Combler le vide

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Les happy hour du Bistrot des Artistes, dans la rue des Anglais dans le 5ème, est devenu notre QG à Frank, Nathalie et moi, le jeudi et vendredi après les cours. C'est ici qu'on se relâche en buvant un coup ensemble, qu'on débat et qu'on rit sur la vie quotidienne de chacun. Je ne cacherai pas que cette habitude m'est devenue vitale, j'apprécie la compagnie de mes collègues. Christophe, lui, ne s'éternise jamais. Les obligations familiales restent une priorité pour lui.

Un samedi soir, nous avons décidé de nous rejoindre tous les trois dans le Marais - ancien marécage durant le XIIe siècle - quartier historique de Paris. Ingénieuse idée d'André Malraux qui a lancé un programme de préservation des architectures et des classes aisées dans les années soixante. Un quartier juif enraciné près de la rue des Rosiers - Le Pletzl - ; très fréquenté par des homosexuels, tandis que les animations varient de bars aux restaurants, de biens immobiliers aux boutiques de vêtements, passant par les commerçants en maroquinerie jusqu'aux bijouteries chinoises installées depuis les années cinquante au Sentier ; d'horlogeries basées vers le square du Temple et, pour mon plus grand bonheur, les diverses galeries d'art.

Le Perchoir Marais est un bar en toit-terrasse sur un immeuble industriel, avec un grand bar, un restaurant et des bancs recouverts de coussins moelleux. On pouvait y admirer l'imprenable vue sur le Sacré-Cœur.

Ce soir-là, alors que je suis allé chercher nos commandes, une jeune femme, peut-être plus jeune que moi, m'a accosté sans même se soucier de ma probable réaction. Une parisienne sans grand charisme en quête d'une aventure pour combler son week-end. Jeune fille qui a jeté son dévolu sur ma personne. Après quelques mots échangés - où je me suis assuré qu'elle ne soit pas à la Sorbonne - elle m'a donné son numéro et m'a certifié que je pouvais l'appeler à n'importe quelle heure de la soirée, avant de rejoindre son groupe d'amis. De retour à table, d'où mes amis n'ont rien manqué de la manigance, je leur ai confié, sans orgueil, le contenu de notre conversation. Franck s'est affiché admiratif, alors que Nathalie a joué la carte du silence durant un très long moment, avant de nous quitter plus tôt que prévu. Ça a été son dernier samedi soir en notre compagnie.

La soirée a défilé malgré tout et j'ai fini par appeler la jeune femme en question du nom de Constance. Sans perdre de temps en discours inutile, elle m'a invité chez elle, dans un petit appartement très cosy, non loin du bar. Les étudiantes - elle est en doctorat de médecine - sont très entreprenantes, voilà la seule chose que j'ai à dire sur les jeunes françaises.

Frank m'a présenté à un ami d'enfance, Alexandre, devenu architecte et à son associé, David. Deux collègues à lui avec qui on peut facilement sympathiser. En général, nous varions les bars de la capitale qui nous apportent de nouvelles connaissances, hommes ou femmes, peu importe leurs milieux sociaux. Ma liste de numéros s'est incrémentée de nouveaux contacts et m'a laissé le choix de femmes avec qui passer la nuit. Un week-end, Simon nous a rejoint et a fait la connaissance des trois hommes. J'essaye de rester sobre et de ne pas me mettre dans des situations embarrassantes.

Je tiens à être clair avec ces amantes d'un soir : il n'y aurait pas de suite ou de seconde fois.

Salaud ? Non, prévenant et honnête. Aucune femme n'a envie de se faire mener en bateau par de faux espoirs ou des promesses non tenues. Nous étions sur la même longueur d'onde.

Charlie Mahé, dans tout ça ? Une attente, une espérance, une obsession non assouvie. Parce que passer des soirées avec des femmes vous satisfait sur le moment mais, en aucun cas, ne vous fait oublier la seule véritable femme que vous adulez.

Mon portable vibre, me sortant de ma rêverie. Betsy Marshall, ma belle-sœur.

Je vais me faire passer un savon.

Œuvre d'art T.I - La muse Où les histoires vivent. Découvrez maintenant