Il avait craché les derniers mots comme s'il s'agissait d'une insulte.
— C'est une façon peu commune de présenter mon métier, bien que pas totalement fausse, remarqua Saalyn, même si je ne suis pas tout à fait d'accord en ce qui concerne votre estimation de mes performances à l'épée. Après tout, j'ai été guerrière avant de devenir guerrière libre. Vous avez dû beaucoup m'étudier.
— Il me fallait bien connaître votre façon d'opérer pour vous contrer.
— Êtes-vous sûr de m'avoir contrée ? N'avez-vous pas dit que j'étais la meilleure ?
Pour toute réponse, le drow lui fit un salut de son verre avant de boire.
— Je ne mets pas vos compétences en doute. Après tout, vous avez pu trouver ce château alors que je croyais n'avoir laissé aucune trace, dit-il, mais sur ce coup-là, j'ai été meilleur que vous.
— Et quoi d'autre avez-vous étudié pour monter ce piège ? reprit Saalyn.
— On dit que les guerriers libres marchent toujours par deux : le maître et le disciple. J'ai donc étudié votre disciple Öta. Bien sûr. Il ne possède pas vos talents, mais il s'en approche. Lui c'est un vrai guerrier. Métis de Mustulsis et d'Helariasis, il possède la force physique des premiers et la ruse des seconds. Suffisamment habile pour intégrer deux corporations, il appartient à la fois à celle des guerriers et celle des guerriers libres, et même s'il n'a que rang de simple soldat dans la première, je ne ferai pas l'erreur de le sous-estimer au corps à corps. En général il n'est jamais très loin de vous. Je vous conseille cependant de ne pas trop compter sur lui. J'ai jugé utile de l'éloigner. Pour plus de sûreté vous voyez. À l'heure actuelle, il est en pleine balade en montagne dans les royaumes des nains, à plus d'une douzaine de chevauchée.
Saalyn but une gorgée de vin pour reprendre contenance.
— Je vois que vous avez tout prévu dans les moindres détails, dit-elle, il y a cependant une chose que je ne comprends pas.
Le drow leva un sourcil d'un air interrogateur.
— Pourquoi moi ? Pourquoi avoir pris tout ce temps à me tendre ce piège ? Je ne suis rien pour vous. Le seul lien entre nous est Deirane et il remonte à vingt ans.
— Pourquoi pas vous ?
— Pourquoi pas moi en effet ? Je repose la question différemment. Pourquoi avoir attiré un guerrier libre helarieal dans ce piège ? Moi ou un autre.
— Parce qu'il me fallait attirer un Helariasen chez moi.
Deirane intervint alors.
— Moi, je comprends, dit-elle, vous vouliez me rencontrer pour achever ce que nous avions commencé il y a vingt ans. Cleindorel aussi, elle vous était nécessaire pour m'attirer. Pour Saalyn, vous dites avoir besoin d'elle et si vous l'avez choisie elle c'est parce que vous aviez la possibilité de m'utiliser comme appât alors qu'avec un autre guerrier libre cela n'aurait pas marché. Mais Trazen, que fait-il ici ? Cela me semble une erreur monumentale, les pentarques savent maintenant tout ce dont nous avons parlé.
— C'est probable en effet, répondit le drow, ils savent. Mais ça n'a plus aucune importance. Mes plans sont sur le point d'aboutir et ils ne pourront pas s'y opposer.
C'est alors que Trazen qui n'avait pas encore ouvert la bouche prit la parole.
— Et quels sont donc vos plans ? demanda-t-il.
Le ton de la voix contrastait avec l'expression du visage. Deirane en fut déroutée, mais il ne fallut que quelques instants au drow pour comprendre.

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La Paysanne (La malédiction des joyaux - livre 1)
FantasyCela fait quatre-vingts ans que les tyrans ont été vaincus, laissant un monde en ruine aux pluies mortelles. Ces dernières années, la chronique a été défrayée par Deirane, la belle paysanne devenue reine. Mais elle ne fait plus parler d'elle depuis...