14 février [1/3]

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L'excellente soirée que je passe avec Nathalie me surprend à discuter joyeusement avec elle. Entraînés par des conversations accompagnées de fous rires et de petites confidences de sa part.

Elle avait été mariée pendant dix-huit ans à un homme qui n'en avait eu que faire de ses intentions, ni même par la suite, de celles de sa fille. Fainéant, misogyne, préférant les soirées avec ses amis au bar. Amis tous divorcés au moins une fois et qui maltraitaient leurs épouses. À leur sens, les femmes se devaient d'être au piquet et les hommes faisaient ce qu'ils voulaient. Au bout de dix-huit ans, elle a plié bagage alors qu'il occupait le bar du coin. Elle s'en est allée chez sa sœur avec sa fille. Son récit douloureux a été si bien retranscrit que j'en étais ému. Cette épouse prête à tout quitter pour se protéger, elle et sa fille, de ce malotru. Ça m'attriste pour elle. D'avoir eu un enfant avec un homme qui ne méritait pas d'en avoir un. Ni d'avoir eu une femme comme Nathalie.

Nous avons aussi partagé quelques souvenirs d'enfance ou d'adolescence, pour ensuite nous rendre au théâtre.

La pluie s'est arrêtée et nous nous décidons à marcher un peu, avant de héler un taxi. Et avant d'y prendre place sur la banquette arrière, elle se retourne, se surélève sur la pointe des pieds et m'embrasse sans même que je ne m'y attende. Un baiser suivi d'une tendre caresse sur la joue. Jusque-là, je ne m'étais pas rendu compte à quel point l'affection d'une femme pouvait me manquer. Cette affection délicate et ses mots tendres qu'elle me chuchote, me certifiant que je lui ai plu dès l'instant où elle m'a écouté parler, m'a mis du baume au cœur. Même si ce n'est de sa bouche à elle que j'aurais aimé les entendre. Ça m'a touché.

Sans prolonger la rencontre, je suis rentré seul chez moi, en taxi. Remettant tout en question, je me demandais ce que je voulais vraiment. Charlie ou une femme de mon âge capable d'aimer ? Pourrais-je aimer Nathalie, par exemple ? Je sens comme un déclic. Amoureux ? L'ai-je déjà été ? Ne suis-je pas simplement attiré par les femmes qui me maternent ? Sasha, Lauren... Qu'en est-il alors de Charlie ? Ce sentiment qui m'accapare et que je ne connais pas ? Elle ne me materne pas, elle. Que voudrais-je réellement ?

Arrivé en bas de chez moi, une pluie fine se remet à tomber. Je remonte le col de mon manteau et paye le taxi. Devant chez moi, je reconnais une silhouette inattendue.

— Charlie ? crié-je.

Elle tente de sortir son scooter de sa place, en talons aiguilles. Pas très pratique. Elle lève la tête lorsqu'elle entend son prénom. Je m'approche d'elle, mes lunettes tâchées de minuscules gouttes d'eau.

— Désolée, je pensais que tu serais là..., lâche-t-elle d'un ton que je ne lui connais pas.

— Et bien je suis là.

Et je m'approche d'elle et stoppe son geste en bloquant le guidon de son deux-roues.

Elle est maquillée et ses cheveux sont mouillés.

— Tu étais de sortie ?

Elle jette un œil à mon accoutrement en haussement rapidement un sourcil.

— Oui.

— Qui était-ce ? dit-elle sèchement.

Je suis tellement surpris par son changement d'humeur, que je hausse les sourcils en essayant de formuler ma réponse comme je peux mais elle m'interrompt :

— Non, en fait, ça ne m'intéresse pas. Je ne veux pas savoir. Ce ne sont pas mes affaires.

Et voilà, ressentir un brin de jalousie ne peut pas être éprouvé chez mon amante. La pirouette, le détachement, rien ne laissait paraître. Ne rien ressentir. Rien.

Œuvre d'art T.I - La muse Où les histoires vivent. Découvrez maintenant