❝𝐄𝐗𝐈𝐒𝐓𝐄𝐑 𝐀𝐔𝐓𝐑𝐄𝐌𝐄𝐍𝐓❞ ᵏᵒᵒᵏᵛ

I

Des pas larges et rapides résonnaient à travers les pleurs des cieux que même l'être humain ne pourrait comprendre. Éclaboussant, encore plus le sol, dans les flaques d'eaux jonchantes les ruelles, peu éclairées par les lampadaires dont certains grisaillaient, une ombre courait. Sa veste sur le haut du crâne, il slalomait entre les rues sous les éclairs déchirants le ciel toutes les deux secondes.

Il arriva à bout de souffle devant sa destination. Un immeuble. Plus en très bon état depuis la dernière fois qu'il l'avait vu, apparemment. La pancarte du bâtiment placée au dessus du préau de l'entrée penchait et toquait sous le souffle engagé du vent. La végétation montait sur les murs, bloquant ainsi certains volets du rez-de-chaussée. S'y mettant à l'abri, son index appuya sur l'une des dix sonnettes installées sur l'encadrement en béton pendant qu'il renfila sa veste.

— Oui ? Avait finalement répondu
une voix assez grave.

— C'est Jungkook. Ouvres avant que j'crève.

La porte se déverrouilla d'un clic une demi-seconde après. L'adulte s'empressa d'entrer et monta les marches de chênes deux par deux. Ces dernières craquaient sous chacun de ses pas répétés jusqu'au dernier étage. Il fit face à l'une des trois portes présentes et à peine eût-il le temps de prendre entre la paume de sa main la poignée, que cette dernière se tourna pour être tirée en arrière. Un jeune homme de son âge, mais plus petit en taille apparut. Par rapport à la dernière fois où les deux s'étaient vu, soit une semaine, ce dernier avait une nouvelle couleur de cheveux autre que son ancienne rose bonbon. Cette fois ci, ils étaient brun faisant ressortir son visage d'ange.

Un vrai, et pas un masque.

Enfin, presque.

Un immense rictus se dessina sur les deux êtres et se prirent dans les bras d'un mouvement jumeau. Sa tête couchée sur sa clavicule droite, il souffla.

— Putain Kook tu m'as tellement
manqué...

— J'suis rassuré de l'entendre. J'ai franchement été vexé de pas te voir à ma sortie.

Le plus jeune sourit dans son cou avant de le parsemer de baisers. La tête de Jungkook se releva un peu et une main passa dans la chevelure brune de l'autre. Il lâcha un soupire d'exaltation avant de le forcer à se retirer en reculant son buste, les deux mains maintenant sur ses hanches. Leurs regards se croisèrent.

— Tu joues à un jeu dangereux Jimin, là.

Un sourire malsain naît alors qu'il tâte du bout de ses fins doigts le t-shirt blanc mouillé, faisant ressortir ses abdos très bien marqués.

— J'aime le danger, au cas où tu l'aurais oublié.

Les deux amants se défièrent du regard pendant de longues secondes. Un regard provocateur. Un regard de félin devant sa proie. Jimin décolla ses deux lèvres pulpeuses pour s'exprimer mais fut coupé par celles de son interlocuteur. Leurs langues dansèrent de suite sur un son de soupires désireux.

Jungkook aimait Jimin. Oh que oui qu'il l'aimait. À en mourir depuis sept ans. Les deux jeunes hommes s'aimaient éperdument, malgré ces années de distance sans contact corporel. Et le fait qu'ils pratiquaient la même activité n'arrangeait rien.

-Enfin, c'est ce qu'il croyait.

Ce dernier s'avança, obligeant le plus petit à reculer à l'intérieur de l'appartement. Puis il ferma la porte d'un coup de pied.

La lumière du soleil matinal essayait de se frayer un chemin à travers les épais rideaux bleus presque noirs, pour venir se poser sur le visage endormi de Jungkook. Ce dernier émergea lentement et s'étira sous la couette d'hiver cyan. Ses muscles détendus, il laissa tomber ses membres sur le matelas et se décida d'ouvrir d'une extrême lenteur ses paupières. Un plafond neutre lui fit face avant qu'une de ses mains passe devant son visage pour venir se masser les yeux de son pouce et son index. Ses pieds vinrent se poser sur le sol et ses coudes sur ses genoux, tête baissée. Dur réveil. De son regard encore plissé de fatigue, il se retourna et observa Jimin dormir sur le flanc, dos à lui puis la petite pièce. Un simple bureau en bois, une commode devant lui et une armoire. Une chambre banale, quoi. Leur chambre banale.

Il se coucha sur ses cuisses afin de venir prendre dans le meuble rectangulaire un boxer pourpre propre. Après l'avoir enfiler, il traîna des pieds à l'extérieur de la pièce tout en se grattant le derrière de la tête. Il pénétra ensuite dans une autre face à la chambre. Une petite cuisine bien rangée et accueillante. Une table de bois foncé régnait en son milieu où était déposé deux sets de table rouges. Bizarre. Jimin vivait seul depuis quatre ans avant son retour. Mais Jungkook était dans son monde, trop loin pour penser à tout ça.

S'essayant sur ses pieds, il ouvrit le petit frigidaire à son niveau et chercha quelque chose à grignoter. Deux paquets de compotes, quelques tomates et carottes, ainsi que deux boîtes contenant des restes mais rien d'intéressant. Alors il abandonna et se redressa sur toute sa hauteur faisant craquer ses genoux. Son appétit coupé, il empoigna un paquet de cigarette sur le plan de travail en bois composé et en coinça une entre ses lèvres. Il prit ensuite un briquet décoré d'un éclair puis se rendit à la fenêtre. Après l'avoir ouverte, il s'accouda sur le rebord et craqua quelques flammes sous ses iris ténébreuses. Un nuage de fumée grisâtre sortit de sa bouche et il soupira de bien être. Son ami la nicotine l'avait réellement manqué.

Ce matin là, la ville était bruyante. Cinq enfants passèrent dans la rue humide de son logement en courant tenant leur sac à dos qui sautillait à chacun de leurs pas. On pouvait entendre les moteurs des voitures mélangé aux cris des marchants essayant d'attirer l'attention des passants. Le ciel était blanc avec seulement l'énorme boule de feu, un effet assez flou, et quelques traces d'avions. Autre que les petits êtres humains, des gens se baladaient tranquillement. Une vieille femme et son chien, un couple, un groupe d'adolescents.

Le vent glacial du nord lui fit avoir des frissons alors qu'il repensait à sa nuit de folie. Ses sourcils ébènes se froncèrent sur le fait qu'il s'était enfoncé en Jimin comme dans du beurre. N'étant pas encore totalement réveillé, une idée stupide lui vint à l'esprit pendant qu'il crachait sa fumée.

Celle que quelqu'un aurait très bien pu passer avant lui.

Juste avant son retour.