Chapitre 8 : Chabawck, vingt ans plus tôt. (3/3)

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Festor se leva et salua le bawck. Jensen et Deirane le regardaient, indécis. Jalia se releva avec légèreté, et se prépara à suivre son compagnon. Festor la retint et lui murmura quelques mots à l'oreille. Deirane essaya d'écouter, seulement sa maîtrise de l'helariamen était insuffisante. Elle n'en vit pas moins Jalia se raidir et saisir la main de Festor, en proie à la plus violente panique. Le soldat continua à la rassurer, à lui parler, tout en lui caressant doucement le bras et l'épaule. Peu à peu, elle se détendit, s'écarta de Festor, sans lui lâcher la main pour autant. Il fit signe à Deirane et Jensen de sortir au plus vite. Quand ils furent dehors, avec délicatesse il détacha les doigts de sa fiancée. Il souleva le rabat de la tente, elle lui jeta un regard de détresse. Elle ne bougea pas et affronta le bawck avec courage comme elle l'avait promis.

Une fois dehors, Jensen aborda Festor.

— Je ne comprends pas, dit-il, à aucun moment la question de l'argent n'a été évoquée. Il n'y a pas eu de négociation.

— C'est la manière bawck. Ils font le travail et après demandent le paiement.

— Et que se passe-t-il si on estime qu'il demande trop ou si on ne veut pas payer ? Ou si on n'a pas assez ?

Festor sourit.

— Vous venez de mettre le doigt sur un problème majeur de la société bawck. Beaucoup de vendettas ont commencé pour une telle cause.

— Pourquoi ne changent-ils pas ? demanda Deirane.

— Parce que ce sont des bawcks. Ils ne comprendront jamais le problème tant que leur survie ne sera pas mise en cause. Tant que ça ne se limite qu'à quelques morts, ils ne changeront pas leurs habitudes.

— C'est stupide, bougonna Jensen.

— C'est bawck, corrigea Festor.

Il fit quelques pas avant de reprendre.

— Les bawcks sont conscients de leurs limites, ils ont donc créé les orkants pour représenter leurs tribus dans les négociations avec les autres peuples. Mais ils l'ont fait à leur manière, d'une façon qu'eux seuls ne trouvent pas illogique.

— Comment ça ?

— Les orkants sont des esclaves, humains en général, qu'ils achètent ou qu'ils capturent à la guerre. Ils sont tout en bas de l'échelle sociale, mais ils ont une totale liberté de mouvement, un statut de diplomate auprès des autres royaumes et leur parole engage le clan tout entier.

— C'est stupide ! Comment peuvent-ils confier une telle charge à des esclaves ?

— Je vous l'ai dit, les bawcks sont spéciaux. Rien que le terme orkant en dit long, il dérive d'un mot qu'ils considèrent insultant pour désigner leur représentant. Ceci étant, bien peu d'entre eux ont tenté de s'enfuir, ils doivent donc y trouver leur compte quelque part.

La consultation du chaman ne dura pas très longtemps. Au bout de quelques stersihons, le bawck sortit de la tente et rejoignit le petit groupe qui attendait fébrilement.

— Skayt a échoué, dit-il, il a examiné la stoltzin. Malheureusement il ne peut rien faire. Skayt ne sait pas reconstruire ce qui a été irrémédiablement détruit.

Festor médita un instant la réponse du bawck.

— Que voulez-vous dire ? demanda-t-il.

— Si le mal de la stoltzin avait été causé par quelque chose d'ajouté à son esprit qui l'aurait enfermé, Skayt aurait pu l'enlever. Or quelque chose a été ôté de l'esprit de la stoltzin. Son esprit a été cassé et un morceau a disparu. Les morceaux qui restent se sont recollés, le morceau qui manque ne peut pas être refabriqué. Skayt ne peut pas faire une telle chose.

La Paysanne (La malédiction des joyaux - livre 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant