— Il y en a marre ! Il faut que ça cesse ! Ça ne peut plus durer !
L'ambassadeur d'Helaria rentrait d'une petite visite d'agrément dans la ville quand l'éclat le surpris dans ses réflexions. La voix était parfaitement reconnaissable. C'était celle de la cuisinière de la caserne. Son ton qui descendait bas dans les graves la rendait plus coléreuse qu'elle n'y paraissait. La plupart des gens étaient surpris de découvrir que cette voix de basse appartenait à une stoltzin blonde et mince à l'allure séduisante et pas à un adjudant chef au féminin. Cela n'avait rien d'anormal. La cantinière était un soldat comme les autres. Elle était affectée à la garnison actuellement en poste à l'ambassade, partait en campagne avec elle, s'entraînait et se battait dans ses rangs. Elle était d'ailleurs très habile avec son arc.
La raison de son énervement était connue. La même depuis plus de douze jours. Il alla quand même aux nouvelles.
Les soldats qui n'étaient pas de garde profitaient du beau temps pour s'entraîner à l'épée. Ils avaient adopté une tenue décontractée, torse nu, ou avec juste une bande autour des seins pour les femmes, sans rapport avec un uniforme. Ils paradaient, ils exhibaient leur talent et leurs avantages physiques pour la galerie. Il en résultait une escrime peu orthodoxe où les coups spectaculaires dominaient par rapport aux feintes efficaces.
Tout autour, installés sur les bancs disposés le long des murs, assis par terre ou debout, seuls ou en petits groupes, quelques individus désœuvrés les regardaient. La plupart étaient là pour le plaisir. Certains regards laissaient cependant supposer que tel spectateur n'était pas indifférent au charme d'un combattant. En traversant la cour, l'ambassadeur en profita pour jeter un bref coup d'œil à une épéiste débutante à la silhouette avenante.
En le voyant arriver, la cantinière se campa sur ses jambes, les mains sur les hanches.
— Alors, commença-t-il, que vous a-t-on volé aujourd'hui ?
— Un pain de viande, s'écria-t-elle, volé ici, dans ma cuisine. Je l'avais posé sur la table hier soir.
L'air outré, elle désignait la table derrière elle sur laquelle s'alignait une trentaine de pains similaires. Largement de quoi nourrir les six douzaines de soldats stationnées dans l'ambassade.
— La disparition de ce pain est-elle si grave ? Je peux faire venir des victuailles des cuisines de l'ambassade si vous êtes en manque.
— Ce n'est pas le problème, lança-t-elle, j'ai largement assez pour tous mes hommes. Mais c'est le principe. Quelqu'un est entré et m'a volé. Et ce n'est pas la première fois.
Les éclats de voix de la cantinière étaient presque quotidiens en effet. Un moment, Tresej se demanda quand un autre volontaire allait se charger de nourrir les soldats pour qu'elle puisse reprendre son entraînement. Peu probable, elle cuisinait vraiment très bien. Certaines personnes, qui avaient pourtant droit à la luxueuse table de l'ambassade s'éclipsaient pour rejoindre la caserne et se régaler des bons petits plats qu'elle préparait. Quant à espérer que sa garnison soit relevée dans un futur proche, il avait peu d'espoir. Il était dur de trouver des volontaires qui acceptaient de quitter l'Helaria, ses plages de sable doré, sa mer, son climat tropical, sa douceur de vivre. Les avantages que procurait l'ambassade à ses habitants et le fait d'habiter la plus grande ville du monde ne faisait pas le poids en comparaison.
— L'enquête sur ces vols est en cours, mais le voleur est habile. Et l'ambassade est grande. Il faut du temps pour tout fouiller.
— Eh bien accélérez le rythme, vous avez là soixante-douze soldats qui ne font rien d'autre que de faire joujou avec leur épée et d'exhiber leurs muscles.

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La Paysanne (La malédiction des joyaux - livre 1)
FantasíaCela fait quatre-vingts ans que les tyrans ont été vaincus, laissant un monde en ruine aux pluies mortelles. Ces dernières années, la chronique a été défrayée par Deirane, la belle paysanne devenue reine. Mais elle ne fait plus parler d'elle depuis...