Chapitre 51: Keryna.

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Huit jours après la fête d'Ivraska, tous les Scintillants s'étaient rassemblés une fois de plus chez les Elfes. C'était le grand jour. La bataille, cette journée qui avait été le but de ma vie, mon seul objectif. Cette journée à laquelle je pensais depuis ma plus tendre enfance avec détermination. Je n'arrivais pas à croire que nous y étions. 

Je m'étais levé tôt ce jour-là. De toute façon, je n'avais pas dormi. J'aurais tant voulu parler à Demyan... Mais celui-ci travaillait aujourd'hui et il préférait ne pas éveiller les soupçons en demandant un congé. Il m'avait promis de me rejoindre à dix-huit heures, soit six heures avant l'attaque du château. 

En attendant, je restais donc avec Fastic, je l'avais rejoins à quatre heure du matin, n'en pouvant plus de me retourner dans mon lit en quête du sommeil. Mon Oiseau dormait à côté de moi, et il m'entourait d'une aile, comme pour me protéger. Je sentais mon stress diminuer en sa présence. Je caressais ses plumes bleutées, les yeux fermés. Je poussais un soupir. J'avais tellement de question en tête que je n'arrivais plus à penser convenablement. Est-ce que Demyan va réussir à maintenir les legios? Est-ce qu'il ne met pas sa vie en danger en faisant cela? Combien de Scintillants vont périr pendant l'attaque? Est-ce que nous allons pouvoir entrer dans la château? Comment allais-je réagir si l'un de mes proches se faisait tuer devant mes yeux? Pourrais-je continuer si Suran mourrait?

Les questions défilaient dans ma tête et je n'arrivais pas à les empêcher d'apparaitre. Mes entrailles étaient serrées, j'avais l'impression d'avoir un poids énorme sur la poitrine. Je ne m'étais jamais autant rendu compte de ce qu'impliquait cette journée. Je l'avais souvent vu comme la journée qui changerait enfin notre vie, la journée qui me rendrait mes pouvoirs. Mais j'avais rarement envisagé de perdre. Ou du moins pas aussi sérieusement que maintenant. En ce instant, je m'imaginais tous les scénarios possibles, y compris celui ou tous les Scintillants se faisaient tirer dessus dès le lendemain.

Les larmes coulèrent sans même que je m'en rende compte. Je les essuyais d'un geste rageur de la main, je détestais cette impression d'être faible. J'inspirais alors un grand coup et relevais ma tête avec une lueur déterminée dans le regard. Je devais penser au positif. Il n'y avait pas la place pour autre chose. Je devais me concentrer sur le plan, le suivre à la lettre, c'est tout. Pas de place pour les émotions. Il fallait que je devienne un robot que rien ne ralentirait. Ni la mort de mes proches ni les éventuelles blessures. C'était le seul moyen de sauver mon peuple. Mais c'était plus facile à dire qu'à faire.

A huit heures, je quittais Fastic et prenais la direction de la grande terrasse, où nous nous rassemblions toujours. Tous les Scintillants y étaient déjà, j'étais une nouvelle fois en retard. Yla emmena ensuite les armes au centre. Il y en avait quatre-vingt dix-sept, alors cela faisait environ une chacun. Certains avaient fait des binômes, l'un avait une arme sophistiquée, l'autre une arme blanche, et ils se couvriraient l'un l'autre. 

Personnellement, j'avais voulu prendre mon épée. Celle que m'avait offert Pol un jour avant que Demyan entre dans ma vie. Yla m'avait forcé à prendre une arme d'Eytidy, alors j'avais choisis un Katana qui pouvait aussi tirer des balles électrique lorsqu'on le pliait. Je ne pensais donc pas que l'épée allait me servir, mais j'avais besoin de l'avoir avec moi, de sentir son contact rassurant. Comme un porte bonheur.

— Ca va Kery? me demanda Hox de sa voix rocailleuse, me sortant de la contemplation des arme.

Je hochais la tête et lui adressais un sourire. Je ne le portais pas vraiment dans mon cœur, avant, mais j'avais appris à le connaitre et il devenait pour moi quelqu'un de très important. J'aimais sa franchise, cette façon décontractée de me parler. Il était l'un des seuls qui n'avait pas changé d'attitude depuis la révélation de mon rang. Il m'insultait gentiment sans s'en rendre compte, tandis que d'autre m'appelait Votre Altesse ou encore Votre Excellence. Ces noms n'étaient pas pour moi. Je préférais qu'ils m'appellent Keryna, comme ils l'avaient toujours fait. Je n'avais pas changé, j'étais toujours la même, alors je voulais garder mon nom. Je savais que pour eux, c'était une marque de respect envers moi, mais j'avais l'impression qu'une distance se créait en m'appelant ainsi.

A midi, tout le monde était prêt, nous aurions presque pu y aller directement. Chacun savait par où entrer, quoi faire en premier, quelle arme il prendrait avec lui... Pourtant j'étais toujours aussi stressée que quelqu'un ne respecte pas le plan. Ma vie avait toujours été organisée d'une façon carrée et le fait qu'il y ait un écart me rendait nauséeuse.

Les Elfes, eux, se préparait à leur façon aussi. Il était convenu qu'ils entreraient dès que les Scintillants seraient sur les toits. Ils resteraient sur les toits des immeubles environnent en attendant. La reine avait peur qu'en arrivant en volant, ils se fassent tuer directement par les tireurs à l'arc du palais. Il était vrai que le risque était grand. Très grand. Alors les Scintillants élimineront les tireurs sur les toits en premier pour leur laisser le champs libre. Je m'étais beaucoup entretenu avec la reine cette semaine, nous avions la même vision stratégique, ce qui ne posa aucun problème.

Mon après-midi, je le passais dans ma chambre avec Suran. J'étais allongée sur mon lit, vérifiant tous les plans du château pour la énième fois, tandis qu'il restait observer le paysage de la fenêtre. Il soupira alors et se retourna vers moi.

— Keryna chérie? Je veux que tu me promettes une chose, me dit-il en venant s'asseoir sur mon lit.

— Tout ce que tu veux. 

— Des Scintillants vont mourir, on le sait, mais je ne veux pas que ça t'arrête. Tu dois aller au bout, ramener notre peuple au pouvoir. C'est à toi de gouverner, toi, Keryna d'Ivraska. Rioz n'a jamais été le roi. Si Yla, Pol ou moi mourront, je veux que tu continue. Et si tu réussis, je ne veux pas que tu pleures notre mort durant des années. Tu as le droit d'être triste quelque temps, mais ensuite il faudra nous laissez partir. Je ne veux pas que tu sois malheureuse petite sœur. Tu es celle qui compte le plus pour moi, alors je veux te voir sourire de là haut si je viens à mourir. 

— Tais-toi, murmurai-je en pleurant. 

Les larmes coulaient sur mes joues et je ne fis rien pour les arrêter. Je n'arrivais pas à envisager que Suran puisse me quitter, lui ni aucun des membres de ma famille. Ce n'était pas ma famille de sang, mais c'était celle qui m'avait élevé et chérie durant toutes ces années. Je leur devais tout. Je m'étais construis grâce à eux, et il était inimaginable que je puisse les perdre. 

Je me jetais alors au cou de mon frère et le serrais le plus fort possible dans mes bras. Mes larmes coulaient sur ses vêtements. Il me caressa le dos et j'entendis ses hoquets se joindre aux miens.

— Ca va allez petite sœur, ça va aller, chuchota-t-il. 


Diadème de cendresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant