Diadème de cendres

Chapitre 26: Keryna.

Lorsque je me réveillai le lendemain matin, Suran dormait encore. Je me levai donc puis ouvris les rideaux. Il se mit à grogner, cachant sa tête dans les couvertures. 

— Allez, debout! Les Roses ne vont pas tarder à arriver, et ils préfèreraient te voir habillé plutôt qu'en pyjama, lui dis-je en riant. 

Je partis dans la salle de bain m'habiller. Je passai ensuite ma main dans mes cheveux afin de les ébouriffer, ayant résolu depuis longtemps déjà l'idée de les coiffer. Mes boucles rousses étaient indomptables.

Après nous être préparés, Suran et moi allions dans la salle des réunions. En réalité, on ne pouvait pas vraiment appeler cela une salle. Une terrasse, à la rigueur, aurait été plus approprié. Elle se tenait au centre de quatre branches d'un arbre, sans murs ni plafond. Seules des rambardes sécurisaient le lieu.

Les premiers Scintillants arrivèrent et je fus heureuse de voir Nilessa. Elle paraissait fatiguée, mais son teint était moins terne que la dernière fois que je l'avais vu.

— Tu es certaine que mes enfants sont en sécurité? me demanda-t-elle. 

— Oui. Je connais celui qui s'en occupe et il leur donne beaucoup d'amour. 

— Il est vrai qu'il est différent des autres Sans-Pouvoir. Il était vraiment triste tu sais, il s'est excusé plusieurs fois de nous faire ça. Ce n'était pas un mauvais garçon, il n'a pas choisi cette vie. 

— Je sais, j'ai appris moi aussi à le connaître à mes dépens.

Parler de Demyan était bien la dernière chose que je désirais faire, alors je partis voir Yla et Pol. Pourtant, je n'arrivais pas à me le sortir de la tête. Je pensais à lui presque sans cesse. Et plus je tentais de me raisonner, plus des sentiments inconnus grandissaient en moi.  Jamais je n'avais ressenti ce genre de chose pour personne auparavant. Jamais. 

Une fois tout le monde arrivé, je montai avec Suran sur une grosse branche afin qu'ils puissent nous voir et nous entendre. Je m'appuyai à l'écorce rugueuse, étant plus rassurée à ce contact. Je pris donc la parole.

— Bonjour à tous. Si nous vous avons réuni aujourd'hui, c'est que nous avons plusieurs annonces à vous faire. Tout d'abord, et ceci est le plus important, nous allons bientôt attaquer le château. Ce n'est désormais plus qu'une question de semaine. Nous allons donc commencer à organiser tout cela. Voir si nous pouvons nous procurer des armes, définir des groupes, décider par quelle entrée nous ferons notre apparition... Vous pourrez jeter un coup d'œil aux plans et nous donner votre avis. Maintenant, nous allons vous révéler l'identité de la princesse.

A l'entente de cette phrase, l'assemblée se fit plus bruyante. Tous s'étaient mis à chuchoter. Je devenais moins sûr de moi, je ne savais plus comment l'annoncer. Et si mon peuple ne m'acceptait pas? Et s'ils étaient déçus que ce soit moi? Prise de bouffées de chaleur, Suran me retint par le bras. 

— C'est moi. La princesse, c'est moi, répétai-je devant tous les yeux écarquillés. 

C'est alors que je vis des sourires. Des sourires sur les visages de chaque Rose. Et ils se mirent à applaudir, à m'acclamer, et je me sentis ému comme je ne l'avais jamais été. Je descendis ensuite vers eux et certains vinrent me prendre dans leur bras sans que je comprenne pourquoi. Jamais je n'avais réalisé à quel point j'étais importante à leurs yeux. J'étais la fille du roi et de la reine qu'ils avaient tant aimés. J'étais celle qui devait les sauver des Sans-Pouvoir.

Après avoir longuement discuté avec presque chaque Scintillant, je rejoignais la chambre que nous avait attribuée la reine. J'y avais laissé mes affaires et je devais rentrer chez moi. C'est alors qu'Eneuk fit son apparition, appuyé à la porte. 

— Bonjour Keryna. Ou devrai-je dire, princesse, ajouta-t-il en faisant une révérence. 

Je levai les yeux au plafond, continuant de rassembler mes affaires dans mon sac.

— Ce n'est qu'un titre, ça ne change rien à ce que je suis.

— Je sais. Et puis ce n'est pas comme si tu avais été élevé comme tel. 

Je hochai la tête, sans lui faire part de mes réflexions. J'y pensais souvent. Peut-être aurai-je été bien différente que celle que j'étais en ce jour. Peut-être que j'aurais négligé Yla car ce n'était qu'une servante, que j'aurais aimé les robes coutant le prix de ma maison, que je n'aurais pas pu vivre autre part que dans ce palais royal... Au fond, je ne savais pas qui j'étais. Aurai-je été si proche de mon peuple si je n'avais pas eu cette vie? Je ne pense pas, non. Peut-être même les aurai-je méprisés, qui sait?

— Bon, je dois y aller, tu voulais me dire quelque chose? lui demandai-je en mettant mon sac sur mes épaules. 

— Pas forcément, mais n'hésite pas à passer dans le royaume si l'envie t'en prend. 

— Bien sûr!

Je le saluai d'un signe de main puis descendis afin de rejoindre Suran. Alors que soleil se couchait sur Ivraska, je montai donc dans le dirigeable puis nous partions.