi, pendant que je reviens dans ce monde.

-Tout va bien ma chérie, nous sommes en sécurité. Ce n'était que la télé, d'accord ?

Je la regarde, vidée de toute émotion, puis regarde la télé à nouveau. Je respire un grand coup en fermant les yeux, puis regarde à nouveau ma feuille : tout est normal.

Avais-je tout imaginé ?

Jane m'aide à me rasseoir et replace quelques mèches derrière mes oreilles. Je remarque que Eric a éteint la télévision pour me rejoindre. Il débarrasse la table de mes affaires et Jane me caresse doucement la main.

-Il est temps de déjeuner, d'accord ?

Je la regarde partir vers le couloir, les sourcils froncés. Pourrais-je un jour redevenir normale ? De quel droit ces personnes m'avait-elles privées de mon bonheur ? Eric me fixa quelques temps, mais je n'y prêtais pas attention. Je suis habituée à ce genre de réaction. Le plus difficile avec le fait d'avoir des troubles psychiques, c'est le regard et la réaction des autres. L'isolement et le sentiment de détresse. Les autres se contentent tout simplement de te regarder, les yeux écarquillés, ou bien les bras croisés. Ils se demandent probablement quelle sorte d'idées bizarres traversent ton esprit tordu. Ils n'en savent rien. C'est pourquoi il faut se concentrer sur soi-même. Je pense très fort à mon père, puis a Lily, et serre mon crayon dans ma main gauche, en fermant les yeux, tentant de réguler ma respiration.

RosesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant