Chapitre 68

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Empire, Quatrième Monde, Ciryatan, Temple d'Orssanc.

Le temple d'Orssanc était loin d'être aussi chaleureux que celui d'Eraïm, constata Lucas en pénétrant les lieux. L'édifice imposant avait la forme d'une pyramide tronquée, d'un noir qui rappelait l'obsidienne. Il apparaissait sombre et menaçant.

Le jeune homme baissa les yeux et tâcha de passer pour un simple visiteur. Le seigneur Evan n'avait pas pu le renseigner sur ce qui l'attendrait une fois à l'intérieur ; lui-même ne s'y était plus rendu depuis de nombreuses années, se contentant des cérémonies officielles au Temple de la capitale, sur Druus.

Le Messager gardait sa main sur le pommeau de sa dague, camouflé par son ample cape. Si l'un des servants d'Orssanc se montrait suspicieux, il n'aurait qu'à l'éliminer. Il était bien décidé à se frayer un chemin jusqu'à Satia, en jalonnant sa route de cadavres s'il le fallait. Le Seigneur Evan lui avait fourni tout ce qu'il désirait, comme s'il était soudainement pressé. Une conduite un peu étrange, mais Lucas était pressé également, alors il avait profité de l'aubaine.

Il avait bien étudié le plan qu'Ishty lui avait procuré. Le temple était composé principalement de cinq salles en enfilade, entourées par des couloirs qui menaient aux étages inférieurs et supérieurs. Son but était le deuxième sous-sol où étaient gardés les prisonniers qui attendaient d'être sacrifiés à Orssanc. C'était l'endroit le plus probable pour la rétention de Satia.

Les rares fidèles présents dans la deuxième salle ne lui prêtèrent aucune attention. Ils marmonnaient des paroles incompréhensibles et fixaient sans ciller le coffret qui abritait a priori une statue d'Orssanc, inaccessible au regard des profanes.

Ce ne fut que dans l'escalier menant au premier sous-sol qu'il croisa un Adepte qui s'étonna de le trouver là.

–Les sous-sols sont interdits aux non-initiés, déclara l'Adepte en pinçant les lèvres. Veuillez me suivre, je vais vous reconduire.

–Ce ne sera pas nécessaire, répondit Lucas.

Il n'eut qu'un seul pas à faire pour arriver au contact ; sa main droite se posa sur son poignet pour l'immobiliser, sa main gauche plongea la dague dans sa poitrine. L'homme eut un hoquet étouffé et bascula en avant. Lucas le soutint et le déposa sur le sol, avant de nettoyer son arme sur sa tunique. Maintenant, la découverte de son intrusion n'était qu'une question de temps. La discrétion n'était plus de mise.

Le Messager accéléra, faucha deux autres Adeptes en arrivant sur le palier du deuxième sous-sol. Il ralentit tandis qu'il arrivait dans le couloir chichement éclairé. Les murs gris étaient ponctués de portes en acier. Beaucoup trop de portes.

Des cris, des pleurs, des gémissements filtraient, formant un brouhaha déchirant. Lucas ravala sa salive et raffermit sa prise sur sa dague. Il devait trouver Satia, et vite.

Laisse-moi te guider, intervint Iskor, sensible aux émotions du jeune homme. Séliak peut communiquer avec moi, je te rappelle.

Suivant les instructions de son Compagnon, Lucas avança encore plus profondément dans le couloir. La tension croissait à chacun de ses pas, et il commençait à redouter ce qu'il allait découvrir. À ce qu'ils lui auraient fait subir. À quel point elle serait changée. À quel point il n'avait pas été là. La culpabilité se rajouta à son fardeau. Elle était son Estérel ; il avait juré de la protéger coûte que coûte, au prix de sa vie s'il le fallait.

Arrête ça, Lucas, dit Iskor. Tu ne peux la protéger de tout. La vie est ainsi. C'est en endurant ses épreuves que l'on progresse. Que l'on devient plus fort. Que l'on acquiert l'expérience. Ton père ne t'a pas privé des combats qui auraient pu prendre ta vie maintes et maintes fois. Tu ne peux être partout à la fois. Fais-lui confiance. Elle est plus forte que tu ne le penses.

Les Douze RoyaumesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant