Deirane trouva facilement le bureau. Au rez-de-chaussé, la villa ne comportait qu'un seul couloir. Elle frappa à la porte. Une voix masculine l'invita à entrer. Le stoltzen, assis derrière son bureau, leva la tête à l'entrée de la jeune fille. Il avait un regard interrogateur.
— Vous m'avez convoquée, dit-elle, je suis Deirane.
— Deirane de Jensen, je ne t'attendais pas si tôt, je croyais que tu étais avec Saalyn.
— On m'a dit que vous m'attendiez.
— Il n'y avait aucun caractère d'urgence. Mais puisque tu es là, assieds-toi.
De la main, il désigna une chaise devant lui. Timidement, elle s'installa.
— Tout d'abord, nous allons mettre les choses au point. Je suis l'intendant de l'ambassade. Mais au cours des cinq prochains mois tu es sous la responsabilité de Saalyn. Elle a la priorité en tout et c'est elle que tu dois consulter pour ton travail.
— Saalyn ne fait pas partie de l'ambassade, remarqua Deirane.
— Calen a signé un ordre d'affectation temporaire, valable cinq mois renouvelables automatiquement.
— J'ignorai que Calen pouvait faire ce genre de chose.
— Calen peut tout faire. Personne ne prendrait le risque de s'opposer à ses décisions. Même pas les pentarques.
— Pourtant elle a l'air si gentille.
— Gentille ?
Calnor exprima un rictus de dérision.
— Dans certaines limites oui. Mais ce n'est pas par la gentillesse qu'elle est devenue ce qu'elle est. Tu sais qu'elle a dirigé l'Helaria un moment.
— Je l'ai entendu dire. Quand ?
— C'était il y a longtemps. Pendant la guerre qui nous a opposé aux feythas.
— Ça remonte à soixante ans !
Calnor balaya l'objection d'un geste de dédain. Sur une étagère derrière lui, il prit une petite boite. Dedans il en tira une enveloppe et un bracelet de perles. Deirane connaissait ce dernier objet, elle en avait vu de semblables sur Festor, Jalia et tous les Helariaseny qu'elle avait rencontré depuis. Même le démon... le gems, en avait un. Et bien sûr Calnor. À sa vue, une euphorie envahit son esprit, si intense qu'elle n'écoutait plus ce que lui disait le stoltzen.
— Tu m'écoutes ? dit-il enfin. Apparemment non. Jeune Deirane veux-tu bien faire attention !
Il ponctua son injonction d'un coup brutal sur la table. Deirane sursauta. Elle se redressa et redevint attentive. Elle était si joyeuse qu'elle écouta son interlocuteur de façon ostensible.
— Ne sois pas impertinente, jeune Deirane. Aucun respect pour les aînés, continua-t-il dans sa barbe.
Mais les yeux rieurs démentaient le ton désapprobateur. Il avait vu des dizaines de réfugiés occupant la place de Deirane. Il comprenait ce qu'elle ressentait.
— Je disais donc, repris Calnor, ça fait maintenant trois douzaines que tu es parmi nous. Tu as dix ans. À ton âge, les jeunes humains sont déjà en apprentissage dans une corporation depuis deux ans. Tu n'es pas née en Helaria, tu n'as donc pas bénéficié de notre éducation. Avant d'intégrer une corporation, il te faudra rattraper le niveau.
— Je travaille dur pour ça.
— Je sais. Je sais aussi que tu es une jeune fille. Et une jeune fille à des besoins. Aussi nous avons décidé de te donner un travail. Un travail rémunéré bien sûr.

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La Paysanne (La malédiction des joyaux - livre 1)
FantasyCela fait quatre-vingts ans que les tyrans ont été vaincus, laissant un monde en ruine aux pluies mortelles. Ces dernières années, la chronique a été défrayée par Deirane, la belle paysanne devenue reine. Mais elle ne fait plus parler d'elle depuis...