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Quelques années auparavant, en rentrant de ma dernière journée en temps que collégienne, je gravis les marches du porche en courant puis fis tomber mes clés plusieurs fois avant de les enfoncer dans la serrure. Mais je me rendis compte que la serrure était déjà ouverte ; la porte n'était pas verrouillée. Je l'ouvris doucement et entrais dans l'entrée en cherchant quelqu'un des yeux.
-Maman ?
Personne ne répond. Je remets mes écouteurs et me dirige vers le salon en dansant. Je suis enfin libérée du collège. Enfin. Cet endroit était une réelle prison pour moi. Je sens des vibrations dans le sol et fronce les sourcils en posant mon sac sur la table. Les vibrations continuent, comme si quelqu'un tapait sur le sol avec force. Intriguée, je retire mes écouteurs en tendant l'oreille ; ce pourrait être des basses de musiques trop forte ; mais à ce moment là ; je me regarde dans le miroir, et vois juste derrière moi ma mère sur le canapé, la tête en arrière. Elle se tient les cheveux et n'arrêtent pas d'émettre des sons étranges, c'est horrible. Je lance mon téléphone sur la table et sens une onde de chaleur m'envelopper de bas en haut, tel un nuage de cendres noires. La rage au ventre, je croise le regard de ma mère, qui s'arrête de gémir et pousse un petit cri, en tentant de se cacher. L'homme se retire et part du canapé, affolé ; c'est Manuel, le voisin, marié lui aussi. La rage au ventre, je prend tout ce que j'ai sous la main et le balance sur ma mère. Je saisi des fourchettes, une petite lampe, un vase ; qui vient s'éparpiller par terre.
-ROSE ! S'époumonne ma mère pour me faire arrêter.
-Tu n'es qu'une salope ! Je lui hurle dessus.
Je sens mon sang battre a mille à l'heure et mon corps tout entier commence a me démanger ; Une sensation étrange émane de ma cage thoracique. Elle me démange et me brûle en même temps ; j'ai envie de me l'arracher.
Je lui crie une ribambelle d'insultes au visage pendant qu'elle pleure en se cachant derrière un coussin.
-Tu es trop jeune pour comprendre ! Va dans ta chambre ! Crie-t-elle.
-Maman ? Pourquoi tout le monde crie ? Demande une petite voix.
Je me tourne et découvre Mateo dans son petit pyjama vert, serrant son doudou dans ses bras. Mon souffle s'accélère et je ne peux plus revenir en arrière.
-Tu te faisais baisée pendant que ton propre fils faisait la sieste à côté ? Je lui hurle dessus. Tu me dégoutes !
-Ne lui parles pas comme cela, intervient Manuel.
Alors tout se stoppe. Mon coeur. Ma respiration. Mon odorat. Ma vue devient floue. Il n'y a que mon sang qui coule dans mes veines et ma force qui comptent ; je me jette sur lui et il atterit contre le mur. Je lui donne un, puis deux coups de poings et continue de taper sa tête contre le mur pendant un temps indéterminé en lui assenant des coups de genou. Mes poings sont ensanglantés et mon coeur saigne. Ma mère tente de nous séparer ; je lui assène une claque qui fait un bruit phénoménale. Je me re-jette sur Manuel, qui tente de se débattre, et je suis tirée en arrière par une force incroyable.
-Rose, calmes-toi !
Cette homme me plaque contre le mur et m'oblige à regagner une respiration convenable.
-Calmes-toi, ma petite fleur.
*********
Je me retourne dans mon lit, agrippant ma couverture. C'est ce jour là que tout à basculé. C'est après cet incident que l'on m'a diagnostiquée bipolaire. C'est pour cela que je lui en veut, même si je sais que ce n'est pas de sa faute ; cela aurait pu forcément arriver un jour, avec quelqu'un d'autre. Mon père nous avait trouvées la, avait compris tout de suite. Mais j'étais dans tous mes états. J'ai mis deux jours à me calmer, et deux de plus à ne plus trembler. Je vois maintenant l'adultère d'une toute autre façon, car je suis plus mature, j'ai plus de recul sur la situation. Mais j'en pleure encore le soir. Pratiquement toutes les nuits. Je venais de quitter le collège et étais ensuite arrivée en hôpital ; j'étais passée d'une prison à une autre. Je serre ma couverture en repensant à hier soir ; mon père était devenu fou en voyant les bleu sur mon cou et mon poignet. L'homme l'avait serré tellement fort que j'avais la trace de ses doigts sur le bras. James lui a expliqué qu'il allait instaurer dès demain un système de protection de témoin. Car j'avais vu des visages, et que j'étais recherchée. Il avait fait de son mieux pour rester debout, mais je voyais bien qu'il n'allait pas bien du tout. Il avait manqué de s'écrouler. J'étais la dernière fille qu'il lui restait. Celle pour qui il s'inquiétait le plus, même avant que tout cela n'arrive. Je pousse un soupire, puis retire ma couverture d'un geste fluide. J'allais être suivie et surveillée.
Je me penche et saisi mon téléphone, que j'avais éteins toute la nuit pour une fois. J'avais également réussi à faire une nuit complète, et sans cauchemars. Il s'allume et je tape mon code, pour découvrir sept appels manqués , tous de personnes différentes. J'ai également plus de vingt messages.
Que s'est-il passé ?
Je fixe mon écran et voit un appel de Sam Brag.
-Allo ?
-Rose, enfin ! Il s'exclame. J'ai tenté de te joindre plusieurs fois. Tu viens de te réveiller ?
-Heu, ouais. Qu'est-ce qu'il se passe ? Je ne t'entends presque pas, il y a beaucoup de bruit.
Il reste silencieux et je l'entends s'éloigner du brouhaha.
-Je suis content d'avoir à te le dire moi-même dans ce cas, même si c'est une mauvaise nouvelle, dit-il.
Je me tends instantanément.
-Ca ne peut pas attendre quelques minutes ? Je n'ai pas pris mes médicaments, et il me faut surtout un caf...
-Les frères Domi, ca te dit quelque chose ?
-Oui, ils font parti des auteurs de l'attentat, je réponds, tendue.
-Un des deux devait se faire exploser, mais il a finalement pris la fuite. C'est son frère que tu as envoyé à l'hopital. Il est décédé de ses blessures dans la nuit, Rose.
Alors tout mon sarcasme s'envole. Décédé. Il est mort. Décédé des blessures que JE lui ai infligé. J'étais une meurtrière. Allais-je aller en prison ? C'est là que vont tous les meurtriers. Le vide dans ma poitrine s'accentue et je pose une main dessus, tentant de réprimer une larme.
-Rose, est ce que ça va ? Tu vas devoir venir. Essaies d'être ici pour quatorze heures, nous en parlerons tous ensemble.
J'essaie de parler, mais ma gorge est trop nouée. Je me sens visée, agressée, punie pour rien. Pourquoi Dieu me ferait-il cela ?
-Rose ?
-Je...Ok.
Sam raccroche et je garde le téléphone près de mon oreille droite, abasourdie. D'abord l'agression, puis la discussion d'hier soir ou mon père avait failli péter un câble ; je ne pourrais donc jamais faire mon deuil en paix ? J'ai l'impression de voir mon côté brisé, présent dans mon coma à l'autre bout de la pièce ; elle bande un arc qui semble gelé et me tire une flèche en plein coeur.

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Roses
AcciónRose, une étudiante addict et hargneuse est dans le coma. Elle va devoir lutter contre elle-même pour que son âme cesse de vagabonder dans l'obscurité. Tout ce dont elle se rappelle : la souffrance et des coups de feu. #1 santé mentale le 9/08/2019...