Chapitre 18 : Boulden, de nos jours. (2/3)

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Deirane estima que le moment était venu. Elle hésita avant de continuer la discussion. Elle s'attendait à un refus de Saalyn. Aussi allait-elle devoir bien choisir ses arguments. Elle s'humecta les lèvres avant de commencer.

— Je crois que tu ne devrais pas participer à l'expédition.

La surprise laissa la guerrière sans voix.

— Pourquoi ? demanda-t-elle enfin.

— Cette armée n'a aucune importance. Elle ne nous gênera pas. Nous pourrons entrer dans le château sans problème.

— Pourquoi ?

— Vingt ans. C'est un compte bien rond tu ne trouves pas.

— Non.

— En Helaria, vous utilisez douze chiffres pour compter. Les humains et les autres nouvelles races n'en utilisent que dix.

— Je sais, tout le monde le sait.

— Vingt en Helaria est un nombre quelconque. Pour les humains c'est un compte rond, l'équivalent de vingt-quatre dans votre façon de compter. Il va fêter les vingt ans de notre rencontre et il veut que je sois présente. Il m'attend. Il ne m'empêchera pas d'arriver à lui.

— Je vois que nous sommes arrivés à la même conclusion, par des voies différentes mais nous sommes d'accord sur l'essentiel. Un petit bémol cependant. L'armée dont il dispose ne présente aucun danger pour toi, il veut ta présence. Ce n'est pas le cas pour moi. Toi tu pourras rentrer, moi je n'ai aucune importance pour lui. Il n'hésitera pas à me tuer si je tente de m'introduire. C'est de ça que tu veux me protéger ?

— J'ai une autre idée sur la question de ton importance. J'ai bien étudié les événements de ces derniers jours. Il y a trop de questions étranges, trop de coïncidences.

— Continue.

— Tiens par exemple, pourquoi Boulden ?

— Parce que c'est le seul royaume esclavagiste encore existant.

— Le seul qui en face commerce ouvertement. Il y en a d'autres, plus discrets.

— Tu penses que c'est moi la raison ? Parce que j'y étais ? Comment a-t-il su ? Ce ne sont que les hasards de ma dernière enquête. Et pourquoi je suis si importante pour lui ? Après tout, il ne me connaît pas. Il est venu ici parce qu'il y possède un domaine.

— À mon avis, s'il a deux domaines en Ectrasyc, il peut en posséder beaucoup plus. En revanche il n'y avait qu'une seule ville où toi tu pouvais être dans les délais. Et il savait que tu serais ici parce tout simplement ta dernière enquête t'y conduirait. Il s'en est assuré. Il est même possible qu'il t'ait commanditée lui-même pour un crime qu'il aurait commis en personne.

— Je te rassure, répondit Saalyn, je suis à Boulden pour une enquête spéciale pour la Pentarchie. C'est le pentarque seconde Wotan en personne qui me commandite pour une mission en compagnie de mon archonte Muy.

Deirane resta interdite. Elle ne s'attendait pas à une telle réponse. Saalyn la poussa à continuer.

— En admettant qu'il ait réussi à manipuler mes pentarques, pourquoi fait-il ça ?

La réponse fut longue à venir.

— Tu m'as remis sur les rails après ce qu'il m'a fait subir. Sans toi, je me serai laissée mourir. J'en avais envie à l'époque. Tu m'as reprise en main et fait oublier mon désir de mort. Je suis autant ton œuvre que la sienne. Il te doit beaucoup.

— Ton raisonnement semble correct. Mais il ne tient pas debout. S'il veut tant me rencontrer, pourquoi avoir tenté de m'assassiner.

— Pas lui. Le marchand d'esclave. C'est ce qui me semble le plus plausible, même si on n'a toujours aucune preuve contre lui. Il exerce un métier peu recommandable. Pour pouvoir continuer, il doit parfois procéder à l'élimination de certains obstacles qui pourraient perturber une transaction. Il a dû juger que tu risquais d'en devenir un. Le drow, lui, n'a pas ordonné ton exécution. Je suis sûr que tous les indices de ton enquête ont abouti à Boulden et que depuis la piste est sèche. Peut-être de temps en temps, un nouvel indice t'incite à rester et continuer à enquêter, sauf qu'après des débuts prometteurs tu piétines.

La Paysanne (La malédiction des joyaux - livre 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant