L'invitation

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Je sonne chez Charlie plusieurs fois. Elle m'a précisé qu'elle serait là ce matin, ne pouvant pas se libérer hier soir. J'en ai donc profité pour échanger avec Simon sur l'avancée de l'exposition à la Smith Art Gallery.

Voilà trois mois que nous préparons ce vernissage qui devra être gigantesque. Première fois que je réalise une telle besogne à distance, c'en est éprouvant. Les nombreux coups de téléphone, le travail à fournir, les échanges avec Hannah et Simon, mes allers et retours à Londres durant les week-ends, ainsi que la préparation aux partiels du second trimestre qui devront se dérouler dans les semaines à venir, les cours que je rédige et ma relation éreintante avec Charlie me terrassent parfois de violentes migraines. Il est temps que l'histoire Delacroix soit derrière moi.

Et aujourd'hui, j'ai décidé de prendre le taureau par les cornes : inviter Charlie à dîner mardi soir. Selon sa réponse, je saurai à quoi m'en tenir et je déterminerai à ce moment précis ce qu'il adviendra de « nous ».

J'appuie sur le bouton une dernière fois et une voix endormie me répond :

— Ouais !

C'est Iban. Fuck ! Je pensais qu'il ne serait pas là ce matin.

— James.

— Ah ouais donc même les samedis matin vous vous arrêtez plus !

Sa remarque désobligeante est tout de même suivie par l'ouverture de la porte d'entrée. Je précipite mon pas pour ne pas me confronter à nouveau à Mamie Renée ou encore à Mme Garcia : les deux commères du 32, rue Ballu.

Dans le hall pourtant, manque de bol, je suis confronté à une vraie scène de ménage entre une femme d'une trentaine d'années environ et d'une espèce de rasta blanc, qui, apparemment, se fiche pas mal des remontrances de cette belle maghrébine qui l'engueule. Un enfant d'environ trois ans, sûrement leur progéniture - cheveux blonds du père et teint basané probablement de la mère -, au milieu de leur dispute, en ne comprenant pas très bien les mots qui sortent de leurs bouches :

— C'était ton week-end te rappelles-tu, Matthieu ? J'avais prévu des choses hier soir.

— Tu me fais mal à la tête, allez, passe-le-moi, et on en discute plus...

— C'est hors de question ! Pas dans ton état.

— Quel état ?

Ils s'arrêtent dès qu'ils me voient entrer.

— Bonjour, lancé-je assez embarrassé.

— Salut mec ! lâche le rasta pouilleux.

— Bonjour, Monsieur, répond son interlocutrice chaleureusement.

Vaut mieux que je monte par les escaliers que par l'ascenseur. L'interminable attente peut mettre une gêne entre le couple et moi-même.

Lorsque j'arrive au 5ème étage, la porte est entrouverte. Je toque doucement :

— Bin entre ! J'ai laissé ouvert pour ventiler tu crois ? crie Iban de mauvaise humeur.

Je lui montre les croissants. Il sourit en se précipitant vers moi, me les arrachant des mains, et me tapote la joue :

— Je savais bien qu'il y avait une raison pour laquelle je pouvais potentiellement t'apprécier.

— Charlie est là ? lui demandé-je en parcourant le salon du regard.

— Ouais dans la salle de bain. Elle se douche, me répond-il en préparant son café. Tu en veux ?

— Non, c'est gentil, j'ai déjà pris mon petit-déjeuner. Je vais aller voir Charlie.

Œuvre d'art T.I - La muse Où les histoires vivent. Découvrez maintenant