Rendez-vous au Grand Véfour [2/2]

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Le commissaire-priseur reprend le fil de la conversation sur le sujet initial :

— La semaine dernière, Sir Chambers a pris contact avec Victor Dauger, le chef-restaurateur de l'Atelier Drouot, pour faire expertiser le tableau trouvé dans un des nombreux placards que son grand-père avait délaissés, dit-il sur un ton amusé.

— Mon grand-père étant un amateur d'art, nous avons plusieurs toiles de personnes peu célèbres accrochées au mur de la propriété. Quelle fut ma surprise en découvrant dans un vieux placard du grenier, un tableau étrangement différent des autres exposés chez nous.

Étrangement différent. Son grand-père était sûrement un amateur d'art mais pour Sir Chambers, cela ne fait aucun doute : il n'y connaît rien. Durand reprend la parole :

— Indubitablement, lorsque Victor Dauger l'a expertisé, il a assuré que c'était bel et bien un Delacroix non répertorié dans le catalogue de l'artiste.

— Il serait de quelle année ? demandé-je sans montrer mon enthousiasme.

— 1818 ou 1819 d'après Dauger.

— Où est-il actuellement ?

— À l'Atelier Drouot. Plusieurs expertises sont en cours. Une restauration complète doit être effectuée, vu que nous sommes en présence d'une œuvre originale.

— Ce tableau n'est-il pas inscrit quelque part dans le catalogue de l'artiste ? Ou peut-être sur une liste de peintures volées ?

— C'est en cours de vérification, précise le commissaire-priseur.

— Sir Chambers, avez-vous le certificat de provenance ? me tourné-je vers mon compatriote anglais.

— Bien entendu, mon cher Monsieur, dit-il avec bienveillance.

Sourire aux lèvres, le serveur revient pour nous débarrasser de nos plats vides, avant de s'en aller pour revenir, un bref instant plus tard, avec nos plats principaux qu'il dépose face à nous d'une main de maître.

— Que puis-je faire pour vous aider ? proposé-je avec insistance.

— Si les experts approuvent l'authenticité de l 'œuvre et que Monsieur Dauger vient à restaurer le tableau. Sir Chambers serait prêt à vous confier la vente de la toile du Maître.

— Ne serait-il pas plus judicieux de le présenter au public, exposé dans un musée comme l'Orsay ou le Louvre ? Il est une œuvre du Romantisme et y aurait tout à fait sa place.

— Le conservateur du musée du Louvre aimerait effectivement le voir avant la vente. Il serait sûrement intéressé et capable de payer le prix fort.

— Et pourquoi nous ? insisté-je.

— Je m'obstine à faire en sorte que cette toile soit exposée dans un musée ou une galerie d'art anglaise. Je serai intransigeant sur ce point. Même si mon grand-père a résidé dix-huit ans en France, il n'en reste pas moins vrai que sa collection est anglaise. Quant à Monsieur Durand et moi, nous nous sommes mis en contact, il m'a tout de suite parlé de vous. Vous êtes une galerie de grande renommée. À un niveau international même. Le milieu artistique n'a que d'éloges pour vous. Puis, j'ai entendu dire que vous étiez expert sur toiles de Maîtres en Art Moderne ?

— Nous faisons également de l'Art Contemporain. En ce moment, nous exposons un jeune gallois en plein essor du nom d'Emlyn. Mais, une prochaine expo sur le mouvement romantique me va à ravir. Il y a bien longtemps que nous n'avons eu d'œuvres de Maîtres chez nous. Mais j'aurais aimé voir le tableau de mes propres yeux avant. Pourquoi ne pas me déplacer à Drouot lors de la restauration ? conseillé-je.

Œuvre d'art T.I - La muse Où les histoires vivent. Découvrez maintenant