Une semaine plus tard, je devais partir sur Eytidy. Mon père n'avait fait aucune objection. Je lui avait envoyé une lettre, n'ayant pas le courage de lui parler en face. Je ne l'avais pas vu depuis la disparation de ma mère, alors penser à me retrouver en face de lui suffisait à me rendre malade. Je pensais qu'il comptait sur moi pour tenter un peu de diplomatie. Même s'il ne voulait pas être dépendant de l'île, il souhaitait beaucoup étendre notre technologie, et le président d'Eytidy était le seul à pouvoir nous aider sur cela.
Depuis que Keryna était venue à la caserne, nous ne nous étions pas revus. Je n'osais pas aller vers elle et préférais donc qu'elle fasse le premier pas. Et puis, à vrai dire, je ne savais pas pourquoi je réagissais ainsi. Je comprenais bien ses craintes, alors pourquoi donc ne cela me blessait autant? Lorsqu'elle avait prononcé ces mots, j'avais l'impression de me prendre un coup au ventre. Je prenais cela comme une preuve qu'elle ne m'aimait pas. Au fond, je savais que c'était stupide de penser cela, mais je ne pouvais pas m'en empêcher. Elle était la première fille que j'aimais et je me sentais impuissant face aux sentiments qui m'assaillaient. Je ne savais pas comment réagir avec elle.
Je fus interrompus dans mes réflexions par un son strident qui provenait de ma montre. Elle m'indiquait que je devais être au château d'ici cinq minutes. Après avoir pris un vieux sac vide à la volée, je sortis donc de la caserne.
Le soleil venait à peine de se lever sur Ivraska et il m'éblouissait déjà. Après avoir marché quelque temps, je me retrouvais devant le palais. Mon père prenait la direction du dirigeable, escorté par une dizaine de gardes aux armes plus sophistiquées les unes que les autres. Mon corps se crispa dès que je croisais son regard. Puis avoir pris une grande inspiration, je le rejoignit.
Un soldat m'aida à monter dans le dirigeable et je le remerciai d'un hochement de tête. Je fixais ensuite le sol, d'un bois sombre et luisant. Comme souvent lorsque j'étais stressé, je me mis à prendre mon pouls; il était en cet instant bien trop élevé.
— As-tu des nouvelles de ta misérable mère? me demanda-t-il d'une voix lasse, comme s'il parlais de la pluie et du beau temps.
Je secouais nerveusement la tête. J'avais tenter d'y penser le moins possible ces derniers jours, mais je sentais les larmes venir avec une grande facilité lorsque cela émergeait dans mon esprit. Je n'arrivais toujours pas à croire ce que m'avait dit ma mère. Je trouvais cela invraisemblable, une mère sensée aurait trouvé un moyen de parler à son fils.
Puis alors que je regardais toujours le sol, mon père me prit le poignet d'un geste brusque et le serra jusqu'à ce que je pousse un grognement.
— Tu sais où elle est, pas la peine de me mentir, chuchota-t-il, et je sentis des effluves d'alcool arriver jusqu'à moi. Je te jure que quand je la retrouverais, je la battrais jusqu'à ce qu'elle crève, elle souffrira tellement qu'elle voudra que je l'achève plus tôt.
A l'entente de ces paroles, j'étais complétement tétanisé. Je sentais mes mains trembler et je devais utiliser toute ma concentration pour empêcher les convulsions de secouer mon corps. Une chaleur intense irradiait ma peau, sous le coup de la peur que je ressentais. Je dus fermer les yeux afin de pouvoir respirer convenablement. C'est à ce moment que je compris que la réaction de ma mère n'était absolument pas invraisemblable. Je connaissais cette pression qu'exerçait mon père, et qu'il me faisait subir aussi depuis mon plus jeune âge, cependant je comprenais que ce n'était rien comparé à ce que subissais ma mère.
— Alors dis moi où elle est tout de suite, je serais peut être un peu plus clément, continua-t-il, toujours en me tenant le poignet.
Je voulus répliquer que je n'en savais rien, mais je n'arrivais plus à ouvrir la bouche.
— Très bien. Dans ce cas, nous verrons cela à notre retour. Et alors là, je peux t'assurer que tu comprendra la signification du mot douleur.
Il me lâcha et s'affala sur le siège, tandis que j'étais toujours statufié. Ce n'était pas des paroles en l'air. Je ne pouvais même pas exprimer ce que je ressentais en cet instant, j'étais en transe. La peur me paralysait tellement que je ne pouvais plus penser. Je me contentais de me concentrer sur ma respiration saccadée, la bouche ouverte. Mes cils battaient à une vitesse folle afin de chasser mes larmes, mais rien n'y faisait, quelques larmes perlèrent sur mes joues rougies. Je les essuyais avant que mon père ne les voit. C'était bien le dernier moment à choisir pour en venir aux larmes. Puis on annonça le décollage et je me redressais enfin avec une grande inspiration.
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Diadème de cendres
Fantasía« Qu'auriez-vous fait à ma place? Continuer de fermer les yeux sur le malheur de votre peuple? Ou bien essayer de vous battre pour avoir une vie plus sereine? Personnellement, j'ai choisi la seconde option, pour le meilleur ou pour le pire. » Keryna...