Lorsque je partis voir Nouria, ma montre indiquait midi; elle préparait donc le repas de ma famille dans les cuisines. Elle me serra dans ses bras, nous échangions quelques banalités, puis je me lançai.
— Je suis allé voir mon père aujourd'hui, pour le contraindre à relâcher les enfants Scintillants. Il a dit oui. Mais maintenant, il faut leur trouver une famille. Je me suis dit que tu pourrais peut-être t'en occuper? Au moins provisoirement?
— Ton père a accepté de les libérer? Vraiment? Cela m'étonne de lui. C'est une bonne chose en tout cas, tu as eu raison de lui parler. Pour ce qui est de les garder... Je ne sais pas. Laisse-moi réfléchir. Ce n'est pas une décision qu'il faut prendre à la légère, et je dois en parler avec ton père. Je ne voudrais pas me le mettre à dos.
— Je comprends, ne t'inquiète pas. Je vais voir s'ils peuvent dormir dans ma chambre à la caserne cette nuit, le temps que tu te décides. Je ne peux pas les laisser là-bas, d'autant plus que leurs parents vont se faire emmener sur la place publique dans quelques heures.
— Vas-y, je te redirais dès que je suis décidée.
Je déposai un baiser sur son front, puis retournai encore une fois parler à mon père. Etonnement, il me donna son accord de suite. Il me fit un mot à l'intention des gardes, comme quoi les enfants pouvaient partir avec moi. Je descendis alors les sombres escaliers et arrivai dans les sous-sols. Un frisson me parcourut l'échine. e ne pouvais pas dire si cela était dû à la température ou à la vue des prisonniers; de nombreux opposants politiques périssaient ici, depuis d'innombrables années pour certains. Je fus soulagé d'arriver devant la cellule des Scintillants.
Lorsque je les vis tous les quatre, serrés si fort les uns contre les autres que l'on aurait dit un seul corps, je crus défaillir. Avoir sauvé les enfants était une chose, mais j'avais tout de même brisé cette famille en les emmenant ici. Je jetai un coup d'œil aux gardes, pensant que je pourrais peut-être sauver les parents aussi. Mais les cinq gardes m'en dissuadèrent en un instant. J'entrai donc dans la cellule, le bruit de la porte grinçante réveillant les Scintillants. Je me mis à genoux devant eux, tandis que le père m'observait avec dégout. Je sentis mon cœur se serrer davantage.
— J'ai réussi à convaincre mon père de laisser les enfants. Je vais veiller sur eux, je vous le promets. Et je suis désolé pour tout, j'aurais aimé éviter ça, murmurai-je malgré ma gorge serrée.
— Les petits vont vivre? me demanda la mère, les larmes aux yeux.
— Oui. Mais je n'ai rien pu faire pour vous, je suis désolé, encore une fois.
— Ce n'est pas grave. Merci, merci. Prenez soin d'eux, je vous en prie. Rappelez-leur tous les jours s'il le faut que leurs parents les aimaient.
Je hochai la tête, me mordant la lèvre pour éviter de pleurer.
— Qu'est-ce qu'ils vont devenir? continua-t-elle.
— Dans un premier temps, ils seront avec moi. Ensuite, ils iront sans doute chez la nourrice qui m'a élevé. C'est une femme formidable, ne vous inquiétez pas pour eux.
Les parents enlacèrent alors leurs enfants avec passion, et je voyais pour la première fois ce qu'était une vraie famille. L'amour qu'ils avaient les uns pour les autres était si fort qu'ils paraissaient ne jamais plus pouvoir se relever. Ils se relâchèrent ensuite, et le père se leva afin de les emmener à moi. Derrière, leur mère se mordait les mains, et la seule chose qui l'empêchait de hurler de douleur était la peur d'effrayer ses enfants. Je savais que ces images ne quitteraient jamais mon esprit.
Je pris les enfants pas les épaules et les entrainaient dehors. Le père enlaça sa femme dans ses bras, puis j'entendis malgré moi leurs sanglots désespérés. J'en avais la nausée. Les larmes aux yeux, je pressai le pas afin de faire sortir le plus vite possible les enfants. Une fois dehors, je me sentis mieux. Le soleil était à son zénith, cette ambiance plus chaleureuse me calma un peu. Je m'arrêtais alors et observais les deux petits Scintillants. Ils étaient terrorisés. Avec une grande émotion, je les serrai dans mes bras.
— Tout va bien, ça va aller, je vais m'occuper de vous. On va allez chez moi, d'accord? Je vais vous donner tout ce que vous voulez, leur dis-je avec entrain, tentant de les rassurer du mieux que je pouvais.
Ils hochèrent la tête, pourtant peu rassurés.
— Comment vous appelez-vous?
Face à leur mutisme, je ne sus pas comment réagir. Mais je comprenais bien évidemment leur réaction et ne les brusquais pas.
— Moi, je m'appelle Demyan.
Je leur sourit, puis les entrainai vers un dirigeable afin de rentrer à la caserne. Le trajet me parut durer une éternité et je fus soulagé d'arriver. Comme me l'avait conseillé mon père, je passais par la porte arrière, ne désirant pas qu'un legio apprenne que des Scintillants séjournaient ici.
— Et voilà, votre nouvelle maison pour les prochaines nuits. Je conçois que c'est un peu petit, mais ne vous inquiétez pas, on va s'arranger.
N'ayant été que très peu au contact des enfants dans ma vie, je ne me sentais pas très à l'aise avec eux. Néanmoins, mon attachement grandissait déjà à leur égard et je savais que cela viendrait bientôt. Je partis ensuite leur chercher un matelas, tandis qu'ils commençaient à visiter les lieux. Etonnement, leur présence me rendait heureux, et c'était bien la première fois que je ressentais ce sentiment ici.
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Diadème de cendres
Fantasy« Qu'auriez-vous fait à ma place? Continuer de fermer les yeux sur le malheur de votre peuple? Ou bien essayer de vous battre pour avoir une vie plus sereine? Personnellement, j'ai choisi la seconde option, pour le meilleur ou pour le pire. » Keryna...