Le lien que j'entretenais avec Fastic s'intensifiait de plus en plus et je ne pouvais plus me résoudre à rester séparée de lui. Je décidais alors en ce début de matinée, à la suite d'une nuit mouvementée, d'aller chez les elfes. De plus, la réunion qui aurait lieu le lendemain serait comme toujours là-bas. Après avoir pris un copieux petit déjeuner, j'embrassais Yla et partais.
Quelque temps plus tard, j'arrivais chez Egna. Son visage blafard ne m'annonçait rien de bon, et je devinais que de nouvelles disparitions avaient dû être déclarées. Je lui demandais alors confirmation.
— Deux gardes royaux ne sont pas revenus depuis hier, ils étaient en mission pour la reine. L'un d'eux est un de mes amis, m'annonça-t-elle, la gorge serrée.
— Je ne sais pas quoi te dire...
— Ne dis rien, je n'ai pas besoin d'être rassurée. Et je préfère que tu dormes chez la reine plutôt qu'ici, je ne suis pas au meilleur de ma forme.
— Bien sûr, je comprends. Je préviendrais Suran, il me rejoint cet après-midi, lui dis-je.
— Bon, je suppose que tu voudrais voir Fastic?
J'acquiesçais, avec un immense sourire plaqué sur le visage. Elle m'emmena alors vers la grotte, et je sentis une chaleur m'envelopper à chaque pas qui me rapprochait de lui. Avant même que nous l'atteignions, je le vis sortir sa tête. Il poussa quelques cris en s'approchant de nous. Je me mis à rigoler tout en enlaçant son cou de mes bras, ses plumes chatouillant ma peau. Egna nous laissa ensuite seuls. Observant le dos de mon Oiseau, je pensais à monter dessus. L'idée m'enthousiasmait, mais j'étais bien trop froussarde pour tenter cette audace. Partir à l'assaut rempli de gardes me faisait moins peur que d'affronter le vide. Je n'avais jamais eu le vertige, pourtant voler avec Fastic ne me mettait pas vraiment en grande confiance.
Il parut ensuite m'encourager à monter sur lui, me poussant à l'aide de sa tête. Il ne se rendait pas compte de sa force, alors je me retrouvai en moins d'une seconde à terre. Puis je m'esclaffais en secouant mes cheveux pleins de branchages.
— Très bien, mon grand, j'ai compris le message!
Prenant mon courage à deux mains, je m'agrippais à ses plumes, les serrant comme si ma vie en dépendait. Puis sans que je m'y attende, il donna à grand coup d'aile qui nous propulsa dans les airs. Je poussais un cri terrible en serrant mes jambes contre ses flancs. Mon cœur bondissait dans ma poitrine en même temps que je sentais les larmes monter sous le choc. Je sentais l'air me fouetter le visage, mes cheveux flottants derrière mon dos. J'inspirais ensuite pour me calmer et pouvais enfin observer le paysage. Mon sang pulsant encore dans mes veines, je fus ébahie ce que je voyais.
Je ne pensais pas qu'il pourrait y avoir une meilleure vue que de l'Arbre. Et pourtant, sous mes yeux grands ouverts, se trouvait le royaume des Elfes comme je n'avais jamais pu l'observer. Le plafond de roche juste au-dessus de ma tête paraissait créé dans un diamant noir étincelant, et ce qui se passait en bas était aussi époustouflant. La flore luminescente éclairait avec magie la terre elfique, si bien que je n'arrivais plus à détacher mes yeux de ce spectacle. Je caressais alors Fastic, le remerciant de m'avoir fait découvrir cela. Nous perdions ensuite de l'altitude, jusqu'au moment où ses serres acérées entrèrent en contact avec la terre, des morceaux volant de toutes parts sous la violence du choc.
Ce fut avec soulagement que j'atteignais le sol. Je descendis de son dos, fermant les yeux quelques instants pour calmer ma nausée. Je m'allongeais ensuite, puis il se coucha à mes côtés.
— C'était incroyable... murmurai-je, plus pour moi-même que pour lui.
Puis m'étant enfin calmé, je me redressais et l'emmenais dans sa grotte. J'étais conviée au repas de la reine ce midi-là et je ne devais pas être en retard. Après avoir promis à Fastic que je serais de retour dès que possible, je courrais donc jusqu'à l'Arbre.
J'arrivais là-bas le souffle saccadé, les joues en feu et les cheveux en broussailles. La domestique qui m'accueillit haussa les sourcils dans une expression outrée. Je ne pus m'empêcher d'avoir un léger sourire.
— Mademoiselle d'Ivraska, veuillez me suivre, je vous prie. La reine m'a chargé de vous apprêter, m'informa-t-elle.
Puis elle tourna les talons et je la suivis jusqu'à une salle décorée de nombreux tableaux. L'odeur de rose m'enivra et j'inspirais à pleins poumons.
— Je vous ai fait couler un bain, prenez le temps qu'il vous faudra.
Je la remerciai puis me dirigeai dans la salle de bain. Elle n'était absolument pas à mon gout, peinte d'un rose bonbon affreux, mais l'idée d'entrer dans l'eau chaude avait fait fuir mon aversion.
Je restais un bon moment, puis sortais et m'habillais d'une tunique blanche, seul vêtement qui était disposé dans la pièce. J'ouvris ensuite la porte et me dirigeais vers la domestique.
— Installez-vous ici, me dit-elle en désignant un fauteuil de velours bleu.
J'obéissais, mes pieds nus frôlant la moquette soyeuse. Puis elle se plaça derrière moi et commença à brosser mes cheveux humides. Je grimaçais en pensant que cela n'arrangerait rien. Elle les arrangea ensuite en une couronne de tresses et je levais les yeux au ciel. J'aimais mes boucles rousses au naturel, tous ces arrangements ne servaient qu'à donner l'impression d'une princesse prétentieuse. Je n'aimais pas cette image de moi même.
Elle voulut ensuite me maquiller, pourtant je déclinais, je m'étais laissée faire pour la coiffure et c'était déjà trop.
— Quel genre de robe voudriez-vous porter? me demanda-t-elle après ce refus.
— Pour tout vous dire, je ne suis pas fan de cela. Auriez-vous plutôt des chemisiers ou pantalons?
Elle souffla, puis accepta tout de même de m'emmener dans la garde-robe, la pièce d'à côté. Tous les vêtements de couleurs reposaient soigneusement sur des cintres, donnant l'impression d'un arc-en-ciel infini. Je choisissais un pantalon en toile noir et un haut basique, mais la domestique m'imposa un chemisier bouffant, le jugeant plus distingué que celui que je désirais.
Je m'observais alors et me remerciai intérieurement d'avoir refusé une robe. Il ne manquait plus que cela et je donnais l'image d'une petite princesse parfaite.
— Nous allons être en retard, venez, me pressa-t-elle ensuite.
Je la suivais alors après un dernier regard pour mon reflet.
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Diadème de cendres
Fantasy« Qu'auriez-vous fait à ma place? Continuer de fermer les yeux sur le malheur de votre peuple? Ou bien essayer de vous battre pour avoir une vie plus sereine? Personnellement, j'ai choisi la seconde option, pour le meilleur ou pour le pire. » Keryna...