Soirée du mercredi 31 octobre 2012

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L'après midi se finissait doucement et Paul était perdu. Depuis que Rosa avait passé le week-end chez lui, il n'arrivait plus à penser à autre chose qu'aux immondes traces bleues qui recouvraient son corps. Il s'en voulait tellement, il était énervé contre lui-même. Une fois de plus il n'avait pas pu protéger la femme qu'il aimait. Une rage folle l'avait envahis, il se sentait tellement énervé, envers lui-même, envers son destin. Toujours retomber sur les mêmes problèmes, toujours croiser les mêmes échecs. Paul devenait fou en pensant à toutes ces choses, à toutes les fois où il aurait pu agir et cette nouvelle sensation d'échec avait rouvert des plaies anciennes.

Enfermé dans un tourbillon infernal, Paul ne faisait que tourner en rond, le jour comme la nuit. Il allait et venait dans son salon, montait les escaliers, faisait quelques mouvements de musculation et recommençait, sans but. Il errait entre ses murs comme un lion en cage. Il voulait faire quelque chose, réussir à aimer l'être qui lui était chère, il devait trouver une solution.

Faire la cuisine l'a toujours aidé à réfléchir, alors, il avait fait de la pâtisserie pour se concentrer sur le problème de Rosa. Il aurait aimé aller à la police, leur montrer des preuves de la violence de sa mère pour qu'elle n'ait plus sa garde, pour que ce genre de chose ne recommence plus jamais. Pourtant, en faisant ça, il risquait de voir sa belle partir loin de lui, ou dans une famille qui ne la laisserait pas sortir sans vérifier où elle va. Et il la perdrait d'une autre façon. Devait-il en arriver à là pour la protéger ? Devait-il sacrifier son amour pour la sûreté de l'adolescente ?

En cette fin d'après-midi, un tarte dans les mains, Paul se dirigea vers la maison voisine.

« Paul ! Je me demandais quand vous alliez arriver.

- Désolé Jacques, il est un peu tard mais j'ai passé beaucoup plus de temps que prévu dans la cuisine. Cette tarte a été plutôt récalcitrante. »

En effet, Monsieur Alexandre avait du s'y prendre à deux fois car trop distrait par ses insoutenables pensées, il n'avait pas mis de minuterie et la tarte avait tout bonnement carboniser dans son four.

Jacques était très heureux de la tarte que lui avait amené son ami. Il discutait avec entrain, lui aussi restait beaucoup trop enfermé et avait besoin de compagnie. Paul aurait aimé rester longtemps devant son café, le touiller inlassablement en bavardant avec son aîné, mais la réalité le rattrapa lorsque celui-ci pestiféra contre les coups de klaxon répétés qui leur parvenait.

« Oh ! Realisa-t-il. Ça doit être Sebastian qui passe vérifier si je n'ai pas changé d'avis. Pour la fête. C'est ce soir.

- File, va t'amuser ! Souris Jacques. »

Les coups de klaxons se répétaient et Paul sentait aussi que son téléphone n'arrêtait pas de vibrer dans sa poche. A grands pas, Monsieur Alexandre remontait la rue dans l'espoir que son ami veuille bien cesser de casser la tranquillité habituelle du petit village.

« Te voilà enfin! s'exclama-t-il en apercevant enfin son collègue s'avancer vers lui.

- J'étais chez mon voisin. Tu ne devrais pas être chez toi en train de préparer ta soirée ? Je t'avais dis que je viendrais. Je ne comptais pas annuler à la dernière minute.

- Figure toi qu'Aline est venue m'aider à préparer mon appartement. Je crois qu'elle s'est proposée dans l'espoir que tu y sois aussi. Enfin bref, je me suis dis que tu pensais venir sans déguisement en sortant une excuse du genre ' je suis déguisé en moi-même' ou ' je suis en prof', ce qui est de très mauvais genre. »

C'est exactement ce qu'envisageait Paul pour la soirée. Il n'avait aucune envie de se déguiser.

« C'est pour ça que je suis venu t'apporter ceci ! »

Tout sourire, Sebastian brandis ce qui devait un déguisement emballé dans une housse.

« On rentre pour l'essayer ? Proposa-t-il»

A ce moment, Monsieur Alexandre détestait au plus au point son collègue de maths. Serré dans un costume en latex représentant un squelette il se sentait à la fois profondément ridicule et inconfortablement installé.

« Génial ! Il te va parfaitement ! Bon maintenant que je suis sûr que tu vas venir, je dois rentrer, il reste des millions de choses à faire. Ah et au fait, fais gaffe au costume je l'ai loué. »

Et comme il était apparu, le matheux disparu, retournant à ses préparatifs laissant son ami grimé en squelette seul au milieu de son salon. Bien qu'il se sentait absurde et qu'il avait chaud, l'homme souriait un peu, heureux de s'être trouvé un si bon ami qu'il le sortait de son quotidien. Pour le remercier, il décida de descendre dans sa cave pour lui rapporter l'une de ses meilleures bouteille. Il le méritait.

Tout était parfaitement rangé, Paul aimait vivre dans un endroit où tout était à sa place. Dans un renfoncement se trouvait son étagère secrète, cachée derrière une flopée de cartons soigneusement empilés. Derrière se cachait des grands crus qu'il ne sortait que pour les très grandes occasions et qui avaient une grande valeur. Monsieur Alexandre entrepris de déplacer les boites, mais l'une d'elle céda, éparpillant son contenu sur le sol. Des centaines de feuilles virevoltèrent dans les airs avant de tomber. Des photos, des coupures de journaux, des magasines.

Le regard de Paul se bloqua quelques secondes. Il était pétrifié, impossible pour lui de faire le moindre geste. Des frissons lui parcoururent le dos. Ces images, il pensait ne jamais les revoir. Tout lui revient en mémoires, complétant les brides qui lui étaient revenues encore des dernières semaines. Des voix hurlaient dans sa tête, il avait chaud, comme s'il y était de nouveau, la pièce tournait autour de lui. Il se tenait au mur pour ne pas s'effondrer.

Après ce moment de flottement, la colère lui revient, aussi forte qu'à l'époque des clichés. Il saisit deux photos et une brochure de journal, ainsi que deux bouteilles de rouge. Une fois dans sa cuisine, il se servit un verre qu'il but d'une traite, puis un deuxième, lorsqu'il se servit le troisième il lança un regard vers les photos et la colère monta de plus belle. Au fond de lui il sentait se former une boule d'énergie négative qui grossissait petit à petit. Et il n'avait aucune envie de la stopper.Le premier objet qui lui tomba sous la main fut un pot de fleur, dans un excès de rage, il l'envoya le plus loin possible. Sa satisfaction lorsque les éclats volèrent ne fut pas suffisante, il continua encore et encore dans un fracas assourdissant.

La rage grognait en lui. L'époque de ces photos était loin, il avait tenté d'oublier mais depuis les dernières semaines tous ces sentiments l'avait fait replongé dans les ténèbres de son passé. Les images qu'il voyait avait finit de le refaire basculer. Dès après lors, rien ne serait plus pareil, la colère qu'il avait tant de temps à calmer était remontée, plus forte que jamais.

Cher professeur.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant