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Je n'étais pas dans mon corps. Je flottais quelque part et je me sentais affreusement vide. Si mourir revenait à n'être qu'une conscience qui vaguait dans le néant, je refusais de mourir. En fait, je refusais parce que j'avais des choses à faire. Libérer une sorcière, trouver les coupables de la mort de la mère du petit Théo et des autres victimes, de les traîner en justice, trouver les coupables des meurtres des enfants Alters, empêcher un démon de continuer à insuffler de la haine ainsi qu'une guerre de commencer. Et puis... Je devais aussi pleurer ma séparation de La Taverne, la mort de la vieille sorcière, la destruction de mon appartement, les changements dans mon environnement et mon corps. Je devais pouvoir être libre d'être effrayée par le futur et la magie, je devais pouvoir hurler mon incompréhension face au monde. J'étais une femme dé-bor-dée qui n'avait pas le temps pour la mort.

Alors que je m'apprêtais à hurler à l'injustice dans cet endroit vide de tout, une présence oppressante s'installa. Elle occupa tout l'espace me rendant presque claustrophobe. L'impression qu'elle s'installa sur ma poitrine était dérangeante. Je n'avais pas de corps et pourtant je ressentais. Je voulus bouger mais un souffle m'en empêcha. Je me figeai comme la proie que j'étais. J'attendis. Où étais-je ? Qui était-ce ?

- Cela fait longtemps mon enfant.

La voix venait de partout et de nulle part en même temps. Elle était éthérée. Comme si elle ne venait pas d'ici, pas de ce monde. C'était comme si ce n'était pas sa voix. Je ressentis la même sensation que lorsque j'avais passé une nuit horrible. A bien y réfléchir, je n'avais pas passé de bonne nuit depuis un moment.

- Que fais-tu chez moi, mon ami ?

Je ne répondis pas. Je ne savais pas comment faire. C'était affreux. Je n'avais pas de bouche, pas de gorge, pas de voix. Je ne pouvais que penser : j'étais qu'une conscience. J'étais morte.

Morte. Morte.

Je ne voulais pas mourir. Je devais vivre.

J'observai mon environnement à la recherche d'une aide : je voulais faire comprendre à mon ami que je n'étais plus entière. C'était étrange. Je n'avais pas de yeux pour voir mais ma conscience vit. Je vis ces deux pupilles magiques. Elles étaient très éloignées l'une de l'autre, l'être devait être immense. Elles étaient fendues et lorsque les paumières s'abaissèrent, je fus surprise. Ses yeux possédaient des paumières de reptiles : deux couches, deux mouvements en plus. Ses pupille se posèrent sur moi, en tout cas, là où je pensais être.

- Ce n'est pas ton heure mon ami. Pourquoi ne te réveilles-tu pas ?

Me réveiller ? Le souffle m'emporta.

J'inspirai brusquement. L'air traversa mes poumons endommagés. J'en fus tellement reconnaissante que j'ignorai la douleur dans ma poitrine. J'expirai et essayai de sentir mon environnement. Pour une raison que j'ignorasse, mes paupières ne voulaient pas se soulever. Je laissais mes autres sens travailler.

Mon toucher m'apprit que j'étais allongée sur un sol irrégulier. Il faisait froid. J'étais nue ou presque. J'empêchai le passé de surgir : je n'étais plus une enfant, je savais me défendre. J'esquissai un mouvement mais un éclair traversa mon corps. Il semblerait qu'ils m'aient frappé avec envie.

Je compris grâce à mon odorat que j'étais dans une pièce qui puait la peur, l'oubli, la souffrance. De l'urine, du sang et des larmes. Beaucoup des deux derniers. J'étais dans une cellule de prisonnier. Que l'Humanité ait une telle pièce m'inquiétait. Cela voulait dire que quelque part, sur l'île ou ailleurs, les membres de cette organisation s'occupaient des membres dissidents, retenaient prisonniers des enfants et des adultes, les torturaient peut-être, les tuaient sûrement. Je priai pour qu'il ne soit pas question d'expérience sur les êtres magiques aussi.

Ush ROWTAG T1 : Monstres inattendusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant