Deirane avait profité de la joute entre son amie et le bandit pour rejoindre sa nièce. Elle s'assit à côté d'elle sur le bras du fauteuil.
— Bonjour, dit-elle, tu sais qui je suis ?
La fillette fit un mouvement de la tête qui hésitait entre l'affirmation et la négation.
— Papy m'a parlé de vous, dit-elle, et papa aussi. Vous êtes la sœur de papa.
— Comment m'as-tu reconnue ?
Du doigt, elle désigna le rubis sur le front de Deirane. Logique, avec une telle marque l'identification était facile.
— Ton père t'a parlé de moi ? il t'a dit comment je m'appelle ?
— Deirane.
— Et toi tu es Cleindorel.
— Tout le monde m'appelle Clee.
Deirane était émue. Pour la première fois depuis vingt ans, elle rencontrait un membre de cette famille qu'elle avait été obligée de quitter. Elle resta un moment sans rien dire. Brusquement elle l'enlaça et la cajola. La fillette restait crispée, mais accepta l'étreinte que lui offrait son aînée.
Au bout d'un moment, Deirane reprit ses esprits. Elle reporta alors son attention sur Saalyn. La discussion qu'elle menait avec Stranis était animée. Elle vit cette légère crispation de la mâchoire qui indiquait que l'insouciance de la guerrière n'était que feinte. Elle jouait un rôle pour ne pas montrer son véritable état d'esprit. Mais sous son crâne, ça devait être la tempête.
— Je te rappelle que moi aussi j'étais prisonnier, disait l'homme, je suis une victime autant que toi.
— J'imagine à quel point tu as été malheureux quand on t'a forcé à abuser de moi.
— Je n'irai pas jusque-là. Au contraire.
— Heureuse de l'apprendre.
— Cette discussion est intéressante, intervint le drow, mais il est temps de passer à table.
Aussitôt, une porte s'ouvrit dans un mur. Elle donnait sur la salle à manger. Dedans des domestiques attendaient le bon vouloir de leur maître.
Deirane intervint alors.
— Un instant, dit-elle, tout le monde s'est présenté sauf une personne.
— Deirane a raison, continua Saalyn en se tournant vers le drow, notre hôte ne nous a pas dit son nom.
— Vous avez raison, répondit-il, je manque au devoir le plus élémentaire de l'hospitalité.
— Ce qui semble assez fréquent ce soir, remarqua innocemment Saalyn.
Un bref instant, Deirane pu voir l'éclair de fureur qui brilla dans le regard du drow. Il disparut si vite qu'elle douta l'avoir vu.
— Mon nom vous est certainement connu, dit-il, si les renseignements helarieal sont à la hauteur de leur réputation. Mais au cas où je les aurais surestimés, je m'appelle Lergerin Aldower. Je suis né, ou plus exactement j'ai été conçu, puisque tel est le terme exact dans mon cas, il y a quatre-vingt-sept ans par les Feythas. Je suis un originel, à ma naissance je n'avais qu'un matricule, le 19-1-28n, avant de me choisir un nom. Je n'ai aucun ancêtre de ma race. Mes ancêtres réels si j'ai bien compris étaient plus primitifs que les humains. Les feythas dans leur grande sagesse m'ont amélioré pour donner l'être parfait que je suis aujourd'hui.
— Parfait ? releva Saalyn.
— Mon peuple a été le dernier à avoir été créé. Il est par essence supérieur aux autres. Ceux qui nous ont précédés ne sont que des essais. C'est pour cela que nous sommes si peu nombreux. Ils n'ont pas eu le temps d'achever leur œuvre avant d'être assassinés.

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La Paysanne (La malédiction des joyaux - livre 1)
FantasiaCela fait quatre-vingts ans que les tyrans ont été vaincus, laissant un monde en ruine aux pluies mortelles. Ces dernières années, la chronique a été défrayée par Deirane, la belle paysanne devenue reine. Mais elle ne fait plus parler d'elle depuis...