Partie I : Le corps

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Dans beaucoup de religions, la figure humaine (corps) symbolise la puissance divine et constitue le principal emblème du sacré. Il est dit dans l'Ancien Testament : « Dieu a créé l'homme à son image ».

1.

Paris, 2011

Sous mes pieds, est gravé « Le point zéro des routes de France » sur une rose des vents faite d'une pièce de bronze et entourée d'une dalle de pierre. Là, pile ici, je me trouve au point zéro de la distance que l'on calcule avec les autres villes françaises. En levant la tête, derrière mes lunettes de soleil, j'admire la cathédrale la plus célèbre du pays, fascinante, intrigante, mystérieuse et gigantesque, Notre-Dame de Paris. Ce trésor gothique, masse imposante de beauté et de siècles de construction, est un code intéressant à déchiffrer pour un homme tel que moi.

Mes yeux s'attardent sur les deux contreforts solides qui jaillissent avec puissance vers le ciel.

Symboliquement, cela signifie que cette cathédrale a été construite par Dieu. Néanmoins, les lignes que l'on perçoit à l'horizontale tassent l'édifice et ramènent la construction vers notre terre. Ainsi la cathédrale est considérée comme une bâtisse pour l'Homme. Les cercles, dessinés comme de grandes roses, sans commencement ni fin, décrivent l'illimité, image de Dieu. Quant aux formes carrées, plus subtilement sculptées, elles symbolisent l'espace limité, à l'image de l'Homme. Toutes les représentations des personnages bibliques, sur les façades, les galeries ou les portes, sont minutieusement pensées. C'est grâce à cela que l'on différencie un chef-d'œuvre d'une architecture banale.

Les Parisiens se frayent un chemin parmi les visiteurs. Le soleil se pointe - caché depuis bien trop longtemps derrière les nuages - et commence à jouer sur mon moral.

Ce matin, devant Notre-Dame de Paris, je me sens vivant. Mon but n'est pas d'entrer dans la cathédrale, mais de continuer ma route vers un endroit bien plus personnel et, de surcroît, plus fort émotionnellement : le Quartier Latin.

Un endroit très fréquenté par les étudiants et les professeurs, grâce à la présence de nombreuses universités. Historiquement, il tire son nom de l'usage intensif du latin des cours dispensés au Moyen-Âge dans les écoles et universités. Dix-neuf ans plus tôt, c'est ici que Simon et moi avions posé nos bagages dans un studio d'à peine 23 m2.

Simon Williams est mon meilleur ami d'enfance. Nous étions dans la même classe durant la maternelle, l'école primaire et le secondaire avant de décider de traverser la Manche et venir faire nos études d'Arts à Paris.

Ma grand-mère vivait au Faubourg-Saint-Antoine depuis près de trente-cinq ans, dans le 12e arrondissement. Au début, le temps de trouver un appartement - ce qui n'était pas une mince affaire - nous avions vécu chez elle. Nous n'étions pas riches, même en travaillant dans des restaurants, des bars ou des librairies, les fins de journée et les week-ends. Une année avait été nécessaire pour réunir l'argent de la caution et du premier loyer, payé par notre sueur et notre patience. Nous avions signé pour ce studio sans que quiconque ne nous aide financièrement.

Durant trois années, nous avions suivi un cursus à l'école des Beaux-Arts : étudiants studieux et assoiffés de culture, nous participions à des ateliers-débats ; nous nous familiarisions avec des pratiques traditionnelles telles que le dessin, la peinture, la photographie et la sculpture enseignés par des artistes, des éditeurs, des galeristes ou des théoriciens. Étant formés par le goût du savoir et de l'envie incessante d'approfondir les questions, qu'elles soient culturelles, artistiques, fiscales, juridiques ou historiques, nous étions incollables sur l'esthétique des œuvres. De connaître l'Histoire de l'Art, l'anthropologie et l'histoire de la création littéraire. Nous savions manipuler des matériaux traditionnels jusqu'aux équipements modernes dirigés par des techniciens d'art.

Œuvre d'art T.I - La muse Où les histoires vivent. Découvrez maintenant