Finissant délicatement de nouer sa cravate autour de son cou, Paul lissa sa chemise du dos de la main en regardant son reflet face à lui. Il soupira amèrement en remarquant qu'il n'avait personne pour ajuster son nœud ou lui embrasser tendrement la joue et lui souhaiter une bonne soirée.
La sonnette retentit, ne laissant pas le loisir à ses pensées de dériver aussi longtemps qu'il l'aurait aimé. C'était Sébastian. Le matheux avait insisté pour venir chercher son collègue chez lui, ayant eu bien trop peur qu'il ne vienne pas. D'un pas lent et peu enjoué, Paul descendit l'escalier, attrapa son téléphone et sa veste.
« Je n'y croyais pas et pourtant ! s'exclama Sébastien un sourire immense sur le visage. Et quel beau gosse ! Elles vont toutes craquer ! Aller en voiture ! »
Il partit en brandissant les clefs, suivit par Paul, tentant de sourire de la bonne humeur communicative de son ami.
L'un des atouts de Monsieur Alexandre était sa capacité à masquer ses émotions. Ainsi, au milieu de la soirée de son ami, il arrivait à sourire, et même à montrer un certain intérêt à des gens qui ne lui inspirait que de l'ennui.
Sébastian avait minimisé le nombre d'invité. Dans le salon de son appartement se tassait une cinquantaine de personne, bougeant au rythme d'une musique de fond, parlant fort, un verre à la main. La plupart de ces gens n'avaient qu'une petite vingtaine d'années et pour la première fois de sa vie, Paul se sentit vieux. Il n'éprouvait aucun plaisir à se trouver au milieu de cette foule, à discuter avec ces inconnus et il avait chaud.
Ce fut le pretexte ideal pour s'échapper sur le balcon a peine une heure après son arrivé, quand Sébastian l'eut enfin lâché, comprenant qu'il était bien là et qu'il ne s'en irait pas. Seul, loin de l'affreuse musique qui lui donnait mal à la tête, il respira enfin. Plusieurs femmes l'avaient déjà abordé, et Paul avait essayé de s'intéresser à elles, pour se sortir sa blonde de la tête, mais aucune ne lui avait fait ressentir la moindre émotion. Mais une en particulier semblait bien déterminée à finir la soirée avec lui. Ce fut elle qui brisa sa bulle de tranquillité dans l'air frais de la soirée.
« Tu fumes, demanda-t-elle en sortant son paquet de sa poche. »
Paul refusa poliment et sortit son téléphone pour éviter une inévitable conversation avec cette femme qui le fixait en allumant difficilement sa cigarette.
« Et donc, tu m'as dis que tu travaillais dans le même lycée que Seb ? Tu es prof ?
- Oui
- Génial ! Moi je travail dans un restau, mais c'est provisoire, j'ai pas tout a fait finit ma formation »
Et sans que Paul n'ai rien demandé, cette fille lui déballa sa vie. D'ordinaire, il n'aimait pas être malpoli mais ce soir là, faire la conversation ne l'intéressait pas le moins du monde. Il regardait donc son portable, faignant d'y être très occupé bien qu'en réalité, il n'avait rien à faire, il tentait simplement de faire fuir cette femme.
Soudain alors que l'envahisseuse de Paul continuait à déblatérer seule en battant des cils, l'homme sentit son téléphone vibrer dans sa main et le message d'un inconnu s'afficher sur son écran.
« Bonsoir Monsieur ! J'espère que je ne vous dérange pas trop. Après avoir vu votre enthousiasme pour mes écrits, je me suis motivée pour écrire une suite. Je ne suis pas convaincue du résultat. J'aimerais votre avis et vos conseils surtout. On pourrait peut-être fixer un premier rendez-vous ?Demain ?Qu'en pensez-vous ?
Rosa »
Le cœur battant, Paul relu plusieurs fois le message. Depuis la veille, il n'espérait plus recevoir de nouvelle de sa belle blonde. Sa joie était telle qu'un immense sourire s'afficha sur son visage.
« Qu'est-ce qui te rend autant heureux ? Tu viens de gagner au loto, hasarda la femme devant lui.
- Encore mieux, se contenta-t-il de répondre les yeux rivés sur son écran. »
« Parfait ! J'ai hâte de lire ce que tu as fais ! Demain après-midi, c'est bon pour toi ?
Je viendrais te chercher près de chez toi et je te ramènerais. Mais ne le dis pas, personne ne comprendrait ce que l'on fait. Tu sais les fausses idées arrivent vites. Et l'amour de la littérature est difficile à comprendre pour beaucoup. »
« Vous avez raison. Vous n'aurez qu'à me prendre sur la place à côté de l'église, derrière le lycée. A 13h30 ? »
Plongé dans sa conversation avec Rosa, Paul ne fit plus attention à rien. Il ne remarqua pas que la fille qui lui parlait était partie, il n'entendait plus la musique, ne ressentait plus les brises fraîches. Seul comptait dans cette soirée cette conversation qu'il avait avec la femme qui le rendait fou.
Et voilà, comment, sans qu'il ne le vit, Paul céda complètement, glissant totalement dans le terrain miné où le conduisait ses sentiments. Cette soirée qui avait eu pour but de sortir l'adolescente de son esprit avait été un échec total en ce sens. Car au contraire, Monsieur Alexandre avait fait taire les dernières appels de sa raison pour se lancer corps et âme dans l'espoir fou que Rosa soit un jour plus que son élève.
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Cher professeur.
RomanceTout commence par leur passion pour l'écriture. Monsieur Alexandre enseigne pour la première année lorsqu'il croise sur sa route une merveilleuse élève : Rosa. Mais qui pourrait comprendre leur amour ? **** Merci a @MarieBoulet pour cette magnifiq...