Chapitre 49

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Bien que l’extinction des feux ait été annoncée, Liam n’était pas couché. Il avait rendez-vous avec le Dr Martins demain matin, d’assez bonne heure d’ailleurs, mais qu’importait? Il s’en foutait bien d’être fatigué. Il devait écrire. Il avait ressentit un besoin impératif d’écrire, comme une envie soudaine dont il ne pouvait se débarrasser.  À 11 heures un mercredi soir, c’est tout ce qui comptait pour le jeune homme. Dormir? Ça peut attendre.

Il posa pied sur le sol froid et sortit hors de son lit. Il tira sa chaise avant de s’y asseoir, sortant le matériel nécessaire à sa composition.

Il alluma sa petite lampe de travaille, maintenant penché au-dessus de son bureau. Il jouait avec son stylo plus qu’il écrivait, cherchant les bons mots. «Qu’aimeriez-vous faire lorsque vous sortirez?» Cette question ne cessait de le hanter depuis maintenant une semaine.

         Finalement, il se décida. Il écrivit ce qu’il n’a pu dire. Car, parfois, les mots servent à refléter notre âme, une partie prolongée que l’on empêche d’exister par peur d’être blessé.

«Hey, mon cœur…                                                              

 

J’ai pensé à toi toute la semaine. Tu sais pourquoi? Parce que je ne cesse de réfléchir et, à chaque fois, une image de toi me vient en tête. J’essaie de trouver une réponse à la question que le Dr Martins m’a posée, mais c’est difficile. Mon avenir, je l’imaginais avec toi. Maintenant, tu n’es plus là. On dirait que tout s’est écroulé autour de moi. La gravité s’est volatilisée et tout est retombé. Je me suis crashé. Je me suis écrasé au sol. Tu m’as maintenue en l’air tout ce temps, Lexie. Lorsque tu es partie, je suis retombée au sol. Face contre terre. Je me suis presque cassé le nez. Mon monde a été déstabilisé, plus ébranlé que jamais.    

 

J’avais une vie avant toi, oui. Elle ne consistait qu’à frapper et à étudier, tu le sais bien. Je pourrais devenir coach ou entraîneur tu crois? Après tout, je m’y connais en matière de se défouler sur des sacs de sable, pas vrai? Je pourrais aider les gens à oublier leurs peines et leurs souffrances. Je pourrais les aider à passer par-dessus cette haine afin qu’ils puissent être heureux à nouveau. Je crois que j’aimerais bien faire ça.

 

Ceci dit, je vais devoir apprendre comment l’être moi-même avant de l’enseigner aux autres. Je vais devoir apprendre à vivre avec ton absence. Je vais devoir m’habituer à ce vide. Je vais devoir apprendre à fermer ce trou béant qui me perce la poitrine. Vivre, c’est mourir. Je croyais seulement que tu vivrais un peu plus longtemps. Vivre, c’est souffrir. J’espérais seulement avoir assez souffert pour en être exempté à présent. J’espérais te garder. J’espérais ne pas avoir à en arriver là.»

 

Tout à coup, un bruit le sortit de ses pensées. Il entendit des pas sur le sol métallique, mais il ne s’en soucia pas. Bien qu’il ait dépassé le couvre-feu, ce n’est pas si grave. Il ne cause pas de problèmes, alors ça changerait quoi? Il ne fait rien de mal, rien l’illégal. Il ne fait que délivrer ses états d’âmes dans des lettres que personne ne lira jamais. Parce qu’effectivement, personne ne les lira. Liam avait l’intention de les enterrer près de la tombe d’Alexia. Alexia, la seule qu’il aurait laissé lire. La seule qui aurait pu, la seule qu’il aurait voulue. Puisqu’elle ne peut pas, personne ne les lira. Ces lettres lui sont destinées à elle, elle et personne d’autre.

 

«Liam, qu’est-ce que tu fais?, demanda Sébastien, le gardien de nuit.

-J’écris.

-Tu écris à Alexia?

-Oui.

-Hm… En théorie, tu sais que je devrais te gronder et te forcer à te coucher, n’est-ce pas?

-Je sais, oui.

-Dis-moi, Liam… T’en as encore pour longtemps?

-Je ne crois pas, non.

- Alors, dans ce cas... Ne fait pas de bruit, d’accord?

-T’es sympa.

-Et ne te couche pas trop tard surtout!, lui recommanda-t-il à voix basse.»  

         Après l’avoir salué de la main, Sébastien a continué sa ronde. Liam s’est à nouveau penché au-dessus de son papier à lettre. Il a à nouveau secoué son stylo de gauche à droite. Il s’est relu avant de continuer là où il s’était arrêté, le cœur soudainement lourd. Lourd de remords. Lourd de regrets. Lourd de souffrances. Lourd de tout. Lourd de tout et de rien. Lourd de ce vide qui l’habite.

«Tu sais, si Sammy ne t’avais pas tirée dessus, je ne lui aurai pas tiré dessus en retour. Si Sammy n’avait pas agit en imbécile, vous serriez toujours en vie. Si je n’étais pas partie, peut-être que j’aurais pu éviter que ça n’arrive. Si j’étais resté, vous auriez pu être épargnés. C’est bien vrai qu’avec des ‘‘si’’, nous pourrions littéralement changer le monde. En tout cas, ça aurait pu changer le mien. 

 

         J’aimerais pouvoir remonter le temps et tout recommencer. J’aimerais pouvoir revivre notre histoire afin de faire mieux. J’aimerais pouvoir recommencer afin de m’améliorer. J’aurais probablement plus profité de ta présence si j’avais su que je te perdrais si tôt.

 

         À vrai dire, j’ai caché une partie de vérité au Dr Martins. Je ne regrette pas d’avoir assassiné ton frère, ça, non. Il faut dire qu’il le méritait. Je regrette seulement de t’avoir perdue. Je regrette de ne pas avoir été capable de te protéger et de t’épargner. Je devais veiller sur toi, Lexie! Comme tout le monde peut le constater, j’ai échoué. C’est la seule chose que je regrette.

 

         Combien de temps a-t-on besoin pour se remettre de ça? Combien de semaines ou de mois aurais-je besoin pour me remettre de toi? Est-ce que je vais t’oublier? Est-ce que, progressivement, s’effaceront mes souvenirs de toi? Vais-un un jour me réveiller le crâne vidé? J’aurai oublié l’odeur de ton parfum à la framboise? Je ne me souviendrai plus de notre première rencontre au gym? Je ne serai plus capable de dire de quelle couleur sont tes yeux? Ton visage s’effacera de ma mémoire, c’est ça? C’est ce qui va arriver lorsque je n’aurai plus mal face à ton départ?

 

         En fait, je crois que je préfère souffrir. La douleur sera là pour me rappeler que tu as existée. La douleur sera là pour me rappeler que je ne t’ai pas inventée. Elle sera là pour me rappeler que tu étais réel. Elle me rappellera à quel point je t’ai aimé, et à quel point j’ai lamentablement échoué en voulant te protéger.»

Don't Be Afraid. (Dark Liam)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant