Chapitre 21

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En quittant ses appartements en début d'après-midi, Damien do Ravière se sentait d'humeur douce-amère. L'incident de la veille lui avait certes permis d'aborder Satia, mais leur conversation avait tourné court. Se faire humilier de la sorte ! Être contredit par un simple Mecer ! Qui d'autre que lui, Damien, pouvait donc savoir ce qui était le mieux pour une jeune fille de qualité ?

Comment sa mère et le Djicam avaient-ils pu se ranger à l'avis d'un Messager ? Bon, pour le Djicam cela pouvait se comprendre – ils étaient de la même nation après tout - mais Domaris ? Sa propre mère ? Il était le fils du Souverain quand même ! Son avis aurait dû avoir une toute autre importance !

Rageur, Damien songea une fois de plus à cette loi stupide qui interdisait aux enfants d'un Souverain de participer à sa succession. Il était né sur Sagitta, après tout, il avait autant de droits que les autres ! Ainsi, il aurait pu s'opposer au Messager, il en était convaincu.

Damien frissonna au seul souvenir du regard bleu-acier qui s'était posé sur lui quelques secondes. Être ainsi jaugé et tenu pour quantité négligeable ! Un simple regard impassible, sans même une lueur de mépris, et pourtant... À contrecœur, Damien avait dû admettre que les Mecers n'usurpaient pas la légende qui les entourait. La place de ces prédateurs était sur un champ de bataille, pas dans un Palais. Les voir respecter le protocole à la lettre était toujours surprenant, même si c'était l'attitude typique des Massiliens.

Damien devait à tout prix obtenir une entrevue privée avec Satia. Hors de question qu'elle apprenne à se battre. Il lui ferait oublier cette idée stupide d'entrainement. Si la Garde était suffisante pour le Souverain et sa famille, Satia pouvait s'en accommoder. Peut-être accepterait-elle qu'il se charge en personne d'une protection rapprochée ?

Un sourire rêveur flotta sur ses lèvres. Être toujours en sa douce présence... Il y aurait bien des avantages à être si proche d'elle.


Arrivé devant les appartements de Satia, il rajusta sa tunique, avant de se rendre compte que les Gardes dissimulaient un sourire avec peine. Il leur jeta un regard courroucé : comment osaient-ils se moquer de lui, le fils de leur Souverain ! Il demanderait leur mise à pied à Satia ; il était inadmissible que de tels hommes appartiennent à la Garde du Phénix !

Il tapa deux coups secs à la porte en bois des Îles. Du bois des Îles ! Alors que celle de ses appartements était seulement en chêne. Inconcevable.

–Entrez, dit Satia.

Soudain fébrile, Damien entra, arborant un sourire engageant, le dos bien droit pour mettre en valeur sa tunique hors de prix, d'un rouge flamboyant ce jour-ci, et ornée de broderies d'un vert tendre censées représenter des lianes.

La Durckma Satia retint un soupir en l'apercevant dans ses habits rutilants, dont les couleurs incompatibles lui annonçaient une migraine. Allait-il encore passer deux heures à la fatiguer en la comparant à diverses essences de fleurs comme la dernière fois ?

–Seigneur Damien, fit-elle en feintant la surprise. Votre visite me flatte.

–Durckma, je suis honoré, répondit Damien en s'inclinant dans un salut compliqué censé l'impressionner.

Satia reprit sa broderie, abandonnée quand elle l'avait entendu frapper, et Damien prit alors conscience de la présence des douze dames de compagnie de Satia. Subjugué par la Durckma, il n'avait pas remarqué qu'elle n'était pas seule !

Elles murmuraient entre elles, et gloussaient comme des poules en lui jetaient nombres de regards furtifs. Il se rendit compte avec indignation qu'il était le centre de leur attention et se sentit rougir d'embarras.

Les Douze RoyaumesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant