II

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Parmi les rires, les cris, les disputes alcoolisées, la lourde porte en bois grinça et un nouvel arrivant entra. Se faufilant entre les ivrognes, évitant les coups de coudes, les verres volants, il se dirigea vers le bar principal. Par chance, ce dernier n'était pas trop remplit ce qui put lui permettre de s'installer à un siège en hauteur. Une centaine de bouteilles d'alcools, de vins, et des verres étaient placé à l'arrière, éclairés par des spots rouges. Quelques hommes profitaient publiquement de certaines prostituées de la taverne et le jeune s'accouda au zinc, lançant un regard au barman. Un grand costaud aux cheveux blonds rasés sur les côtés, vêtu d'une chemise simple blanche ainsi qu'un tablier noir recouvrant à moitié son jean de la même couleur. Et quelques années en plus. Lorsque leurs yeux sombres se croisèrent, ce denier sourit. Il finit de servir deux énormes chopes de bières allemandes à un homme pour venir faire face au nouveau venu.

— Jungkook ! S'écria-t-il d'une poignée de main, un immense rictus aux lèvres, dévoilant ses dents parfaitement alignées. T'avais pas encore un an ? Ça fait du bien de te revoir !

— 'Sortie plus tôt. Tu sais bien l'ange que je suis.

L'adulte ria bruyamment, se mélangeant au brouhaha incessant. Puis, sans se concerter, il lui servit une mass de rhum blanc, avant de s'excuser pour aller vers d'autres clients qui venaient de l'interpeller. Attendant que son ami revienne, le jeune homme se retourna et observa l'ambiance de la salle tout en sirotant sa boisson favorite. Une piste de danse régnait en maître au milieu où une trentaine d'hommes et femmes se déhanchaient sur du U2. S'excitant l'un l'autre, des couples sortaient parfois, même souvent, de la foule pour disparaître dans les escaliers, montant à l'étage. Le genre d'aventure d'une nuit. Des groupes d'adultes d'une quarantaine d'années jouaient aux cartes, à du poker et toutes sortes d'autres dont certains terminaient les parties aux poings. Chaises volantes, parfois même un corps, il y avait une ambiance plutôt chaude, amusante.

Les voir se battre fit sourire d'un air malsain Jungkook lorsque son alcool bien-aimé fut renversé de moitié sur lui par un dos qui venait de rentrer dedans. Le corps vint s'éclater au sol jonchant de déchets et de liquides différents. Le touché lâcha un râlement sévère en frottant sa manche de veste en cuir et son t-shirt blanc après avoir posé son verre. Puis il regarda, enragé, le responsable qui s'était déjà relevé. Un jeune d'environ son âge, peut-être même un ou deux ans de plus, une peau blanche qu'on pourrait penser à de la porcelaine, les cheveux noirs cachant son front jusqu'à ses sourcils. À ses lobs, pendait un anneau argenté complété par un pic orienté vers le bas. Il fixait le plus jeune sans un mot.

— Pardon ça existe ! Tonna celui-ci.

Le plus vieux papillonna des yeux comme si les paroles agressives de l'autre l'avait fait sortir de son monde. Il se courba légèrement puis fit volte-face, esquivant de peu un ivre puis disparut dans la foule. Refrottant les parties humides de ses vêtements, sourcils froncés, il lâcha des injures muettes avant de recommencer à déguster le peu de Rome blanc qui lui restait. Se lassant de regarder les adultes sombrer dans l'alcool, il se retourna pour voir où en était son ami. À l'autre bout du bar, ce dernier souriait d'un sourire qui ferait tomber chaque homme gay et chaque femme amoureuse, à deux moustachus ayant la cinquantaine. D'ailleurs, ils se ressemblaient tellement qu'on aurait pu les comparer à Dupont et Dupond, dans Tintin et Milou. L'adulte finit d'un coup sec sa boisson et claqua le verre sur le bar en bois composé marron, de sorte à attirer l'attention du barman. Quelques regards se posèrent alors sur lui une demi-seconde, avant de reprendre leurs occupations souvent pas très catholiques.

Mais l'essai échoua et il dut attendre une bonne heure pour que la majeure partie des personnes partent. La musique était maintenant moins forte et calme. Il y avait encore trois groupes d'hommes à leurs cartes et une dizaine d'autres dansant, buvant, fumant des cigares. À moitié avachit sur le zinc, les cheveux cachant à moitié son visage, il somnolait. Pensant à tout et à rien. Mais plus à rien.

— Tu en as bu combien ? Demanda soudainement une voix masculine.

Jungkook sursauta et leva les yeux vers le serveur, qui lui sourit légèrement avant de prendre sa mass pour la laver grossièrement d'un chiffon blanc, déjà bien mouillé.

— Trois.

— Tu m'épateras toujours avec ta capacité à supporter un alcool aussi fort ! C'est Bambam qui t'as servi ?

Le jeune lâcha un rire en hochant la tête pendant que l'autre le regardait d'un sourire en coin, faisant ressortir quelques dents blanches.

— Bon ! Le verre se posa à la renverse sur le plan de travail, suivit du tissu à sa droite et il s'accouda à celui-ci, les deux mains à ses joues pour soutenir sa tête. Racontes-moi comment t'es sortie ! Maintenant que le monde est partit.

— Jimin te l'avait pas dit ?

— Jimin ? Non. Ça fait un moment que je l'ai pas vu. La dernière fois remonte à un mois je crois. Il était avec un autre gars. Mais bon bref, racontes moi tout !

Jungkook resta silencieux quelques secondes, le temps que l'information monte à son cerveau. Pourquoi être jaloux ? Il avait bien le droit d'avoir des amis. Mais quand même, tout ça n'arrangeait rien de bon. Les deux sets de tables, le fait qu'il y avait si peu d'aliments, le fait que son entre était du beurre. Tout était étrange. Après une ou deux réflexions dans son esprit, il céda puis souffla.

— Namjoon, tu sais bien que je suis mauvais narrateur...

Seul Beethoven lui répondit ainsi que quelques rires gras. Les yeux du blond nommé Namjoon reflétaient l'enfance, n'attendant qu'une histoire palpitante. Le fumeur le fixa un instant avant de commencer son récit, le sourire aux lèvres.


Un chat miaulant puis un bruit assourdissant de ferraille se fracassant au sol. Quelques voitures passantes à l'extrémité de la ruelle sombre, éclairée seulement par un lampadaire à quelques mètres de là. Une ombre cachée entre deux poubelles, recroquevillée sur les genoux, la tête entre les bras, les cheveux épars. Le vent glacial de la nuit lui gelait chaque parcelle de son corps. Ses orteils, ses doigts. Seuls les bruits de la ville atteignaient ses pauvres tympans fatigués. Elle restait immobile, sans aucune vie.

Privée de vie.

Et la seule phrase qu'elle se répétait depuis longtemps, même trop longtemps était:

« Emporte-moi avant que je ne
le fasse moi-même... »

❝𝐄𝐗𝐈𝐒𝐓𝐄𝐑 𝐀𝐔𝐓𝐑𝐄𝐌𝐄𝐍𝐓❞ ᵏᵒᵒᵏᵛOù les histoires vivent. Découvrez maintenant