Deirane hésitait. Finalement elle prit les vêtements que lui tendait l'edorian et s'eclipsa pour se changer. Quand elle ressortit, au bout d'un temps bien long pour un changement aussi simple, elle avait le visage en feu et c'est à la limite de la syncope qu'elle se présenta presque nue, selon ses critères, à ses compagnons. Celtis ne put retenir une exclamation de surprise. Et Saalyn arborait un air satisfait. Quant aux deux hommes, ils la dévoraient des yeux.
Lentement, elle s'avança vers le miroir. Elle ferma les yeux quand son image commença à y apparaître. Saalyn vint se placer derrière elle et lui posa délicatement les mains les épaules, pour la soutenir mentalement.
— Quand tu te sens prête, ouvre les yeux.
La jeune fille prit une longue inspiration qui fit piquer un fard à Volcor. Puis elle regarda.
Ce qu'elle vit la laissa sans voix. Elle ne ressemblait en rien à une paysanne, plus à une amazone telle que les récits des troubadours les décrivaient. Encore qu'elle douta qu'une femme ait un jour combattu dans une telle tenue ailleurs que dans les récits de ces mêmes troubadours. Elle se regarda longtemps. Au bout d'un moment, elle se tourna vers ses compagnons.
— Vous pouvez sortir ? demanda-t-elle.
— Pourquoi ? demanda Volcor.
— Ne discute pas, sors, ordonna Celtis.
Elle entraîna Jergen et Volcor à sa suite dans la rue. Le couturier suivit son assistante dans la pièce voisine.
Seule avec Saalyn, Deirane enleva la bande de tissu qui lui couvrait la poitrine puis dégrafa sa jupe qui tomba au sol. Et pour la première fois depuis que le drow l'avait marquée, elle se regarda, nue, telle qu'elle était devenue. Elle s'examina longuement, sans dire un mot. La guerrière libre avait raison. La silhouette qu'elle aimait regarder dans la surface du lac n'avait pas changé. Le drow ne lui avait rien enlevé, il avait au contraire ajouté quelque chose. Ce qu'il lui avait infligé ne manquait pas d'une certaine beauté. Du bout du doigt, elle suivit le tracé d'un fil d'or depuis la base du cou jusqu'à son ventre. Elle caressa sa poitrine, prenant connaissance avec le contact piquant des pierres. Elle ne pourrait jamais oublier le moment qu'elle avait passé, la douleur, la violence, son impuissance à y échapper. Elle pourrait vivre avec ce tatouage. Elle se laissa aller dans les bras de son amie sans quitter son reflet du regard.
Le couturier entra dans la pièce.
— Faudrait peut-être se dépêcher un peu, dit-il, je n'ai pas tout mon temps.
Paniquée, Deirane cacha sa poitrine derrière ses bras, puis son bas-ventre, à nouveau la poitrine.
— Vous pourriez attendre à l'extérieur, lui reprocha Saalyn.
— Vous faites des manières, mais vous êtes toutes pareilles. Quand on a vu l'une de vous, on vous a toutes vues.
— Si c'est vraiment ce que vous pensez, votre vie ne doit pas être gaie.
Elle s'empara de la première pièce de tissu qu'elle trouva, une cape, et en enveloppa la jeune fille.
— Il faut encore prendre les mesures et choisir les tissus, dit le couturier.
— Ce que j'ai essayé, ça ne va pas ? demanda Deirane.
— Je vous en prie. Je ne suis pas un fripier. Je suis un couturier.
Il sortit de sa poche un ruban gradué en doigt et en paume.
À l'instigation de Saalyn, Deirane ôta la cape qui la protégeait. Sans se préoccuper d'elle, l'assistante edoriane prit des mesures : tour de cou, tour de poitrine, de taille, de hanche, longueur des jambes, du torse. Malgré sa gêne, Deirane supporta l'examen sans broncher. Le tout fut noté tout sur une plaque d'argile humide. Pendant la prise des mensurations, le couturier les avait quittées pour se rendre dans sa réserve de tissu. Le temps qu'il revienne, Deirane en avait profité pour disparaître dans la pièce voisine pour remettre sa robe. Quand elle ressortit, le couturier avait étalé quelques coupons sur une table. Saalyn, rejointe par Celtis, les examinait.

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La Paysanne (La malédiction des joyaux - livre 1)
FantasíaCela fait quatre-vingts ans que les tyrans ont été vaincus, laissant un monde en ruine aux pluies mortelles. Ces dernières années, la chronique a été défrayée par Deirane, la belle paysanne devenue reine. Mais elle ne fait plus parler d'elle depuis...