Chapitre 60

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Massilia, Neuvième Royaume, Refuge de haute-montagne.

–Bien. Allons-y, soupira le Messager Aioros en se dirigeant fébrilement vers la trappe qui donnait sur les souterrains.

–Nerveux ? le taquina Laria.

–Claustrophobe, répondit-il, maussade, en la laissant passer devant lui.

Erwan, qui commandait les Veilleurs, ouvrait la marche avec deux de ses collègues. Venait ensuite la Durckma Satia, Laria la Guerrière de Perles et Itzal en compagnie de ses trois félins, la plus jeune blottie contre lui, puis Altaïr, peu désireux de laisser Sanae se mettre en danger. Aioros fermerait la marche en compagnie du dernier Veilleur.

Il avait reculé jusqu'au dernier moment, mais il n'avait désormais plus le choix. Il musela sa peur, la cadenassa de sa volonté, et se laissa tomber dans le tunnel obscur. Il frissonna comme le froid et l'humidité s'emparait de lui. L'odeur terreuse des murs aurait elle seule suffit à le paralyser.

Tout va bien, l'encouragea Saeros. Détends-toi et avance. Un pas après l'autre.

Il déglutit et entreprit d'avancer lentement. Une chose était sûre, il n'enviait pas son frère, qui combattrait certainement dans ces mêmes tunnels. Lui en aurait été incapable sans aide. Il espérait qu'Erwan les guide sans encombre – et le plus rapidement possible – vers la sortie.

Derrière lui, le dernier Veilleur sauta souplement dans l'ouverture et referma la trappe. Aioros remercia silencieusement son oncle d'avoir songé à Lyred pour effondrer le tunnel.

Ses yeux s'accoutumèrent progressivement à l'obscurité ambiante. Devant lui, il discernait les silhouettes du groupe. Il s'obligea à se concentrer sur une respiration lente et régulière, crispant ses poings pour dissimuler ses tremblements. Des gouttes de sueur glissaient sur son front. Il serra les dents. Les Massiliens étaient connus pour leur goût des espaces ouverts, sans limites, mais il était un Messager. Il l'avait déjà fait et il pouvait le refaire.

Aioros lutta contre le sentiment d'oppression qui l'envahissait davantage à chaque pas, cette sordide impression que les parois se rapprochaient inexorablement de lui pour mieux l'étouffer. Un autre virage, et soudain, il la vit. La sortie. Ce point lumineux, certes encore lointain, suffit à lui remettre du baume au cœur. Il résista à l'envie irrépressible de se mettre à courir, de bousculer les gens devant lui pour aller plus vite, pour enfin sortir de ce tunnel interminable.

Enfin ce fut son tour. Il inspira profondément l'air pur, vif et glacé, si différent de l'odeur tenace de ces souterrains qu'il exécrait. Il se tint là, au bord du vide, pendant plusieurs secondes, calmant les derniers vestiges de ses tremblements. Il l'avait fait. Il avait réussi.

Son regard croisa celui plein de sympathie d'Erwan, et il lui accorda un mince sourire. Au moins il avait eu la gentillesse de lui laisser un peu de temps pour récupérer.

–En route, dit-il quand sa gorge encore nouée put prononcer les mots.

Le chef des Veilleurs et plusieurs de ses membres sortirent de leur paquetage un entrelacs de cordes ; d'immenses filets, qu'ils porteraient à plusieurs. Les terrestres, soit la Durckma, Altaïr, Sanae et Laria, pourraient y prendre place. En espérant qu'ils n'aient pas autant peur du vide que lui du sous-sol.

Les quatre compagnons semblèrent soudain comprendre ce qui se passait et eurent le bon goût de pâlir.

La première, Satia releva la tête et s'approcha courageusement du filet.

–Dites-moi que vous avez déjà porté des gens avec ça ? demanda-t-elle.

–Plusieurs fois, oui, répondit Erwan en inclinant la tête. Faites-nous confiance. C'est ainsi que nous rapatrions nos blessés. Et je peux vous dire qu'ils n'apprécient pas plus que vous d'être ainsi dépendants des autres, ajouta-t-il avec un sourire.

Les Douze RoyaumesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant