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Tandis que je lui racontais mon histoire dans un format très concis en omettant tellement de détails que ça en devenait indécent, je constatai que quelque chose tirait en moi. C'était affreusement désagréable. Ce n'était pas physique puisque je me massais le torse à de nombreuses reprises et qu'il n'y avait aucun résultat. Je penchais donc plus pour une hypothèse qui incluait Kael et Ruben. Mais je ne pouvais pas regarder en moi alors que j'étais en territoire ennemi. Ils allaient devoir attendre.

La magie de la sorcière s'échappait lentement, m'effleurant, rampant sur moi. Immobile, je continuai de parler des choses qui pourraient la maintenir occupée pour analyser la situation. Je ne sus pas tout de suite qu'elle me faisait quelque chose volontairement mais au fil des secondes, j'arrivai à ouvrir parfaitement mon œil et mon poignet me fit moins souffrir. Ses doigts s'agitèrent au rythme de ma guérison. Je compris que je serais apte à me défendre pour les moments qui allaient suivre. A la fin de mon babillage inutile je la remerciai discrètement puis lui demandai comment s'était-elle fait prendre par l'Humanité.

- C'est vraiment nul comme histoire. J'ai assez honte, entama-t-elle. Tout ce que je voulais c'était m'amuser un peu. Je me croyais protégée parce qu'après tout je suis une sorcière n'est-ce pas ?

Elle semblait attendre que je fasse un commentaire désobligeant. Ce n'arrivait ni aujourd'hui ni demain. Je ne dis rien, la laissant poursuivre son récit.

- Certaines cheffes de maisons nous déconseillaient de sortir à cause d'une vieille prémonition, râla-t-elle. Pendant des années on s'était bien comporté avec certaines filles. Mais on était quand même sortie. Quelques fois. Tout le monde le savait et personne ne disait rien. Puis quelqu'un a balancé à une grande sorcière et on était censé recevoir une punition groupée.

A son discours, je remarquai que j'avais peut-être surestimé son âge. Elle ne devait pas avoir dépassé la majorité pour être autant en quête de liberté. Ou alors, la communauté des sorcières était vraiment démodée.

- Je me suis enfuie avant de recevoir la leçon. J'ai traîné longtemps et on a fini par m'accoster. Qu'est-ce qui aurait pu m'arriver de toute façon ? J'étais une bonne Alter en voie pour devenir une puissante sorcière. Ils ont commencé à m'embêter alors pour les effrayer, j'ai utilisé ma magie.

- Et ils ont compris que tu étais magique.

- Ils allaient le comprendre de toute façon, haussa des épaules Jinx. Ils n'étaient pas bêtes : je ne m'amusais pas avec les autres filles. D'autres hommes sont venus pour me « protéger ». Ils m'ont escorté jusqu'à un certain point et m'ont mis dans ce trou à rat alors que je m'étais évanouie. Je me suis faite avoir comme un bleu.

- Tu as juste été un peu arrogante, rien de grave.

- Pas la peine de me prendre de haut. Moi, au moins, je leur sers à autre chose qu'à être un tapis, souligna-t-elle.

Je clignai de l'œil. Ce n'était pas mon intention et... Elle n'était... définitivement pas ce à quoi je m'attendais.

- C'est d'ailleurs grâce à moi que tu es en aussi bon état, se venta-t-elle. Tu devrais me remercier au lieu de me faire des reproches cachés.

Dans l'hôpital où j'avais passé un séjour prolongé, j'avais connu une personne victime de violence verbale et physique de la part de sa famille. Au départ, on estimait qu'elle était une pauvre petite fille fragile et sans défense, puis dès lors qu'on l'approchait, elle nous jetait au visage tout ce qu'elle estimait être une faiblesse à ses yeux. Cette violence verbale cachait un manque de confiance en soi. Ça avait pris un temps fou aux médecins pour la comprendre.

J'avais en face de moi le même genre de comportement.

- Pourquoi m'avoir soigné d'ailleurs ?

Ush ROWTAG T1 : Monstres inattendusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant