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Malgré le maigre espace entre mes paupières, je pus voir de nombreuses branches colorées émaner du vieux fauteuil. Elles étaient principalement violettes avec des stries dorées. Plus je les regardais, plus elles se mouvaient vers moi. Je ne fus pas spécialement contente et je voulus m'éloigner. Grâce à ma vision périphérique, je vis d'autres liens colorés se tendre vers moi. Je roulai pour m'en éloigner.

Ça avait un goût de déjà vu.

J'avais l'impression qu'on jouait du triangle et qu'une seule note de violon dans ma tête. Une note fausse évidemment. Ma colonne vertébrale me lançait des signaux importants comme par exemple « arrête de bouger ou tu auras un dos comme dans ton rêve. Cassé. » . Je décidai de l'ignorer, pensant qu'il serait préférable de mourir par ma faute plutôt que par quelque chose d'inconnu. Je regardai les branches de chaque couleur s'approcher de moi avec horreur. Alors que j'étais prise au piège entre le canapé et ces lignes tordus, mes yeux s'agrandirent sous la surprise : les flux foncèrent sur moi.

J'hurlai instantanément avant de me rendre compte que je n'avais pas mal. Par contre, le kaléidoscope de branches dans le salon détruisit ma vue. Je me relevai précipitamment , trébuchant une fois sur le tapis et marchai à reculons vers un mur. Mon dos claqua contre la paroi tandis que les différents flux continuèrent de se mouvoir, soit vers moi soit ailleurs. La bibliothèque diffusait continuellement des jets violets, comme tout les meubles de cette pièce en fait. Les flots de différentes couleurs, comme du doré, du noir ou même du bleu, provenaient tous du tapis. Ils sortaient tous de là puis ils se promenaient , traversant les meubles, traversant les murs, me traversant. C'était quoi ça ? J'hallucinais c'est ça ?

Je clignai des yeux et du liquide poisseux coula. A ce stade, je devais voir ce qui m'arrivait. Parce que je n'étais pas rassurée par ce que je voyais, je me mis raser les murs. Ce fut périlleux : des meubles se mirent en travers de mon chemin, des objets dont j'avais juré être à l'opposée de moi, tombèrent sur mes pieds. Je les évitais tous comme je pus, ne réfléchissant pas à l'illogisme de la situation. J'atteignis une porte et l'ouvris précipitamment pour me glisser dans le maigre espace. En refermant la porte derrière , j'appuyai mon front contre la porte : je méritais de sérieuses vacances.

Décidant que je devais trouver un miroir impérativement, je retournai enfin après cinq minutes de répit. Une masse noir, gluante et informe grouillait dans le couloir. Elle se mouvait, se précipitait, utilisait tout l'espace. Je glissai au sol, pris de désespoir. Cette masse, je l'avais déjà vu, et elle ne m'avait jamais - ô grand - jamais épargné. J'attendis longuement que vienne la douleur. Elle n'arriva jamais. La masse noir ne faisait que de remuer dans tous les sens , sans direction apparente. En y regardant de plus près, des flux coloraient le tas. Ils circulaient, traversant sans mal les murs, ma personne et la masse. Mes yeux me rappelèrent leur existence et je finis par être sur mes genoux et mes paumes. J'avançai lentement dans l'amas de magie, la fendant avec appréhension. Comme il ne se passait rien de vraiment violent, je me dirigeais vers la porte du fond.

L'appartement devait être comme le mien : un couloir centrale menant à toutes les pièces de l'habitat. Lorsque l'on rentrait, on devait trouver deux portes : le salon à droite et la cuisine à gauche. Plus loin, on avait soit une pièce et les toilettes, soit deux chambre. Si on se trouvait dans un appartement avec deux pièces, la salle d'eau contenait alors aussi les toilettes. Personnellement, j'étais assez contente de n'avoir qu'une seule chambre : je ne supportais pas d'avoir mes W-C dans ma salle de bain. Toujours était-il que chaque salle d'eau se trouvait au fond du couloir.

J'ouvris la porte avec difficulté – être à quatre pattes n'aidait pas –et je fus apaisée par ce que je voyais. Hors mis les quelques branches violettes ici et là, rien ne paraissait anormale. Je fis l'état des lieux en me relevant délicatement, n'oubliant pas les alertes que mon corps lançaient. Une simple douche à l'italienne, deux grands miroirs montés au dessus d'une vasque en céramique, des placards doré simple et des toilettes dans un petit coin. Je ne me sentais pas de fouiller cet endroit, alors j'allai vers le miroir.

Ush ROWTAG T1 : Monstres inattendusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant