CHAPITRE 3

5K 416 13
                                    

C'était une belle nuit, pensa Anasthasya McQueen. Du moins, ça aurait dû être une belle nuit. La seule chose qui faisait que cette nuit n'était pas belle était le fait qu'elle avait été balayée d'un des raids les plus importants de l'histoire des chasseurs. Bon d'accord, ce n'était pas l'un des plus importants de l'histoire des chasseurs mais il était tout aussi important. Sauf que Thasya n'avait pas été choisi pour y participer. Pourquoi ? Peut-être parce qu'elle était une femme ? Peut-être parce qu'elle était plus douée que la plupart des connards qui avaient été choisis ?

Maudit Rome !

Du coup, elle se retrouvait là, devant le Metropolitan Museum of Art. Enfin, plutôt devant la fontaine du Metropolitan Museum of Art. Ouais, Thasya avait toujours été bizarre et au lieu d'admirer un vrai chef-d'œuvre, elle préférait admirer une putain de fontaine. Sûrement parce que cela l'apaisait et la calmait. Et là, tout de suite, elle avait besoin de ce calme.

Mais il fut de courte durée. Une voix vint rompre le silence.

— Je savais que je te trouverais là.

Jack.

Elle l'avait senti s'approcher mais savait que même la personne la plus silencieuse au monde n'arriverait pas échapper à Jack si elle avait quelque chose à dire. Donc, Thasya se retourna et la fit face.

Comme d'habitude, Jacquelyne Jvikova, qui préférait être appelée Jack, était d'une beauté à vous couper le souffle. Avec son un mètre soixante-quinze et ses longs cheveux noir d'encre noués en une tresse, Jack pouvait mettre au tapis un homme de deux fois sa taille. Ses yeux d'un vert émeraude étaient tellement hypnotiques que la plupart des hommes n'avaient pas la jugeote de se méfier d'elle avant qu'il ne soit trop tard. Ce soir, comme tous les autres soirs, elle portait la tenue traditionnelle des chasseurs : un jean, un pull, une veste et des bottes noirs. Thasya savait que sous ces vêtements se cachait tout un arsenal, car elle non plus ne sortait jamais sans ses flingues et ses dagues.

— Comment aurais-tu pu savoir que je serais là ? demanda Thasya.

Jack s'avança jusqu'à ne se trouver qu'à quelques mètres d'elle.

— Tu viens toujours ici lorsque tu rumines.

Anasthasya souleva un sourcil.

— Je ne rumine pas. Je réfléchis.

— Tu rumines. (Jack eut l'air de s'amuser.) Tu rumines parce que tu n'as pas été choisie ce soir.

Avec nonchalance, Thasya haussa ses épaules. Elle voulait paraître désintéressée mais bordel ! Jack avait tapé dans le mile, comme d'habitude. Les deux femmes se connaissaient depuis des années et avaient suivi l'entraînement ensemble, en tant que rivale — bien que ce soit plus Thasya qui avait considéré Jack comme une rivale. Alors, cela paraissait évident que Jack connaissait si bien Thasya et ses réactions.

— La question ne serait pas plutôt pourquoi toi, tu ne rumines pas ? Tu fais partie de l'élite, après tout.

Contrairement à elle.

Elle serra les dents à cette pensée. Merde, elle était aussi meilleure que sa seule amie ! Pourtant, elle savait que beaucoup ne la considéraient pas comme une des meilleures. Thasya avait beau s'entraîner plus durement et plus longtemps que les autres, personne ne la voyait. Depuis que Jack était entrée à l'Institut, Thasya n'était que son ombre. Et ça la faisait bien chier.

— Parce que c'est moi qui ai demandé de ne pas y aller.

Prise de court, Thasya se contenta cligner plusieurs fois des yeux. Putain ! elle n'y attendait pas à celle-là. Jack et elle avaient bien plus en commun que Thasya ne voulait y croire. Elles haïssaient toutes les deux les démons au point d'y consacrer une grande partie de leur existence. Cependant, elle avait bien remarqué que contrairement à Jack, Thasya y mettait plus du sien que son amie, que ce soit pour les entraînements, pour les patrouilles ou pour les recherches, Thasya était toujours prête.

— Pourquoi ?

Elle l'avait presque crié. Prise par surprise par sa propre réaction, Thasya se racla plusieurs fois la gorge avec de répéter plus calmement :

— Pourquoi ?

Jack s'approcha de la fontaine et laissa courir un doigt sur l'eau. Elle demeura silencieuse pendant un moment. Thasya vit que son regard devint lointain. Cela arrivait souvent quand Jack se remémorer son passé, quoi qu'il ait pu se passer. Comme elle, Thasya n'avait aucunement envie de parler de son passé. À personne. Non pas parce qu'elle ne voulait pas le revivre mais plutôt parce qu'elle considérait que les choses qu'elle avait traversé ne pouvaient plus être changées ; alors il était inutile de les ressasser.

Finalement, elle dit :

— Parce que je ne veux pas mourir.

Thasya détestait à quel point elle n'arriverait jamais à prédire ce que son amie allait dire. Ou faire.

— Je... (elle fronça les sourcils) ne comprends pas.

— Thasya, tu rends-tu compte à quel point le raid de ce soir est dangereux ?

— Tous les raids le sont.

Son amie secoua la tête l'un geste désapprobateur.

— Certes. As-tu bien compris qui organisait cette vente aux enchères ?

— Ouais. Knox.

Un putain de connard qui n'arrêtait pas de se foutre de la tête des chasseurs à chaque fois qu'il réussissait à leur échapper. Mais le pire était qu'il était assez arrogeant pour revenir en redemander, l'enfoiré.

Jack se tourna vers elle et plongea ses yeux de gemme dans ses yeux gris orageux. Parfois, elle aurait aimé savoir ce qui se passait dans la tête de son amie. Elle avait entendu dire que Jack était capable de tenir une position pendant des heures sans bouger, seulement cligner des yeux. 

— Je croyais que Knox était la priorité ? demanda Thasya quand Jack demeura silencieuse.

Cette dernière soupira.

— Il l'est mais...

Elle laissa sa phrase en suspens, ce qui eut pour effet d'énerver Thasya plus qu'elle ne l'était déjà.  

— Mais ? insista-t-elle, impatiente.

— Mais ce soir, il ne serait pas la seule vraie menace. Et je n'ai certainement pas envie de mourir parce que cet idiot de Rome n'a pas voulu m'écouter.

Il y avait un soupçon de peur dans sa voix naturellement rauque. De quoi Jack avait-elle si peur ? Que voulait-elle dire par « la seule vraie menace » ?

C'était stupide puisque son amie n'avait jamais, au grand jamais, déclié une mission, aussi suicidaire qu'elle puisse être. Alors, en quoi le raid de ce soir était différent ?

Puis, elle se souvint d'une chose que Rome et Kavax n'avaient pas prise en compte, même si Jack n'avait pas arrêté de le leur rabâcher. Mais il arrivait que lorsque des choses importantes allaient se passer, Jack soit mise sur le côté. Thasya, en bonne amie, n'aurait jamais dû apprécier ces moments mais ils étaient tellement rares qu'il fallait en profiter. Pourtant, Jack ne parlait jamais pour ne rien dire, contrairement à Thasya.

Ce n'était pas un mots tabou mais peu de personnes n'osèrent le prononcer car cela les rendraient beaucoup trop réels ; un peu comme Voldemort. Un mot synonyme de mort et de terreur, car il était de notoriété publique qu'aucun chasseur n'aimerait être face à eux.

— Les Djinns.

LES SEIGNEURS DE GUERRE, Tome 1 : Le Guerrier Ténébreux (À corriger)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant