En revenant à la caserne, je ne savais toujours pas quoi penser de mon après-midi avec Keryna. Elle ne paraissait pas désirer passer du temps avec moi, et encore moins me parler, ce que je ne comprenais pas. Malgré cela, j'avais aimé être avec elle. Au fond, son attitude me faisait rire.
Pira m'attendait devant ma chambre lorsque j'arrivais. L'ignorant, j'entrai en la poussant. Elle bloqua alors la porte avant que je puisse la fermer, et s'incrusta sans que je lui eut donné l'autorisation. Je levai les yeux au plafond, lassé qu'elle se comporte ainsi.
— Alors? me demanda-t-elle avec un sourire en coin.
Je l'interrogeai du regard, bien que je savais ce qu'elle sous-entendait par là.
— Raconte, c'était qui la fille?
— Je vois que les nouvelles vont vite. En quoi ça te regarde?
— Eh bien je suis ta seconde, et ta confidente depuis que tu es arrivé ici. Tu me dis toujours tout, pourquoi pas là? C'est trop personnel?
— C'est juste que je n'ai pas envie d'en parler, lui dis-je en m'adossant au mur.
— Ah, elle a rejeté tes avances? Ou bien il s'est avéré qu'elle était sotte?
Je ne répondis pas, pressé qu'elle s'en aille et me laisse enfin seul. Elle me regardait avec attention, allongée de tout son long sur mon lit.
— Je ne te lâcherais pas jusqu'à ce que tu me dises quelque chose. Tu me connais, ça ne sert à rien de jouer à faire semblant de ne pas m'entendre.
— Tu as gagné, mais après tu me laisses tranquille. C'est une fille de la campagne, le genre de fille que mon père serait horrifié de voir que je fréquente. Je lui ai proposé qu'on se revoie après que je sois passé chez elle et elle a d'abord refusé. Et puis finalement elle est venue aujourd'hui, mais elle était vraiment distante. J'avais l'impression qu'elle était là par obligation.
— Je vois. Elle est peut-être tout simplement timide?
— Non, je t'assure, bien au contraire. Mais je n'ai vraiment pas envie d'en parler, je suis crevé, lui confiai-je en bâillant.
Elle se leva alors, me pressa la main, puis partit. Je soupirai de soulagement, heureux de pouvoir être en paix. Bien que Pira était une très grande amie, en qui j'avais toute confiance, je la trouvais un peu trop envahissante. En arrivant chez les legios, elle avait été ma bouée. Sans elle, j'aurais été encore plus perdu. Nous avions le même âge, et ses parents étaient de la haute aristocratie, ce qui nous avait rapprochés. Je l'avais déjà rencontré lorsque j'étais enfant, mais de nombreuses années s'étaient écoulées depuis.
Dès les premiers jours, nous passions tout notre temps ensemble. J'avais besoin d'elle et elle avait besoin de moi. Nous étions tous deux aussi seuls l'un que l'autre à notre arrivée. Même si pour Pira, c'était un choix de venir, elle ne s'attendait pas à ce qu'il y ait que des adultes. En effet, le plus jeune si l'on nous excluait avait vingt et un ans. C'est elle qui était venue vers moi en premier, juste pour me dire que j'étais très mal habillé. Sur le coup, je ne savais pas si je devais rire ou lui faire comprendre qu'elle ne pouvait pas me parler de la sorte. Mais j'ai choisi la première option, ne pouvant pas m'en empêcher. Et c'est ainsi qu'avait commencé notre amitié.
Le lendemain, alors que je n'avais que trop peu dormi, je me dirigeai vers le réfectoire. Je saluais Pira d'un signe de tête et m'asseyais sans un mot à ses côtés, comme chaque matin. Nous repartions ensuite, allant dans notre bureau. C'était une vaste pièce, nous appartenant à tous deux. Elle avait son côté et moi le mien. Quelques chandeliers l'éclairaient, mettant en valeur les tapisseries aux motifs divers. Je m'assit ensuite sur mon siège, commençant à ranger les papiers qui s'amoncelaient sur ma table. Pira m'expliqua alors le programme de la journée.
— Bon, aujourd'hui je propose qu'on aille un peu plus au nord. Il doit y avoir deux ou trois maisons à vérifier. Sinon, il faut qu'il y ait une équipe qui patrouille sur le marché, et une autre qui contrôle tous les marchands d'armes. Ton père veut qu'on renforce ce côté-là, il a peur que des Scintillants arrivent à en avoir. Personnellement, je ne pense pas qu'il y en ait encore beaucoup, et qu'ils puissent réussir quelque chose, mais on n'a pas d'autre choix que d'obéir.
Je hochai la tête, sans rien ajouter. Puis nous désignions les différentes équipes et installions les fiches dans le hall d'affichage. Je partis ensuite avec Pira vers le nord, suivant ce qu'elle avait prévu.
En arrivant là-bas, nous découvrions une modeste bâtisse, paraissant à première vue abandonnée. Les carreaux des fenêtres étaient brisés et les murs recouverts de végétaux. Seule la lumière nous permettait d'être certains qu'elle était habitée. C'était le genre de maison où s'était réfugiés les Scintillants après le coup d'état, mais beaucoup de Sans-Pouvoirs y vivaient également. Cela ne voulait donc rien dire. Je jetai un regard à Pira, qui était toujours aussi détendue. Elle remettait sa dague dans son étui, puis frappait à la porte. Un homme maigre à la peau pâle nous ouvrit, terrifié.
— Papiers d'identité s'il vous plaît, dis-je d'une voix sévère, ne flanchant pas.
Devant son air choqué, Pira le pressa d'un coup d'épaule. Nous découvrions alors sa femme, et ses deux enfants, dans le même état. Les petits étaient sur le point de pleurer et je m'en voulus d'en être la cause. La mère les prenait par les épaules, murmurant que tout allait bien se passer. Au fond de moi, je priais pour qu'ils ne soient pas des Scintillants. Pourtant leur attitude prouvait le contraire.
L'homme revint avec des papiers et nous les tendit, les mains tremblantes. Au premier coup d'œil, je vis que ce n'était qu'une pâle imitation de nos papiers d'identité. Il remarqua que j'avais compris directement alors son menton commença à trembler. Mon cœur se serra à m'en faire mal, et je fus presque aussi pétrifié qu'eux.
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Diadème de cendres
Fantasía« Qu'auriez-vous fait à ma place? Continuer de fermer les yeux sur le malheur de votre peuple? Ou bien essayer de vous battre pour avoir une vie plus sereine? Personnellement, j'ai choisi la seconde option, pour le meilleur ou pour le pire. » Keryna...