Mardi 24 décembre 2012.

569 39 5
                                    

La veille de Noël est un jour particulier pour tous. Une bonne humeur se dégage de cette date. Cette année-là, cette fête promettait d'être réussie. Il avait neigé toute la nuit, les rues étaient ornées de magnifiques décorations et les musiques de la saison résonnaient.

Aline, seule chez elle, regardait les flocons s'écraser contre sa fenêtre. Un verre de rouge dans une main, un mouchoir dans l'autre, elle fermait les yeux et écoutait le Requiem de Mozart. Un chant de mort pour une âme morte. Plus rien ne l'animait, et malgré les semaines qui étaient passées, elle ne se remettait pas des événements. Pourquoi était-elle si touchée ? A vrai dire, elle n'en savait rien. Et cela faisait monter une colère en elle. Elle n'avait pas été abusée. Il ne lui était rien arrivé. Elle avait juste aimé ! Et aimé l'avait détruite. La passion, si forte, si intense, brûlante, cette femme avait cru qu'elle allait pouvoir la faire se consumer dans une relation aussi grande que cela. Jusqu'au dernier instant elle y avait cru. Naïvement elle avait relevé chacun des signes qui montrait que l'homme tombait petit à petit dans ses bras. Elle s'était fait des films.

Elle vida son verre d'une traite et l'envoya se briser contre un mur. La colère remplaçait peu à peu la tristesse. Elle avait donné sa confiance, son cœur, son âme toute entière à ce violeur de mineur. Et il ne l'avait même pas regardé. Une gamine de 16 ans avait réussi à l'emporter haut la main. Elle n'était même pas à la hauteur d'une adolescente.

Son téléphone vibra, elle l'ignora. Sa mère sans doute qui l'appelait encore pour la convaincre de venir fêter Noël avec elle. Il en était hors de question. Sa mère était son reflet exact. Une vie minable de femme incapable d'être aimé de quiconque et dont le seul enfant, preuve d'amour, était issu d'un viol. Aline ne se sentait de voir personne, elle voulait rester seule dans son malheur. Se noyer dans sa haine profonde.

Jacques touillait son café et y trempa un biscuit sec. La sonnette retentit, il ne bougea pas. L'aide qui venait plusieurs fois par semaine lui parla mais il ne lui répondit pas. Il fixait la maison vide qu'il apercevait depuis sa fenêtre. La femme fit son travail, lui souhaita un joyeux Noël et reparti. Laissant le vide et le silence regagner l'habitation. Ce même vide sans fond qui touchait le cœur du vieil homme. Depuis quelques mois, il ne bougeait presque plus, ne mangeait presque plus, ne vivait presque plus. L'horrible sentiment qu'est la trahison ne connaît ni âge ni sexe. Lui aussi, n'avait d'abord pas cru ce qu'il s'était dit au procès. Il avait d'abord témoigné en faveur de son si gentil voisin. Puis, les éléments avaient été apportés à ses yeux un par un et lui avait fait comprendre qu'il s'était fait berné. Quand il voyait la voiture de Paul, il n'était en réalité pas chez lui, puisqu'il avait une moto. Cet homme qui se montrait si adorable lui avait menti droit dans les yeux. Un goût amer restait dans sa gorge.

Pour lui, Paul avait été comme un fils. Ce gentil garçon qu'il voyait si souvent, qui lui apportait des gâteaux. C'était la dernière personne à encore se soucier de ce petit vieux dans sa maison perdue au milieu de la campagne. Maintenant, il n'avait plus rien qui ne le retenait, plus personne à aimer, seulement des idées noires pleins la tête. Il se leva, ses vielles articulations craquèrent. Il attrapa un verre et le remplit d'une grande dose du premier alcool qu'il trouva. Il jeta un œil dans sa cuisine, saisit la boite de chocolat et le téléphone.

Jacques composa le numéro de l'agence qui lui envoyait une aide à domicile régulièrement et résilia son contrat. Puis il appela sa banque et fit un don considérable à une association qui aidait les jeunes filles abusées sexuellement. Enfin, il écrivit un court mot sur une feuille qu'il laissa sur la table et se coucha dans son lit.

Il mangea tous les chocolats et bu son verre d'alcool puis il ferma les yeux. Simplement.

Mardi 24 décembre 2012.

Une ambiance légère flottait dans l'air, accompagnée d'une odeur de pâtisserie. Rosa était endormie sur l'épaule de Paul qui dû interrompre la sieste de sa bien-aimée pour aller s'occuper du repas de fête qu'il préparait.

« Désolé, je ne voulais pas te réveiller, rendors-toi Princesse, tu as vraiment l'air fatiguée.

- Je le suis. Je ne comprends pas pourquoi, je ne fais rien, j'en ai marre. Pourquoi je suis si fatiguée ? »

La jeune fille se mit à pleurer et Paul abandonna son riz aux champignons pour essuyer ses larmes.

« S'il te plaît Princesse, ne pleure pas, ça me rend bien trop triste. C'est normal que tu sois fatiguée, tu es en train de former la vie. Tu as besoin de beaucoup d'énergie pour ça.

- Je ne vais jamais y arriver.

- Arrête de douter de toi. Tu es la meilleure, on va réussir tous les deux. Je veux simplement que tu sèches tes larmes et que tu me montre ton plus beau sourire. C'est Noël, tout le monde est heureux à Noël ! »

La jeune fille hocha la tête et offrit un sourire triste à son amant. Il lui déposa un baisser sur le front et retourna à ses cuissons.

La nuit était déjà tombée et des bougies éclairaient doucement la pièce et lui donnait un côté romantique. Rosa oublia bien vite ses peines et profita du repas de réveillon qu'elle passa en tête à tête avec le papa en devenir de son enfant.

« Ok, c'est le moment des cadeaux ! s'écria l'homme après que le dessert eut été avalé.

- Ne me dit pas que tu as un cadeau mon cœur. On est coincé ici depuis des mois, je n'ai absolument rien à t'offrir. Je me sentirais atrocement mal.

- Ne t'inquiète pas Princesse, affirma Paul en prenant la main de Rosa pour la lever, tu m'offre déjà tellement de choses au quotidien. Grâce à toi, je suis heureux tous les jours. Grâce à toi, je comprends de nouveau le sens du mot bonheur. Grâce à toi je goûte à la plénitude. Grâce à toi j'ai découvert l'amour, le vrai.Et enfin, grâce à toi je vais pouvoir devenir père. Rosa, déclara-t-il en posant un genou au sol, depuis que je t'ai rencontré, ma vie a totalement été bouleversée. Tu me fais me sentir tellement vivant, tellement heureux. Pour toi, je ferais n'importe quoi, je pourrais même donner ma vie. Lorsque je te vois, j'ai le cœur qui s'emballe et des papillons dans le ventre. Je n'ai aucun doute sur le fait que tu sois la femme de ma vie. J'ai envie d'être à tes côtés jusqu'à ma mort, pour me battre pour nous comme l'on s'est battu jusqu'à maintenant, pour que rien ne nous sépare jamais. Rosa Maulin, accepterais-tu de devenir ma femme ? »

Monsieur Alexandre sorti une bague de sa poche, et releva la tête vers celle qu'il aimait. La femme pleurait, envahie de trop d'émotions. Il se releva et la serra dans ses bras.

« Je ne m'attendais pas à cette réaction là. Je pensais plutôt à un oui, un non à la rigueur mais pas des larmes, plaisanta-t-il.

- C'est les hormones ! Bouffila Rosa. Est-ce que tu peux reposer la question ?

- Rosa Maulin, accepterais-tu de devenir ma femme ?

- Oui ! »

Les deux amants s'embrassèrent pour sceller leur engagement. Leur bonheur était total.

Cher professeur.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant