Chapitre 42

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Sagitta, Douzième Royaume, Forêt de Tyrion.

Les quatre jeunes gens chevauchaient parmi les arbres avec les premiers rayons du soleil. En tête, Lucas suivait le sentier, peu visible à cette heure-ci pour ses compagnons de route. De temps à autre il se retournait pour vérifier leur progression ; le Messager avait beau surveiller son allure, il accélérait immanquablement. Ses yeux captaient la moindre lumière et il se jouait des ténèbres avec une facilité déconcertante.

Le Messager réprima un soupir. Encore un peu de temps, et la luminosité ambiante serait suffisante pour qu'ils discernent tous les reliefs du chemin.

Dans tous les cas leur rythme resterait modéré pour ne pas épuiser leurs montures.

Si Satia et Laria bavardaient doucement alors qu'Itzal baillait et luttait pour garder les yeux ouverts, Lucas notait par réflexe une foule de détails. Certes, ils n'étaient pas très discrets ; mais il y aurait dû y avoir bien plus d'oiseaux qui chantaient dans les branches au-dessus d'eux ; il aurait dû apercevoir quelques écureuils, quelques lapins. Les feuilles bruissaient doucement dans le vent qui s'était levé, les arbres ployaient, et pourtant, d'infimes échos rompaient l'harmonie de la nature.

Ils étaient suivis.

Restait à savoir par qui, et pour quelle raison ; il s'agissait peut-être d'alliés, et même si son instinct lui soufflait le contraire, Lucas préférait ne négliger aucune piste. Il retint un soupir. Une corvée supplémentaire dont il se serait bien passé dans son état. Pour le moment les fourrés restaient trop denses ; s'il avait pu voler... il chassa cette pensée aussitôt. Il ferait avec les moyens à disposition, comme toujours.

Le Messager se concentra davantage, ignorant la douleur sourde qui pulsait dans son esprit. Quatre, peut-être cinq poursuivants au moins se trouvaient à proximité. Beaucoup trop s'il les laissait se rassembler.

La pause déjeuner lui fournirait un excellent prétexte, aussi Lucas tira sur les rênes de son cheval pour l'arrêter.

–Que se passe-t-il ? demanda Satia en jetant des regards de tous les côtés.

–Je dois vérifier les lieux, répondit Lucas sans vouloir l'effrayer.

Elle n'avait pas besoin de sources d'inquiétudes supplémentaires.

–Itzal, distribue les rations. Je vais faire un tour dans les environs.

–Mais... pourquoi moi ? se plaignit le jeune Envoyé.

N'obtenant aucune réponse du Messager qui disparaissait déjà dans les taillis, il se résigna et descendit de sa monture pour fouiller dans ses sacoches de selle.

Les deux jeunes femmes démontèrent à leur tour, et les trois jeunes gens s'installèrent pour déguster leur repas.

Lucas avait laissé son cheval aux bons soins d'Itzal. Sur ses gardes, il cherchait leur mystérieux poursuivant. Il ne pouvait être loin : la forêt était bien trop silencieuse.

Un bruissement presque imperceptible, sur sa gauche. Vif comme l'éclair, il bondit pour se saisir de l'intrus, posant sa dague contre sa gorge dans le même mouvement. Un éclaireur ? L'uniforme ne correspondait à aucun de ceux utilisés par la Fédération. Un ennemi, donc.

–Que fais-tu ici ? murmura Lucas.

L'homme tenta de se dégager, mais le Messager resserra son étreinte tout en accentuant la pression de sa lame. Du sang perla. L'homme se mit à rire.

–Tu peux me tuer, Messager. Nous sommes nombreux. Vous n'atteindrez jamais la Porte vivants.

Le jeune Massilien pesta entre ses dents. Ils avaient quitté le Palais dans le plus grand secret. Les espions de Dvorking étaient bien mieux renseignés que ne le croyait son père. Sans hésiter plus longtemps, Lucas trancha la gorge de l'homme et se hâta vers l'endroit où il avait laissé Itzal, Laria et Satia.

Les Douze RoyaumesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant