11.1

70 10 19
                                    

L'eau chaude massait mes épaules et je poussai un petit son de contentement. Je méritais plus que tout ce moment de bien-être. Un long sifflement me répondit, très vite suivit par de petits jappements. J'avais essayé de les laisser derrière la porte de la salle de bain mais j'avais eu droit à une cacophonie de complaintes. J'avais fini par céder : j'aimais l'état actuel de mes oreilles.

Ruben avait grimpé sur le meuble beige où siégeait tout ce qui était du tissu. Au sommet, enroulé sur lui-même, il avait fait balancer sa queue au rythme de mon éveil. Je le soupçonnais d'avoir trop traîné avec des renards pour avoir ce genre d'habitude. Kael, quant à lui s'était juste allongé devant la douche, presque somnolent. Les liens qui m'unissaient à eux m'indiquèrent qu'ils étaient heureux et qu'ils se sentaient bien. Et ce malgré le fait que j'eus posé un sort de reconnaissance. J'avais dû pomper leur énergie pour rester debout après tout.

Il était relativement tôt compte tenu du fait que l'on s'était écroulé après deux heures du matin. Le soleil avait à peine commencé à traverser mes rideaux que mon corps s'était activé de lui-même. Lorsque j'avais émergé, vraiment émergé, je m'étais rendue compte que j'étais assise dans mon lit. En regardant ma chambre, pour comprendre pourquoi je n'étais pas en train de récupérer, j'avais vu le grimoire de mamie Belevitch sur mon lit. J'avais compris que je n'allais vraiment pas aimer les objets magiques qui se déplaçaient. Ma vision magique s'était activée lorsque j'avais soupçonné le livre d'avoir utilisé de la magie pour me réveiller. J'avais eu raison.

Du coup, je m'offrais un moment de sérénité.

J'entendis comme un petit ronronnement. C'était totalement différent bien sûr, mais le sifflement régulier de Ruben m'induisait en erreur. J'étais totalement fascinée par le fait d'être liée à ces métamorphes. Je n'étais pas magique après tout. Nous formions une petite meute tout ce qu'il y avait de plus atypique.

Et qui dit meute, dit alpha.

Je fronçai les sourcils et arrêtai mes gestes. Je n'avais pas réfléchi à ce fait. Qui était l'alpha dans notre groupe ? Ça ne pouvait pas être moi, j'étais humaine et je n'avais aucune autorité. Et je n'avais aucune vocation à dominer quiconque. Restait donc Ruben et Kael. Je n'arrivais pas à me décider. Ni l'un ni l'autre ne semblait dominer. Peut-être n'est-ce pas une question de domination mais une question de sagesse ? D'âge ? Qui était le plus vieux des deux ?

Je ne savais rien d'eux...

Passant la tête derrière mon rideau de bain pourpre, j'interpellai mes compagnons pour avoir une réponse à ma question existentielle. Ruben ne tourna que sa tête vers moi en sortant la langue, Kael lui ne fis que bouger ses oreilles.

- Dites-moi, nous sommes bien une meute ? Alors, qui est l'alpha entre vous deux ?

Je jurai voir Ruben sourire alors que c'était physiologiquement impossible. Kael s'assit pour se tourner vers moi. Il avait les yeux qui pétillaient, le sourire aux babines, la queue dansante. J'alternai mon regard entre les métamorphes et compris avec horreur pourquoi ils étaient encore plus heureux soudainement. Oh seigneur, pitié.

- Ah non. Non. Non et non. Vous faites erreur. Il en est hors de question. Mais. Arrêtez d'être contents ! Je ne le serais pas. Vous pouvez toujours rêver. Non. Arrêtez de sourire.

Quelle hypocrite je faisais : je retenais à peine le coin de mes lèvres de se relever.

Sifflements longs, rieurs et contents, sautillements moqueurs et joyeux. Je me cachai derrière le rideau et en profitai pour finir ma toilette en attrapant ma douce serviette de bain bleu océan.

- Ayez au moins la gentillesse d'éprouver de la compassion pour moi, marmonnai-je. Mais comment une chose pareille peut-elle être pos- ?

Une douleur atroce traversa mon dos. Je paniquai, non pas parce que j'avais l'impression qu'une de mes cicatrices s'était ouverte mais parce qu'elle annonçait rien de bon cette douleur.

Le sort de reconnaissance permettait d'identifier les personnes qui entraient dans le périmètre demandé et prévenait lorsque qu'un certain type d'individu préalablement choisi traversait la barrière. En somme, c'était presque comme une caméra de surveillance sauf que le sort était immatériel, utilisait de la magie pour détecter les passants dans le périmètre, et ne pouvait pas être détourné. Malheureusement, un sort demandais de la puissance – magique. Or j'en étais dépourvue. Je dus marchander et pus puiser dans une douleur ancienne qui avait causé beaucoup de douleur. J'avais sacrifié une de mes nombreuses cicatrices dans le dos sans rechigner. Lorsque des intrus s'invitaient dans le périmètre, le sort devait en plus tirer sur cette douleur pour prévenir le poseur.

Après qu'Alexis sois parti et que j'eus droit à un cours de magie donné par le livre de la vieille dame – il m'avait coûté cher ce cours –, j'avais réfléchi à l'endroit où je devais poser ce sort. Pas devant chez moi parce qu'il serait trop tard, ni sur le palier parce qu'il serait encore une fois trop tard. J'avais opté pour l'immeuble. La décision prise, l'immeuble entier avait alors été entouré d'une magie inoffensive. Les personnes non désirées que le sort devait détecter ? Des alter-humains.

Je savais que l'immeuble était entièrement composé d'humains – après tout je l'aurais vu s'il y avait eu une magie autre que celle présente dans l'appartement d'Asda Belevitch. Et puis, aucun alter-humain ne devrait venir ici. J'avais bien fait de poser ce sort parce qu'il semblerait qu'il y ait des visiteurs dans ce bâtiment. Des alter-humains ne pouvaient être là que pour moi. Mon instinct me soufflait qu'il s'agissait d'une manière ou d'une autre du vampire qui avait donné quelque chose à cet extrémiste d'Alain et que j'avais téléphoné par stupidité. Si seulement je m'étais tue.

Putain ! Je me douchais merde. Les emmerdes me tombaient dessus toujours au mauvais moment.

Il me restait trente secondes.

J'enroulai la serviette autour de moi et sortis rapidement de la salle de bain. Mes compagnons me suivirent de près.

Vingt secondes.

J'entrai dans ma chambre fermant la porte de derrière en priant pour qu'aucune goutte d'eau soit sur le sol. La fenêtre en face de moi donnait sur un balcon.

Quinze secondes.

J'ouvris et me glissai sur le balcon pied nu, et uniquement vêtue d'une serviette de bain. Il faisait froid putain.

Dix secondes.

Le balcon de l'appartement de madame Belevitch était sur ma droite. J'hésitai à m'y rendre. Les problèmes ? Une distance d'un mètre et une autre d'au moins trois étages.

BANG BANG BANG.

Merde, ils étaient déjà sur la porte d'entrée. Oui. Ils ne pouvaient qu'être plusieurs en faisant tout ce vacarme. Kael fusa le premier comprenant plus rapidement que moi quelle était notre unique solution, sauta d'une rambarde à l'autre, et brisa la vitre de l'habitat de feu ma voisine de son corps. Mon dieu.

La porte claqua.

Ruben s'élança avec agilité, utilisant sa longueur pour parvenir sans difficulté sur l'autre balcon. Il se glissa sans mal dans l'autre appartement. Oh putain, putain, putain. Je devais le faire aussi.

Des meubles se firent détruire.

Les secondes semblèrent soudainement s'allonger en heures maintenant que j'avais posé un pied sur la rambarde. Une main sur le mur, je me sentis trembler de partout.

J'étais presque nue, j'avais peu dormi et j'allais me jeter sur un autre balcon alors que le sol me semblait bien bas. C'était soit ça, soit je me faisais attraper. L'idée me paraissait encore moins réjouissante que ma situation actuelle.

Une porte claqua. Je n'avais plus le temps d'hésiter. J'inspirai.

Je pris mon élan et je sautai.

Ush ROWTAG T1 : Monstres inattendusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant