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Je mis trop de force dans mes jambes. La rambarde rencontra mon estomac, mes jambes pendirent dans le vide, mon essuie ne se détacha pas de ma maigre poitrine par je ne savais quel miracle. J'étouffai un grognement : la gravité et une rambarde ne faisaient définitivement pas bon marché. Je glissai lentement dans le balcon priant pour que personne ne me voit. Après tout j'entrais par effraction. Je me précipitai dans le trou de la vitre.

Je fus heureuse de voir une pièce sans couleur, sans magie, sans problème. Vive la normalité. Puis je clignai les yeux et retins un soupir. Du violet remplissait la chambre de mamie Belevitch et ce n'était pas dû aux meubles. Ma tête tourna : je baignais dans la vieille et puissante magie de la sorcière. Les flux, qui pouvaient presque former une masse, me traversèrent. Je sentis la force dans ces résidus de madame Belevitch et je me sentis oppresser.

J'observai avec difficulté mon environnement ; je ne savais pas à quoi je m'attendais mais sûrement pas à ça. Voilà une chambre des plus normales. Incrustés dans le mur à ma droite, une bibliothèque et un dressing prenaient peu de place. La collection de livres de la défunte sorcière était impressionnante, mais je doutais qu'elle soit complète. Face à moi, à côté de la porte, loin de la bibliothèque se tenaient trois miroirs sur pied. L'encadrement des miroirs étaient originaux et si je me concentrais je pouvais voir des inscriptions dessus. Ils ne reflétaient rien. Pas même le lit simple dont la tête était à ma gauche, ni le tapis noir, ni Kael qui était étendu sur le dis tapis.

Il ne bougeait pas. Pas un mouvement de poitrail, pas un jappement. Je n'entendis pas non plus de sifflement alors que Ruben était enroulé sur lui-même sur le second tapis noir. Je ne savais pas si la magie y était pour quelque chose mais le contraire ne m'étonnerait pas. Je n'arrivais pas à me précipiter vers eux : j'étais plus qu'amorphe . Les verres des miroirs se mirent alors à onduler.

Une image se forma dans les verres. Devant moi se trouvait madame Belevitch. L'image regarda à droite, à gauche et s'arrêta sur moi. Le visage s'illumina et une voix éthérée s'éleva.

- Ushma mon enfant ! Quel plaisir de te voir. Approche donc que je puisse mieux te voir.

Oh mamie, que tu as de grands yeux. C'est pour mieux te voir mon enfant.

Je ne réagis pas. Je ne savais pas comment le faire. Elle était morte après tout. Que faisait-elle dans un miroir ? Est-ce elle d'ailleurs ? L'image fonça les sourcils, se rapprocha comme si Asda Belevitch s'était penché. Dans mon souvenir, elle me paraissait vieille. Finis les rides de vieillesse, les yeux sages, la douceur d'une grand-mère. Seuls subsistait la chevelure blanche, les yeux anciens, et le sourire. Elle semblait plus jeune. Plus à même d'être une combattante, une sorcière. Une alter-humaine.

Je n'avais pas le temps de me préoccuper d'une hallucination – Asda Belevitch était morte. Je me dirigeai vers le dressing, prête à voler les affaires d'une défunte pour partir rapidement. Que c'était glauque. Mais je ne comptais pas sortir de cet appartement, vêtue de mon simple apparat.

- Ushma Rowtag. Ce n'est pas polie de ne pas retourner une politesse.

- Ce n'est pas polie de revenir d'entre les morts non plus, fis-je plus cassante que prévue.

- Oh mon enfant. Rapproche toi donc. Je suis venue pour discuter avec toi.

Je ne l'écoutai pas. Je ne le voulais pas de toute façon. Elle m'avait menti une fois, elle pouvait bien le refaire. Et puis... Elle était morte.

La voix s'éleva plus forte, plus furieuse, plus réelle.

- Ushma. Ne m'oblige pas à te forcer.

Je me dirigeai furieuse vers les miroirs. Elle avait réussi à m'obliger à venir. Je regardais les mêmes visages dans les miroirs. Je voulais me fâcher, m'énerver, la haïr. Mais je ne pus pas. Elle était là, devant moi, et elle avait disparu. Rien n'allait plus jamais être pareil.

Ush ROWTAG T1 : Monstres inattendusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant