CHAPITRE 2

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La terreur.

Ce sentiment où on avait l'impression de n'être que suffocation et oppression. Ce sentiment qui nous donnait envie de nous rouler en boule en nous cachons sous notre couverture et de ne plus jamais vouloir être regarder. Voilà ce qui lui arrivait. Salem avait envie de s'éloigner de cette scène et de se recroqueviller sur elle-même dans le coin le plus sombre de la salle.

Toute sa vie elle avait essayé de contrôler ses sentiments. Non pas par choix mais par nécessité. Chez les Marshall, être dominé par ses sentiments faisait de toi une cible potentielle pour les plus faibles. Alors, Salem s'était efforcée de ne rien ressentir. Mais sa mère l'avait toujours blâmé d'être trop... gentille. Surtout avec les autres. Elle le savait mais elle n'arrivait jamais à faire passer les autres après elle. Après tout, elle n'était pas comme ses parents et n'avait jamais aimé leurs façons de faire. Elle s'était toujours dit que lorsqu'elle aurait des enfants, elle leur donnerait tout l'amour qu'ils étaient censés recevoir.

Mais aujourd'hui, ses sentiments — la terreur — l'enveloppaient comme une seconde peau, la laissant sans défense. Et elle haïssait cela. Elle haïssait ses parents pour avoir raison, en ce moment même. Bizarrement, cela lui faisait penser à ce proverbe cherokee qui parlait de deux loups que l'on possède tous, à l'intérieur de nous. L'un était mauvais. Il n'était que colère, jalousie, cupidité, rancœur, mensonge, infériorité et arrogance. L'autre était bon. Il n'était que joie, paix, amour, espoir, humilité, gentillesse, empathie et vérité. Quel loup gagne ?

Celui que l'on nourrit.

Et c'était exactement ce qu'elle était en train de faire : nourrir le mauvais loup. 

Tandis qu'elle restait figée sur place, les rugissements qu'elles avaient entendus plutôt lui percèrent les tympans tellement ils étaient assourdissants. Un cauchemar. C'était un cauchemar mais elle n'avait pas l'impression qu'elle allait se réveiller. À vrai dire, elle n'était même pas sûre que ce soit possible.

Une voix s'éleva, glaciale et sans émotion, fit taire l'assemblée et déclara « Les enchères pour la petite humaine sont ouvertes, en commençant à cinq mille dollars. »

Une vente aux enchères.

Elle avait été enlevée afin d'être vendue à une vente aux enchères...

Des voix masculines retentirent de part à d'autre de la salle, annonçant et renchérissant des nombres. Au bout de ce qui semblait être une éternité, un seul nombre persista. La voix qui avait fait taire l'assemblée refit surface pour répéter le nombre. Elle disait : « Trente-deux mille dollars une fois. Trente-deux mille dollars deux fois. Trente-deux mille dollars trois fois... Adjuger. » Et la foule se remit à rugir.

Salem ne savait que penser. Elle était outrée mais si terrifiée qu'elle n'avait pas les idées claires. Mais au fond d'elle, elle sentit quelque chose qui essayait tant bien que mal de remonter, de se frayer un chemin à travers le labyrinthe qu'avait créé sa peur. Et ce quelque chose, c'était de l'indignation.

Cette indignation finit par se transformer en colère dès qu'elle eut réussi à atteindre la surface. Oh oui, Salem fulminait. Non pas parce qu'elle ne valait que trente-deux mille petits dollars mais parce que en tant que personne, elle était censée être inestimable. Elle n'était pas censée être traitée comme une chose à qui l'on pouvait attribuée un prix.

Petit à petit, son cerveau recommença à fonctionner normalement sauf que ce n'était plus la terreur qui l'aveuglait mais la colère. Elle n'avait pas pu dire ces quatre vérités à ses parents — non qu'elle aille en dire quatre, bien évidemment — mais elle avait pris de nouvelles résolutions en quittant ses parents. Et c'était bien de ne plus jamais se laisser manger le creux de la main d'une personne ou d'une assemblée, dans ce cas précis.

LES SEIGNEURS DE GUERRE, Tome 1 : Le Guerrier Ténébreux (À corriger)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant