Alors qu'elle essayait de se frayer un chemin dans la foule – incroyable qu'il y ait tant de personnes inoccupées, pensa-t-elle – Saalyn tomba sur Velnim, la plus ancienne résidente en poste à l'ambassade, avant même Tresej.
— Qu'est-ce qu'elle a encore trouvé pour se rendre intéressante ? demanda-t-elle.
— Deirane accouche, répondit sèchement Saalyn.
— Oh.
De toute évidence, Velnim se préparait à déblatérer sur Deirane. Quand la jeune humaine était arrivée, la stoltzin l'avait aussitôt prise en grippe. On ne savait pas trop pourquoi, de toute façon Velnim n'était pas très aimée à l'ambassade. Le fait qu'elle soit bloquée à Sernos depuis cinquante ans devait y être pour quelque chose. Sa présence loin de la métropole ressemblait fortement à un bannissement. Ce qu'elle avait fait était confidentiel, seul Tresej devait savoir. Pour que la punition dure aussi longtemps, ça devait être grave.
L'aménagement de l'appartement avait été modifié à cause de la grossesse de Deirane. Quelques mois plus tôt, son lit avait été descendu de la mezzanine ; ce qui lui évitait de monter une échelle trop raide pour son état. L'humaine s'y était allongée, Celtis assise à ses côtés.
— La sage-femme se tient prête, annonça Saalyn, on devra aller la chercher quand les contractions ne seront plus espacées que de quelques stersihons. Elle a dit de la faire marcher en attendant.
— Elle a dit combien de temps ça prendrait ? demanda Celtis.
— Elle dit que pour une primipare... une femme qui met au monde son premier enfant, il faut compter une journée entière.
— Une journée ! Je préfère notre méthode. Un mois d'incubation, vingt-quatre vinsihons de ponte et après tranquille pendant sept mois pendant que l'œuf mûrit dans le couvain.
— Veinarde, lui lança Deirane.
— On fait quoi en attendant ? demanda Saalyn.
— Si ça dure une journée, il va falloir trouver des choses à faire.
— Tu ne pourrais pas me jouer quelque chose ? demanda Deirane.
— Tu veux de la musique ?
Deirane hocha la tête.
— Je vais chercher mon instrument.
La guerrière quitta de l'appartement. En sortant, elle se tourna vers les gens qui s'entassaient devant la porte.
— Vous n'avez rien d'autre à faire ? demanda-t-elle. On n'est pas au spectacle ici.
Les spectateurs commencèrent à partir, doucement.
Après un bref passage pas sa chambre, Saalyn remonta avec son usfilevi.
L'usfilevi, littéralement « la corde qui chante », était constitué d'une caisse en bois prolongée par un manche. La musique était produite par des cordes. La main droite grattait les cordes pendant que la gauche les pinçait sur le manche pour changer la hauteur de la note. À partir de ce schéma de base, les variations étaient infinies. Certains avaient une caisse creuse et épaisse avec une ouverture sous les cordes et s'utilisaient assis, d'autres plus fins étaient en bois plein et manipulés debout. Le nombre de cordes lui-même variait de quatre à douze. Et la tonalité changeait selon les modèles d'une basse très grave à un aigu très élevé. Celui que Saalyn avait choisi était le modèle dit classique : une caisse creuse resserrée au centre pour bien la caler sur un genou, sa forme évoquait vaguement une silhouette féminine.

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La Paysanne (La malédiction des joyaux - livre 1)
FantasyCela fait quatre-vingts ans que les tyrans ont été vaincus, laissant un monde en ruine aux pluies mortelles. Ces dernières années, la chronique a été défrayée par Deirane, la belle paysanne devenue reine. Mais elle ne fait plus parler d'elle depuis...