Conclusion

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Deirane somnolait dans sa cabine. La frénésie des jours précédents avait épuisé ses réserves. Maintenant qu'elle n'avait plus rien à faire, elle se sentait vidée, incapable d'accomplir quoi que ce soit, même dormir. Elle attendait le retour d'Hester avec impatience, mais elle ne pouvait pas lui en vouloir de s'attarder dans cette nouvelle famille qu'il venait juste de découvrir. Saalyn aussi d'ailleurs, elle devait être curieuse de connaître ce pan du passé de l'ancienne reine. Elle était repartie en compagnie de Vespef pour arrêter l'ambassadeur d'Yrian, pour prendre un peu de bon temps aussi.

D'ici quelques jours les choses seraient différentes. Vespef avait décidé de passer outre aux ordres de son frère et de rentrer. Deirane comptait en profiter pour utiliser le navire comme moyen de transport pour retourner à Sernos et de là, rejoindre le Chabawck pour faire son rapport. Hester resterait en arrière, il avait sa propre vie à mener, une compagne qui se languissait de sa présence. La date de leurs retrouvailles était déjà choisie. Le temps passerait vite, les bawcks avaient beaucoup de travail pour elle, elle n'aurait pas le temps de s'ennuyer.

Un coup frappé à la porte la tira de sa rêverie. Elle reconnaissait la façon d'Hester. « Tiens, pensa-t-elle, il revient bien vite. » Elle ôta sa chemise de nuit et enfila une robe plus habillée. Les coups furent répétés, plus insistants lui sembla-t-il.

Elle ouvrit la porte. C'était bien Hester. Mais il n'était pas seul. L'homme qui l'accompagnait était vieux bien qu'encore solide. En voyant Deirane, il s'immobilisa, incapable de faire un geste de plus. Deirane était paralysée, incapable de prononcer un mot. Sans sa main qui reposait sur la poignée de la porte, elle serait tombée. Hester dut le comprendre, car il lui prit le bras. Elle laissa la poigne solide la soutenir, elle ne pouvait s'empêcher de trembler comme une feuille tant elle était profondément troublée.

Celui qui se tenait devant elle n'était autre que Jensen, son père.

Il fallut quelques instants à Deirane pour qu'elle se reprenne. Elle se dégagea de l'étreinte de son fils, puis reposa la main sur son épaule. Elle avait besoin de sa présence, de son contact, pour la soutenir.

— Bonjour papa, dit-elle d'une toute petite voix.

— Dès que j'ai appris qu'un navire helarieal était au village et que tu étais dessus, je suis venu, dit-il. Ce jeune homme, ton fils, mon petit-fils, m'a amené jusqu'ici.

Sa voix avait vieilli, elle était devenue rauque avec l'âge, pourtant c'était bien la sienne. L'entendre troubla la femme plus qu'elle n'aurait cru, elle raffermit sa prise sur son fils.

— Tu es devenue une bien belle femme en grandissant, continua-t-il.

— Merci.

— Je suis venu te chercher, puisque tu n'as pas su retourner seule chez toi.

Bizarrement, le ton de reproche dans la voix lui rendit son courage. Elle s'était battu toute sa vie, ce n'était qu'un autre combat, sauf que dans celui-là, il n'y aurait que des vainqueurs. Elle reconnut en son for intérieur que le reproche était léger.

Deirane invita son père à entrer. Il hésita un instant avant de passer le seuil. Hester allait le suivre, elle le regarda fixement dans les yeux jusqu'à qu'il comprenne – ce qui fut assez rapide – qu'il devait les laisser seuls. Elle referma la porte derrière elle et se tourna vers son père. De la main, elle lui désigna une chaise qu'il déclina.

— Tu es revenu pour me passer un savon.

— Non, excuse-moi. Nous n'allons pas nous disputer alors que nous ne nous sommes pas vus depuis si longtemps.

Il eut un sourire.

— D'un autre côté, tu n'aurais jamais osé me tenir tête quand tu étais petite. Tu as pris de l'assurance et c'est très bien.

La Paysanne (La malédiction des joyaux - livre 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant