XLVIII

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— Ça fera douze euros, fit la pharmacienne en clapotant son clavier d'ordinateur.

— Eum... Et si on rajoute des compresses et des bandages ?

La jeune femme a l'allure prostituée, se déhanchant comme pas possible disparut dans un rayon plus loin. Les hommes présents n'avaient d'yeux que pour elle, blouse blanche ras la moule et décolleté de l'enfer, forcément que cela attirait. Long cheveux blonds prenant son envole par un revers de main, elle revint avec deux boîtes bleues et les scanna une fois devant son ordinateur.

— Dix-neuf euros mon lapin.

Sa fine main tâta sa poche arrière de jean et il en sortit un billet de vingt. Heureusement, qu'il avait eu pile le montant. Il le déposa sur la table en verre et elle le prit mais s'interrompit:

— J'ai oublié de te demander, tu n'as pas ta carte vitale ?

— Non...

C'est vrai ça, il n'avait pas pensé à chercher celle de Jungkook. Peut-être qu'il l'aurait engueuler, mais il n'avait aucun droit sur ça après ce qu'il est en train de faire. Cela faisait le troisième jour que ce dernier ne se réveillait pas, troisième jour de stresse et jour de son anniversaire. Sympa comme cadeau pour ses dix-huit ans. Alors que sa main empoigna le sac plastique, l'autre récupéra les un euro restant. Mais avant qu'il ne se retourne, la pharmacienne rajouta:

— Tu devrais enlever ta lentille de couleur mon chou, ça gâche tout ton visage d'ange ! On est pas à Halloween ou si tu cherches à te faire un style, je suis désolée de te le faire apprendre mais c'est loupé.

Sa lentille de couleur ? Quelle lentille de couleur ? Il ne l'avait pas, il n'en avait plus. Il fronça légèrement ses sourcils ébène, incompréhensif. Lorsqu'elle pointa son œil, il comprit. Elle parlait de sa cécité. Sa tête se baissa, énormément vexé par sa réflexion. « Se donner un style », « Halloween », elle croyait vraiment qu'il avait demandé à se faire trancher un œil ? C'est vrai que c'est commun comme demande ! Et cette fête des morts, il ressemblait à un monstre, c'est ça ? Pourquoi fallait-il que tout le temps, que tout le monde, remue le couteau dans la plaie à chaque fois qu'on lui parlait ? Pourquoi ? Aucune réponse ne se trouvait à l'horizon, seulement des milliards de questions sans jamais logiques qui les accompagnent. Malgré son envie d'évacuer sa colère mélangée à la tristesse, il se contenta de remercier la jeune femme et de partir tête baissée, évitant les regards indiscrets sur sa personne. Pourquoi on le toisait toujours alors qu'il est dépourvu d'un œil ? Alors qu'il est handicapé ? Ils sont tous con. L'Homme est con.

Marchant tranquillement dans une ruelle enneigée sous le ciel gris, le visage au sol, il regardait ses pieds disparaitre dans la fine couche blanche. Ses mains dans ses poches de veste – qu'il avait emprunté à Jungkook pour sortir – et le sac suspendu à son poignet, il grimaça à cause des picotements provoqués par la plaie à son cou. Ça commençait à vraiment guérir; un mal pour un bien comme dirait les autres. Les fils le gênaient souvent, surtout pour dormir, c'était désagréable. Mais bon, il fallait juste résister pour quelques temps, c'était pas le bout du monde. Même si l'esprit n'y était pas, l'ouïe, elle, si. Elle écoutait tout ce qu'il se passait autour, si quelqu'un le suivait mais rien à signaler, à son plus grand soulagement. À une intersection, toujours le nez à s'intéresser à ses chaussures neuves, un couple passa devant lui sans même le voir, allant dans la même direction. Seulement quelques mètres, peut-être trois, les séparaient, permettant d'entendre leur conversation sans le faire exprès. Le silence de la ville y était aussi pour quelque chose. Ses oreilles se tendirent à leurs voix qu'il connaissait plus que trop bien. C'était celle masculine qui venait de commencer.

— C'est pas l'anniversaire de Taehyung aujourd'hui ?

— Mh, si je crois.

— Il a quel âge ?

— J'en sais rien, le même que nous je pense. Le jeune homme passa son bras autour de sa copine pour la coller contre lui. Non fait pas ça Mark tu sais que j'aime pas !

— Je m'en fous. Il soupira. Dis.

— Quoi ?

— Pourquoi tu fais semblant d'être hyper chaleureuse avec lui ? Tu sais bien qu'il a des sentiments pour toi. Le coeur de Taehyung fit un bon.

— J'suis payée pour ça. Raisonnablement en plus. À ton avis j'ai trouvé où l'argent pour le bandana Gucci que je t'ai offert à Noël ?

— Ah, oui. Et c'est qui qui te paye ?

— Un membre du SBK, sous ordre d'Hoseok apparement. J'sais pas ce qu'il y a entre eux mais tu sais qu'apparemment, ils font parti de la même famille ?

— T'es sérieuse ?! Où est-ce que t'as entendu ça ?

— Une rumeur qui circulait dans le lycée pendant qu'il était pas là, après ce sont que des rumeurs, rien ne dit que c'est vrai. Ah ! Il m'a toujours agacée avec sa tronche d'innocent !! Et ses cheveux gris, qu'est-ce que c'est moche !

— Oh abuses pas Jennie, moi je trouve que ça lui va bien. Mais ce que je trouve lourd avec lui c'est qu'il est tout le temps absent mais réussi toujours à avoir une moyenne de malade sans même avoir reprit les cours. Ça, ça me gonfle !

— Mh c'est vrai.

— Tu l'as déjà vraiment aimé ?

— Jamais, j'ai toujours fait semblant de lui faire croire que c'était réciproque. Et puis, c'est toi que j'ai toujours aimé.

Taehyung n'avait pas entendu la fin de leur conversation, il avait déjà fuit, loin, très loin. Depuis le début on se foutait ouvertement de sa gueule, de lui-même. Personne ne l'aimait, il était détesté. Son seul ami, la personne à laquelle il tenait énormément, tout ça n'était en fait qu'un jeu, du théâtre, du fake. Pourquoi ? De disait-il pour l'énième fois depuis dix-huit ans. Dix-huit ans qu'il se répétait ce simple mot. Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi était-ce si compliqué de l'apprécier ? De l'accepter ? D'accepter ses douleurs et tout ce qu'il vit ? Oui, eux, ils s'en foutent, ils font partit de la bourgeoisie. Bande de con ! Salopard ! Lui, il se vendait pour avoir ne serait-ce, qu'un peu d'argent, eux, jamais ils connaîtront ça. Mais lui, Taehyung, voulait qu'ils connaissent ça, qu'ils découvrent ce qu'il endure depuis trop longtemps, qu'ils comprennent sa douleur encore en ce moment, multipliée par un chiffre infini. Malgré tout ça, une seule personne semblait l'apprécier, peut-être qu'un peu, mais quelque chose de sincère, de beau. Une personne au nom de Jeon Jungkook, une personne vers laquelle il se conduisait à toute allure pour le rejoindre.

Une personne dont il avait besoin.

❝𝐄𝐗𝐈𝐒𝐓𝐄𝐑 𝐀𝐔𝐓𝐑𝐄𝐌𝐄𝐍𝐓❞ ᵏᵒᵒᵏᵛOù les histoires vivent. Découvrez maintenant