Chapitre 13 : Gué d'Alcyan, vingt ans plus tôt. (2/2)

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Cleriance qui avait fini sa viande reprit la discussion.

— À propos, comment avez-vous rencontré Jalia ? demanda-t-elle.

— Ça remonte à une vingtaine d'années environ, répéta-t-il, vingt-deux ans exactement. Les royaumes qui avaient intégré l'Union des Frères de la Mer avaient décidé de rendre leur lien encore plus étroit en se dotant d'une structure politique commune, en particulier d'un conseil. Le lieu choisi a été Kushan. À l'époque, j'étais sous-lieutenant, ma garnison a été affectée à la surveillance du conseil. La chambre du conseil a été aménagée dans une aile du palais du gouverneur de Kushan. Jalia est la fille du gouverneur. Sa curiosité l'a poussée à voir ce qui se passait. Elle était prudente au début, mais elle s'est vite habituée à tous ces gens nobles qui s'y réunissaient. Néanmoins, malgré notre proximité, nous aurions pu passer l'un à côté de l'autre sans un hasard extraordinaire. Ma sœur Calen faisait partie des délégués de l'Helaria. Et dans la salle de loisir, elle a rencontré Jalia. Deux handicapées comme elles ne pouvaient que se lier d'amitié. Et Calen me l'a présentée un jour. Dès que je l'ai vue, j'ai su que c'était-elle.

Il leva la tête vers l'escalier qui menait à la chambre où elle dormait.

— Votre sœur est simple d'esprit aussi ? demanda Jensen.

— Bien au contraire, Calen est la Bibliothécaire d'Helaria à Jimip.

Le nom de cette femme, presque aussi connu que celui des pentarques, laissa les convives muets d'étonnement.

— Quand vous parliez de Calen, dit enfin Cleriance, j'étais loin de penser qu'il s'agissait de cette Calen là.

Le visage des autres exprimait également la surprise de découvrir que Festor était proche de tant de beau monde.

Profitant du silence, Daisuren se leva, mettant fin à la discussion.

— Nous avons du travail demain, dit-elle, nous devrions aller nous coucher.

— Tout doux femme, intervint Jensen, nous avons un invité.

— Fais ce que tu veux, ce n'est pas ça qui réparera les vitres cassées dans la serre. Moi je vais dormir. Elhrine, Deirane, vous rangez tout.

Elle quitta la table. Jensen la suivit des yeux, l'air contrarié.

— Elle n'a pas tort, dit Festor, la journée a été fatigante à voyager. Je vais aller rejoindre Jalia. Demain, nous verrons pour ces vitres.

— Vous vous y connaissez en serres ?

— Dans un monde où une pluie peut tuer, il vaut mieux savoir réparer les fuites.

— Êtes-vous sûr que c'est une bonne idée de dormir avec votre compagne ? intervint Cleriance. Elle est gravement blessée.

— Je préfère que si elle se réveille, elle ne se retrouve pas seule dans un lieu inconnu. Je dormirai par terre – en tant que militaire j'ai l'habitude – dans sa chambre.

— Vous avez peut-être raison, je vais vous donner une couverture.

Il monta à l'étage pendant que ses deux cadettes nettoyaient la vaisselle. La jeune femme se laissa enlacer par son mari. Derrière lui, il l'entendit demander :

— Tu ne m'as jamais écrit de poèmes pour me séduire.

— Je n'avais pas de pentarque pour m'aider, répliqua-t-il.

— C'est vrai. Tu es tout excusé.

Il cessa d'entendre leur voix. Un bref coup d'œil par-dessus son épaule lui permit de les voir en train de s'embrasser. Cleriance le remarqua. Elle s'écarta de son mari et suivit le stoltzen, l'air d'une adolescente prise en faute sur le visage.

La Paysanne (La malédiction des joyaux - livre 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant