LXVI

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— Ca va ? Demanda Jungkook, attristé.

De l'autre côté de la vitre qui les séparait, Taehyung hocha doucement la tête. L'une de ses mains vint gratter nerveusement son ventre caché sous sa tenue orange et il renifla un petit coup. Coudes sur la petite table, doigts se rejoignant en son milieu, là où se trouvait le seul espace sans verre afin que leurs voix s'entendent et permettre un petit contact physique. Un garde assit au fond du petit bout de salle d'à peine quatre mètres carré, tapotait sur son ordinateur, mais bien que concentré sur ses fichiers ses oreilles veillaient à ne pas louper un seul mot de leur conversation. Mais pour l'instant il n'y avait rien à signaler, ils parlaient peu depuis trois minutes sur les dix, ils devaient sans doute se regarder, observer qu'est-ce qui a changé chez l'un et l'autre. Maigreur, cernes chez les deux, moral au plus bas depuis un mois. Les seuls mots qu'ils s'étaient échangés depuis la visite n'étaient que des demandes de Jungkook, ça va ? Personne ne te fait de mal ? dont les réponses étaient toujours celles qu'il attendait, oui, non personne.

L'adulte soupira en abaissant son visage pour venir loucher sur les deux paires de mains qui se rejoignaient, prit les petites dans ses grandes et les caressa de ses deux pouces. L'adolescent acquiesça un petit sourire, il aimait tellement ce genre d'attention comme ce moment : aucun ne parle, le silence le fait pour eux, et leurs deux corps en contact même s'ils rêvaient de se prendre dans les bras. Il suffisait d'un regard, iris sombres et iris bicolores, pour qu'ils se comprennent et sachent comment va l'autre, ce qu'ils feront. Sauf que dès le début de cette visite, Taehyung avait remarqué que l'état de son petit-ami se dégradait au fur et à mesure et cela l'inquiétait vraiment. Il n'avait plus ce petit « quelque chose » qui le rendait fou amoureux de lui, comme s'il avait disparut. Peut-être était-ce la solitude qu'il ressentait depuis maintenant un mois suite au verdict du procès. Un an de prison ferme, voilà ce qu'il avait eu. Le combat avait été long, dur, comme Jungkook l'avait raconté. Malgré sa plainte de légitime défense, le procureur trouvait sans arrêt des explications venant de nul part pour les faits et qui passaient à chaque fois. Leur avocate, pendant la première pause, avait déclaré que la victoire n'était pour l'instant pas de leur côté, que le procureur devait sûrement être un proche de l'oncle au nom de Jung Bondil. Mais ce qu'il ne pouvait nier était que, lors des recherches dans sa maison, une mallette contenant des outils d'opérations et de puces identiques à celle de Taehyung, ainsi que des vidéos de ces tortures avaient été retrouvés. Il s'agissait plus exactement de GPS pouvant vibrer sur commande ou lorsqu'il se trouvait à une certaine distance limitée de la maison. Pour faire simple, c'était un objet de torture empêchant l'adolescent de faire qu'il voulait et de s'enfuir, raison pour laquelle il ne pouvait pas appeler de l'aide durant sept longues années. Jungkook pensait avoir trouvé pourquoi, lors de leur toute première rencontre, le petit était partit alors qu'il dormait encore : il devait sans doute avoir mal au cou à cause de cette saloperie. De plus, il avait appris quelque chose qui le rendait furieux à chaque fois qu'il y repensait : l'œil aveugle de Taehyung. Jamais ils n'en avaient parlé, et apparemment, il ne savait pas quand, mais l'avocate avait été mise au courant de son histoire. Et c'est lorsqu'elle a évoqué ce sujet que l'adulte l'apprit : c'était durant une tentative de viol. L'homme prenait toute sorte d'objet, menottes, cordes, couteaux pour le scellé contre le sol. Il avait suffit d'un seul faux mouvement pour qu'une larme tombe et lui tranche le sourcil et l'œil gauche. Les spectateurs, juges et témoins marquaient leur visage de dégout et certains se frottaient leurs yeux. Le procès avait été très dur mentalement, mais tout ça portait ses fruits : La peine du jeune était passée de quinze à un an de prison ferme grâce à Namjoon, Haytham, Lindsay, l'avocate et lui, mais surtout en la confiance que Taehyung avait eu envers la femme pour tout lui raconter. Sans ça, Jungkook n'aurait su s'il allait accepter une nouvelle fois de perdre quelqu'un. Une main qui se retira des siennes le fit relever le visage et il vit le jeune se la mettre devant la bouche pour tousser sec. Le pauvre... Il fallait qu'il tombe malade maintenant. Ses lèvres s'ouvrirent mais l'autre renifla ses doigts, puis releva son regard mi-aveugle vers lui.

— Tu fumes encore... Fit-il d'une petite voix.

— Mh...

— Tu sens l'alcool... L'adulte tourna la tête, honteux. Jungkook... Non... Tu resombres...

— Je... Je peux pas m'en empêcher... Il le fixa avec des yeux larmoyants. C'est trop dur... C'est encore pire que quand tu étais dans le coma... Te savoir ici, avec tous ces connards qui pourraient s'en prendre à toi et-

— Eh eh eh... Stoppa Taehyung en se retenant de pleurer lui aussi. Je vais bien... Enfin... Non... Je suis mort de trouille à longueur de journée mais... Mais je vais essayer de sympathisé avec un ou deux comme ça... Ca pourrait te rassurer un peu, non ?

— J'en sais rien... Essaie oui mais fais vraiment attention s'il te plaît... Je déteste qu'on me mente...

— Alors toi aussi, veille sur toi. Compte avec moi le nombre de jours qu'il reste avant ma sortie, gagne de l'argent avec ton petit boulot pour un jour on parte en vacance loin d'ici. Il baissa la tête. Je... Je veux pas que tu replonges dans tous ces trucs mauvais pour le corps alors que t'avais réussi à en sortir...

— Sauf que tout ça c'est grâce à toi...

— Mais je suis là ! Regarde ! Il fit de grands gestes avec ses bras pour lui prouver sa présence, ce qui le fit rire légèrement. Loin des yeux, près du cœur !

— Oui. Oui...

Les deux se regardèrent avec un sourire ornant leurs deux visages. Un sourire voulant tout dire, ne t'en fais pas, tout ira bien, je reviendrai. Puis une nouvelle fois, les deux amoureux ne communiquaient plus qu'avec des caresses sur leurs mains jusqu'à ce que le temps limite ne s'écroule. A l'instant où la sonnerie désagréable résonna, ils sortirent de leur monde personnel et le garde de son ordinateur. Il annonça la fin, ne mit pas de menottes, le prit simplement par le bras afin de le lever pendant que le plus vieux ne pouvait que faire regarder. Sauf qu'avant de passer la porte et de disparaître une énième fois depuis un mois, le jeune prisonnier s'arrêta, se retourna face à son petit-ami pour lui murmurer dans un sourire triste avant de partir :

— Existe autrement Jungkook... La porte en ferraille claqua, faisant couler une larme sur la joue de l'adulte.

❝𝐄𝐗𝐈𝐒𝐓𝐄𝐑 𝐀𝐔𝐓𝐑𝐄𝐌𝐄𝐍𝐓❞ ᵏᵒᵒᵏᵛOù les histoires vivent. Découvrez maintenant