Il s'engagea dans un couloir qui, bien que rénové, était dépourvu de décoration. Prenant une torche, il descendit plusieurs volées de marches. À chaque tour du colimaçon, l'humidité des lieux augmentait. Bientôt, elle se mit à suinter des murs. Il poussa une porte et pénétra dans une petite pièce. D'un côté elle donnait sur un long couloir donnant accès aux geôles du château. Le drow s'en désintéressa. Il passa une dernière porte et se retrouva dans une salle circulaire, immense, sombre parce que dépourvue de fenêtre et haute de plafond. L'aménagement de l'endroit donnait clairement sa fonction : brasero, chevalet, brodequins, une vierge de fer, des poulies au plafond, ne laissaient aucune ambiguïté. Et sa taille en disait long sur l'importance que son constructeur accordait à cette activité. Tous ces appareils diaboliques avaient été cependant repoussés dans un coin, le châtelain actuel n'en avait pas l'usage. Il n'avait gardé qu'un cadre en bois, duquel pendaient quelques courtes chaînes pour le moment vides de captif.
Il s'approcha du mur. De sa torche, il alluma la lampe à huile posée dans une niche. Un ingénieux système, dont il était le concepteur, communiqua la flamme à toute une série de lampes – la plupart situées sur une corniche à mi-hauteur du plafond – répandant une lueur intense dans la salle. Les lieux étaient maintenant brillamment éclairés.
Dans le sol, un anneau avait été scellé. De cet anneau partait une chaîne. Et au bout de la chaîne, une jeune fille était retenue prisonnière par la cheville. Pour le moment, elle semblait dormir. Le drow savait que ce n'était pas le cas. Elle faisait semblant, espérant qu'il partirait sans s'occuper d'elle. Faire le mort, une tactique employée dans la nature par les faibles pour échapper aux prédateurs. Avec un certain succès il faut dire, car les carnivores se méfiaient souvent des proies mortes apparemment sans blessures visibles. Sauf qu'il n'était pas un prédateur ordinaire, il n'était pas là pour se nourrir et cette tactique était inutile.
Les yeux mi-clos, Deirane surveillait son ravisseur. Elle était terrorisée et osait à peine respirer. Le drow se dirigea vers elle. Il s'accroupit juste à hauteur de son visage. Le cœur de la jeune fille rata un battement. Elle attendait qu'il s'en aille, mais il ne semblait pas décidé à le faire. Une douleur fulgurante lui vrilla soudain la cuisse. Paniquée, elle se mit à quatre pattes et tenta de s'enfuir aussi loin que le lui permettait la chaîne.
Le drow avait un sourire satisfait. Plus question de faire la morte maintenant. Il avait réussi à déclencher une panique qui allait la submerger et en faire sa chose. Il marcha jusqu'à une table sur laquelle étaient posés quelques instruments. Il y prit un carré de tissu et une bouteille d'hydromel marin, un alcool trop fort pour être consommé pur, et revint vers Deirane. Il nettoya son couteau avec la robe de la paysanne avant de le rengainer. Avec le tissu imbibé d'alcool, il essuya la goutte de sang. L'entrave empêcha la prisonnière de retirer sa jambe pendant qu'il la soignait.
Deirane suppliait le drow, implorait sa pitié. Ce dernier y portait à peine attention. Il connaissait les langues des humains, il les estimait indignes de lui et ne les employait que contraint et forcé. Comme il ne semblait pas réagir à ses paroles, elle reprit ses supplications en helariamen. Cela éveilla l'intérêt du seigneur. Elle était bilingue. S'il y avait réfléchi, cela ne l'aurait pas surpris, l'helariamen était la lingua franca commerciale du continent, Sernos compris. Et si son helariamen était hésitant et truffé de fautes, il était compréhensible.
Le drow tira sa chaise juste devant la prisonnière. Il s'assit, l'air pensif. Il la détaillait, cherchant ce qu'il allait bien faire d'elle. Devant l'immobilité de son ravisseur, Deirane arrêta de parler. Elle le dévisagea à son tour.
Il prit sa décision. Brutalement, il se leva, repoussa sa chaise. Puis prenant Deirane par le bras, il la releva. Elle se mit à hurler de terreur. Sans grand effort, il l'entraîna vers la potence. La longueur de la chaîne était suffisante, il n'eut pas à la détacher. Ignorant les coups de pied et de poing qu'elle lui donnait de sa main libre, il lui entrava le poignet. Se reculant juste un peu quand elle essaya de le mordre, il s'empara de son autre main et l'attacha à son tour. Puis il s'occupa des chevilles. Il dut s'y reprendre à plusieurs fois tant elle se débattait, malgré tout il finit par y arriver. Totalement immobilisée, elle forçait sur ses entraves pour tenter de se dégager, en vain.

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La Paysanne (La malédiction des joyaux - livre 1)
FantasíaCela fait quatre-vingts ans que les tyrans ont été vaincus, laissant un monde en ruine aux pluies mortelles. Ces dernières années, la chronique a été défrayée par Deirane, la belle paysanne devenue reine. Mais elle ne fait plus parler d'elle depuis...