Chapitre 12 : Gué d'Alcyan, vingt ans plus tôt. (2/2)

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Puis il s'adressa à Festor.

— Jeune stoltzen, je transmettrai le message. Mais n'oublie pas Notenor.

— Je n'ai qu'une parole et j'honorerai ta demande.

Le gems prononça quelques mots dans ce sabir, mélange d'helariamen, de mustulmen et de vornixmen qui servait à guider les lézards-dragons. Sa monture repartit au petit trot. Festor se poussa pour le laisser passer.

Alors qu'il s'éloignait, Jensen s'adressa à Festor.

— Je m'attendais à pire, dit-il, j'ai toujours entendu dire que les démons étaient cruels.

— Vous autres, humains, vous ne pouvez pas vous empêcher de changer le nom des peuples.

— Désolé, je croyais les « gems » cruels et dépravés.

— Vous croyez beaucoup de choses et beaucoup sont fausses. Les gems que vous décrivez sont les hauts gems. Ils sont rares, vivent loin d'ici et s'aventurent rarement hors de leur domaine. Il en existe deux autres types, les gems aptères tels que celui-là et les gems ailés. Les gems aptères ont une civilisation qui ressemble à la nôtre, peut-être un peu plus mystique.

— Quel âge peut-il bien avoir ? Il vous a qualifié de jeune, pourtant vous ne l'êtes pas vraiment.

— Par rapport à lui, si. J'ai seulement cent vingt-quatre ans. Il peut très bien avoir dépassé le millénaire, voire plusieurs. Les gems ne meurent pas tant qu'on ne les tue pas. La plupart des plus vieux ont été exterminés il y a soixante ans, les feythas les jugeaient trop dangereux, et seuls ont survécu les plus jeunes, donc je dirai entre trois cents ou quatre cents ans plus certainement.

À côté d'eux, Deirane faisait quelques pas, les bras convulsivement serrés sur sa poitrine.

— Vous croyez qu'il a raison pour ce qu'il a dit sur l'avenir ? demanda-t-elle.

— À ma connaissance, les gems n'ont pas le pouvoir de prémonition, répondit Festor. Je peux me tromper, mais je pense plutôt qu'il connaît bien la nature des individus et sait prévoir leurs réactions devant les richesses de ton corps. Même sans les pierres, tu es suffisamment jolie pour valoir un bon prix au marché aux esclaves d'Orvbel. Avec elles, tu deviens quelque chose d'unique et d'inestimable.

— Cette chose est une malédiction, lança Jensen, et je trouverai le démon qui l'a infligé à ma fille.

— Je ne vous le conseille pas. Si vous le trouvez, ce sera la dernière chose que vous ferez de votre vie. Vous feriez mieux d'essayer de trouver un moyen d'éviter à votre fille le destin funeste que le prêtre lui a prédit. Pensez à mon offre.

— Quelle offre ? demanda Deirane.

— Festor veut que tu te rendes en Helaria.

Deirane évalua la portée de cette proposition.

— Maman et toi viendriez avec moi ? demanda-t-elle

— Je... ne pense pas. Je suis un Yriani. Toute ma vie, j'ai vécu sous la tutelle de Sernos. On m'a appris à détester l'Helaria, à considérer leur mode de vie comme indécent et luxurieux. Je suis trop vieux pour changer. Puis je suis chez moi à la ferme. Elle m'a été donnée par mon père et je la donnerai à mon fils qui la donnera à son fils à son tour. J'y ai toujours vécu, j'espère y vieillir et un jour rejoindre tes grands-parents dans le cimetière.

— Alors je n'irai pas moi non plus en Helaria.

Jensen prit sa fille dans ses bras et la serra contre lui. Il continua sa discussion avec le soldat.

La Paysanne (La malédiction des joyaux - livre 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant